RELATIONS INTERNATIONALES- ETUDES ET ANALYSES- MONDE
2040- ETUDE CIA
Pour la 7e fois, la CIA publie (mai
2021) son
rapport sur l'avenir du monde, rapport établi à destination de Joe Biden, le nouveau président américain pour
l'aider à "lever le nez", explique sur franceinfo jeudi 6 mai Piotr Smolar,
journaliste au journal Le Monde qui signe la préface de l'édition
française de ce rapport intitulé Le Monde en 2040 vu par la CIA,
disponible aux Éditions Les Équateurs.
L'ouvrage pointe les défis à venir dans
un monde qui s'annonce "extrêmement complexe". "On
assiste vraiment à une sorte d'accélération du temps, à une compression du temps
avec des progrès technologiques foudroyants, mais aussi des nuages noirs
qui s'accumulent au-dessus de nos têtes", pointe Piotr Smolar.
Franceinfo : Pourquoi la CIA rend public ce rapport ?
Piotr Smolar : C'est un effort de prospective et de transparence qui est accompli
par la communauté du renseignement américain. C'est le septième rapport de ce
genre. Il est publié tous les quatre ans, au moment généralement où le
président américain entre en fonction à la Maison-Blanche. C'est un document
extrêmement dense et assez passionnant à destination du président américain qui
lui dit : "Vous allez être confronté dans l'immédiat à des problèmes
énormes, des problèmes de diplomatie, des problèmes de santé, des problèmes
économiques, mais levez le nez, levez la tête, regardez l'horizon parce ce que
l'horizon, d'ici 2040, s'annonce extrêmement complexe ! On assiste
vraiment à une sorte d'accélération du temps, à une compression du temps avec
des progrès technologiques foudroyants, mais aussi des nuages noirs qui
s'accumulent au-dessus de nos têtes.
Les objets connectés et l'intelligence
artificielle vont être absolument partout autour de nous. On se dit que celui
qui contrôlera cette technologie peut être celui qui contrôlera la planète,
non ?
Vous avez tout à fait raison. Les deux
des mots clés dans ce rapport, c'est adaptation et innovation. Ce n'est pas des
mots d'une originalité folle, mais par contre, la façon dont ils développent
l'importance de l'innovation technologique dans ce rapport m'a assez fasciné. Il
montre bien que le progrès technologique ne se refuse pas. On ne va pas
s'enfermer dans une tente sans eau courante et sans électricité dans le Larzac.
Le monde est tel qu'il est et la course à l'innovation va s'accélérer encore.
Piotr Smolar,
journaliste
à franceinfo
L'avenir n'est-il pas la fin définitive
de la vie privée ?
Oui, en insistant davantage, évidemment,
sur les États autoritaires, voire totalitaires qui, eux, se sont assis depuis
longtemps sur les notions de droit à la vie privée, de confidentialité. Je
pense notamment à la Chine. Les chiffres qui sont cités dans le rapport sur le
nombre d'objets connectés est assez hallucinant. En 2018, il y avait
10 milliards d'objets connectés, ce qui est déjà pas mal, mais on va vers
des milliers de milliards d'objets connectés. Il y aura une espèce d'immense
réseau qui va être constitué avec tous ces appareils. Ça va permettre effectivement
des progrès majeurs en matière de santé, en matière de transport. J'ai un fils
de 7 ans et je lui dis souvent que je ne suis pas sûr qu'il aura à passer
le même permis de conduire que moi. Peut-être que dans dix ans, dans
15 ans, les voitures seront autopilotées. Il n'y aura plus besoin d'un
pilote humain. On sait aussi, en ce qui concerne les progrès par exemple de l'automatisation,
qu'on ne pourra pas refuser. On cite souvent l'exemple des caissières au
supermarché qui pourraient disparaître. Ça a déjà commencé. Mais même à plus
haut niveau de qualification. C'est cela qui est passionnant. C'est ce ne sont
pas seulement les emplois précaires ou à faible niveau de qualification qui
pourraient être concernés. Il faut penser cet avenir.
La CIA a aussi estimé le cout des
maladies mentales sur la planète. 16 000 milliards de dollars dans
les 20 ans qui viennent. Ce chiffre vous a-t-il surpris ?
Ce chiffre est une gifle. Ensuite, il
faut voir comment, effectivement, il est calculé dans le détail. Encore une
fois, c'est une projection. Il y a d'abord, dans un premier temps, les
conséquences de l'épidémie actuelle qu' il ne faut pas
du tout minorer, c'est-à-dire qu'on est encore dans une phase active de la
crise et on ne mesure pas toutes les conséquences sismiques de cette épidémie.
Le bilan final va être évidemment catastrophique pour les jeunes, pour les
emplois précaires, pour ceux qui sont mal logés, pour ceux qui ont
éventuellement perdu leur emploi, pour ceux qui ont été désocialisés.
Mais est-ce uniquement l'effet de la
crise ou c'est aussi parce qu'on va être remplacés par des robots ?
C'est la deuxième phase. C'est évident
qu'il va y avoir une sorte de nouvelle révolution industrielle qui va laisser
beaucoup de monde sur le carreau. Cette automatisation d'un certain nombre
d'emplois, elle ne va pas être refusée par les pays. C'est impossible. Et la
question est aussi liée, évidemment, à la démographie. Je tiens à insister
là-dessus parce que c'est vraiment un point important. Ce qui est particulièrement
intéressant dans ce rapport, c'est qu'il combine les disciplines. La plupart du
temps quand vous lisez des rapports prospectifs sur l'avenir, en gros, c'est
uniquement sur l'évolution de la démographie mondiale ou l'évolution de
l'économie mondiale. Et là, la communauté du renseignement américain lie toutes
ces disciplines. Elle montre qu'il y a une logique, que la démographie influe
sur l'économie, que l'automatisation et le progrès technologique va influer
aussi sur les autres domaines.