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Archives nationales- Lettre* au Président de la République

Date de création: 29-04-2021 18:34
Dernière mise à jour: 29-04-2021 18:34
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CULTURE- OPINIONS ET POINT DE VUE- ARCHIVES NATIONALES- LETTRE* AU PRESIDENT DE LA REPIBLIQUE

© Presse nationale, jeudi 29 avril 2021

Monsieur le président de la République, dans leur lettre ouverte, des historiens ont dénoncé l’impossibilité d’accéder “aux fonds d’archives, pourtant légalement communicables, particulièrement ceux portant sur le Mouvement national et la Révolution algérienne”. Les signataires de la présente lettre, archivistes de différents statuts et secteurs et enseignants d’archivistique de différentes universités, estiment qu’il est de leurs devoirs moral et national de vous faire part de leurs préoccupations. Nous témoignons qu’il existe un écart manifeste entre l’intérêt porté par les pouvoirs publics aux questions d’archives et de mémoire et la réalité de la situation des archives dans le pays. 

En cette année 2021, la Direction générale des archives nationales (DGAN) poursuit de manière dramatique sa Grande Reculade. Nous avons assisté à une dérive sans précédent dans l’histoire des archives dans le monde. Nous témoignons que la DGAN s’est carrément éloignée de ses missions statutaires et réglementaires. Elle a perdu l’objet même de ses missions et son identité. Aujourd’hui, force est de signaler la grande fracture qui a complètement clivé les relations de normalisation et de régulation dans la production, la gestion et l’exploitation des documents, entre la Direction générale des archives nationales, les institutions publiques et les entreprises publiques et privées. Nous témoignons qu’il n’existe plus de politique archivistique nationale, alors que les pouvoirs publics ont mis à la disposition de l’institution en charge des archives nationales (direction générale et Centre des archives nationales) tous les moyens d’action possibles.Nous témoignons que tout ce que les responsables des Archives nationales ont eu à réaliser, construire et gérer depuis 1963, dans des conditions autrement plus difficiles et avec des moyens humains, financiers et matériels beaucoup moins importants, a été méthodiquement démonté depuis 19 ans. 

Monsieur le Président de la République, nous témoignons que la Direction générale des archives nationales et le Centre des archives nationales ont reculé dans tous les domaines tant au niveau national qu’au niveau international : 
- Au niveau national, tous les acquis, tous les espaces conquis dans le pays (archives des collectivités locales et des administrations centrales, archives des entreprises publiques, archives privées) ont été abandonnés l’un après l’autre. L’absence d’une autorité de régulation des archives que se doit être la DGAN a fini par créer une confusion inextricable. Les archivistes en fonction dans les différentes institutions, administrations centrales et locales et les entreprises publiques ont été plongés dans l’isolement sans directives ni orientations. 

En optant pour une politique de marginalisation, voire de purge des compétences tant à la DGAN qu’au Centre, l’actuel responsable des Archives nationales a aggravé la fracture cognitive et fonctionnelle dans tous les domaines. De plus, et chose très grave en ce XXIe siècle, les Archives nationales d’Algérie ont raté le passage à l’ère numérique et retrouvé le statut qui était le leur aux premiers jours de l’indépendance. Par ailleurs, les rapports avec l’université qui étaient excellents avant 2001 se sont, petit à petit, distendus jusqu’à disparaître totalement par la volonté clairement exprimée de l’actuel responsable des Archives nationales. 

- Au niveau international, l’Algérie a pratiquement disparu des instances archivistiques internationales (Conseil international des archives et sa branche arabe). Ceci est d’autant plus vrai que le contentieux qui oppose notre pays à la France n’est pas signalé dans le rapport réalisé par le Conseil international des archives sur les contentieux archivistiques entre États, intitulé “Revendications relatives aux archives déplacées. Enquête 2018-2019” (février 2020).Et pour cause, l’actuel responsable des archives nationales n’avait pas répondu aux enquêteurs de l’ICA/CIA, signifiant ainsi, il n’y a plus de contentieux archivistique algéro-français. Il faudrait s’interroger sur les répercussions dans les futures négociations sur le contentieux archivistique, de l’accord de coopération signé à Paris le 6 mars 2009, entre la DGAN et les Archives de France, dans lequel, semble-t-il, l’actuel responsable des archives nationales accepte de recevoir les copies d’archives numérisées, alors que la position de notre pays a toujours consisté à revendiquer les documents originaux. Aussi, acculé par les retombées du rapport de M. Benjamin Stora auprès de l’opinion publique algérienne, l’actuel responsable des Archives nationales multiplie les déclarations démagogiques, au nom de l’Algérie, tout en donnant des leçons de méthode historique aux historiens. 

Monsieur le Président de la République, faut-il croire que notre pays ne mérite pas, n’a pas besoin, d’une direction générale chargée de transmettre aux générations futures la trace, le fruit, les combats et les espérances des générations d’hier et celle d’aujourd’hui ? Leur mémoire ? La mort lente des Archives nationales n’est pas une fatalité, l’Algérie mérite mieux, l’Algérie mérite plus. Elle a fait mieux, elle a fait plus dans le domaine des archives que ce dramatique et honteux spectacle qui nous est, hélas, donné aujourd’hui. 

Monsieur le Président de la République voudra bien nous faire l’honneur d’accepter que notre lettre a pour seul objectif de réaffirmer notre attachement à un secteur que nous avons servi fidèlement. Gloire à nos martyrs, vive l’Algérie. Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre profond respect et de notre haute considération. 

*Signée par une quarantaine d’archivistes, des historiens  et des universitaires professeurs d’archivistique