COMMUNICATION- ETUDES ET ANALYSES- MEDIAS ALGERIE- ETUDE AMMAR BELHIMER
(EXTRAITS) I/III
©Le Soir
d’Algérie/Ammar Belhimer*, lundi 3 mai 2021
L’ambition de réforme
Pour comprendre les médias, du Canadien
Marshall McLuhan, était notre livre de chevet, nous
qui entamions une carrière de journalistes dans les années 1970. Dans cet
ouvrage prospectif publié en 1964, son auteur s’intéresse aux médias en tant
qu’objets techniques pour tenter d’en comprendre les effets sociaux.
Même s’il est aujourd’hui largement
dépassé, son apport méthodologique demeure indéniable pour esquisser les
mutations sociales qui accompagnent l’avènement des TIC.
En étudiant l'effet de la radio et les bouleversements qu'entraînera la
télévision, il anticipait aussi, à certains égards, l'impact de l'ordinateur
portable miniaturisé.
Mc Luhan décortique six médias différents, pour en déduire les effets. Ces
derniers sont étroitement associés à la nature du support ; le message est
ainsi indissociable du média qui le diffuse : «Le message,
c’est le medium.»
Dans sa distinction entre les médias chauds et les médias froids, internet
serait un média froid car il impliquerait davantage les individus dans le processus
de communication à l’ère du «village global».
La particularité du nouveau medium est de marquer la fin d’une époque, d’être
allergique à toute emprise étatique et réfractaire à toute assise légale autre
que la sienne.
I. La fin d’une époque
Les vingt premières années du siècle, de l’an 2000 à 2020, ont vu un essor
considérable des «réseaux sociaux», dont le nom est apparu cinq ans plus tôt.
Le secret de cet essor : la loi de Moore (qui souligne la puissance croissante
des microprocesseurs) et de la loi de Metcalfe (qui énonce que l’utilité d’un
réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs).
C’est sur cette base que les nouveaux médias vont progressivement former un
nouvel espace de communication, d’information et de distraction qui va, selon
le cas, cohabiter avec des pans de l’ancien système ou se substituer à eux.
Il ne s’agit vraisemblablement pas d’une simple évolution conjoncturelle, mais de
transformations structurelles durables. Les supports de la presse changent sous
l’effet des nouvelles technologies mais les fondamentaux du journalisme restent
intacts.
La généralisation de la 3G et de la 4G, puis de la 5G, repousse les frontières
de la presse électronique, elle ouvre de nouvelles perspectives
informationnelles, mais, surtout, pose de nouveaux défis en termes de
responsabilité juridique, politique, sociale.
A. Nouveaux vecteurs
Première victime des mutations technologiques : la presse-papier.
On se félicitera au passage des bienfaits écologiques qui en résultent,
notamment pour la préservation des forêts.
1. Le papier s’éclipse
Aux États-Unis, la circulation des quotidiens s’effondre : leur tirage (qui
était de 63,3 millions d’exemplaires en 1984) n’est plus que de 43,7 millions
en 2006 et moins de 33 millions en 2020. Près de la moitié des millénials (nés entre 1980 et 2000) ne lisent jamais de
quotidiens.
USA Today, un quotidien très populaire qui était
troisième en 2017, avec 4 millions d’exemplaires en 2016, n’est plus qu’à 1,4
million en semaine et 0,8 le week-end en 2020.
En Grande-Bretagne, le tirage des quotidiens baisse de moitié entre 2008 et
2020.
En Chine, comme ailleurs, le nombre de publications sur papier, tout comme le nombre
de lecteurs, diminue rapidement. En 2020, 19% des Chinois seulement lisent un
quotidien chaque jour, contre 52% en 2010.
En Corée du Sud, l’achat de papier journal a baissé de plus de 50% de 2010 à
2018 et de 30% de plus en 2019 et 2020.
En Allemagne, le tirage des quotidiens s’effondre aussi, chutant de 22,5
millions en 2003 à 12,5 en 2020.
Moins de la moitié de la population lit un quotidien contre 85% en 1970.
En France, seulement 20% des lycéens français lisent un journal plusieurs fois
par mois en 2020, contre 60% en 2008.
L’Algérie n’échappe pas à cette tendance comme en témoignent les chiffres
fournis par l’industrie de la presse papier qui est entrée dans une phase de
ralentissement puisque entre 2010 et 2018 les ventes
de papier journal (impressions des titres papiers) ont baissé de 80%.
ÉVOLUTION DES
CONSOMMATIONS DE PAPIER JOURNAL EN QUANTITÉ DE 2010 À 2020
2010 : 59 000
tonnes/ 2014 : 53 000 tonnes/ 2016 : 28 000 tonnes/
2019 : 21 000 tonnes/ 2020 : 13 000 tonnes
Le
nombre de titres affichés ne doit pas faire illusion sur leur audience.
Les services de la Direction du commerce de la wilaya d’Alger ont recensé 37
titres qui étaient imprimés et non diffusés ou partiellement diffusés, en
raison notamment des contraintes sanitaires liées au confinement. La
justification de la diffusion est, par ailleurs, parasitée par l’absence de
facturation entre certains éditeurs et diffuseurs – heureusement peu nombreux
«Dans
la foulée, des titres ont disparu, d’autres ont migré vers le numérique.
Nombre de titres (136 en 2010….90 en 2015…..80 en 2019……….105 en 2020 et exemplaires imprimés( 234 477 800
en 2010………………….209 676 580 en 2015……………….107 121 800 en
2019…………et 74 007 400 en 2020). Exercice 2019 /2020 -
(…………………………………………………………….)
2. La presse en ligne
domine
(……………………………………………………..)
3. La publicité migre
vers le Net
(……………………………………………………………………………….)
4. L’enjeu stratégique
de la production de contenu
Quid de notre paysage médiatique ?
Un sondage Immar d’avril 2019 répartissait ainsi les
populations algériennes quotidiennement exposées aux médias :
- Téléspectateurs : 18 millions ;
-Internautes : 17 millions ;
-Médias sociaux : 15,5 millions ;
-Auditeurs :3 millions ;
-Lecteurs : 2,6 millions
Plus près de nous, selon Datareportal, dont le
rapport a été rendu public début février 2021, le nombre d’utilisateurs
d’internet en Algérie est en hausse croissante, atteignant 26,35 millions en
2029.
Pour la majorité des internautes recensés (24,48 millions, soit 97,9%), l’accès
aux médias sociaux se fait par le mobile (smartphones, tablettes, etc.).
Le droit n’a pas complètement suivi le mouvement du marché et un décalage est
vite apparu entre la norme juridique et la réalité, celle d’un marché de la
presse en ligne en évolution continue, parallèlement à l’effondrement de la
presse papier. La loi organique n°12-05 du 12 janvier 2012 relative à l’information
est vite dépassée et le marché de la presse en ligne évolue à un rythme plus
rapide que nos moyens de réaction et d’adaptation. La majorité des journaux en
ligne sont hébergés à l’étranger, principalement en France, et les raisons
résident essentiellement dans la crise de confiance dans la fiabilité des
mécanismes nationaux permettant l’accès au support internet, même si
l’hébergement national est moins coûteux.
Afin de rattraper la transition subie, l’accès à la publicité des entreprises
publiques et administrations sera conditionné par l’existence d’un site
d’information électronique vivant.