CULTURE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-RÉCIT
YASMINA KHADRA (ENTRETIEN AVEC CATHERINE LALANNE)-
« LE BAISER ET LA MORSURE »
Le baiser et la morsure. Récit
de Yasmina Khadra (entretien avec Catherine Lalanne) .Casbah Editions, Alger, 2021, 204 pages, 850 dinars
On ne connaît (très) bien un écrivain
(romancier, essayiste, poète...) et son œuvre qu’après avoir (très) bien connu
son parcours, et tout particulièrement tout ce qui lui a permis de grandir, de
se développer puis de « créer ». Ou tout ce qui
a contrecarré son évolution . La
période de l’enfance et celle
de la prime jeunesse sont , peut-être, les plus
riches....en informations.
Donc, on ne peut saisir le style et le caractère de
Yasmina Khadra qu’en connaissant ce que fut l’enfant puis le jeune Moulessehoul Mohammed, ses amours et ses rêves et , enfin, l’officier de l’Anp
….pratiquant ,presque en secret, l’écriture.
Premier choc (ou traumatisme ?) : Adoré de
son père (un officier de l’Anp) et
l’adorant, ayant un enfance presque heureuse à Oran,au sein d’une famille heureuse bien que pas très
unie, il est « jeté » dans une des premières écoles des
Cadets de la révolution, celle de Tlemcen .Une école où les gamins (fils
de chouhada, fils de militaires ou de très
proches de militaires) sont, au nom de la Révolution, élevés
« à la dure » au rythme d’une véritable caserne, au départ avec des
moyens comptés (« Une vie insipide, plus proche de l’élevage que de
l’éducation ; l’apprentissage par excellence du renoncement » )
.
Deuxième (s) choc(s) (ou
traumatisme(s) ?) : La lutte
anti- terroriste durant les
années 90 , avec ses menaces et ses horreurs d’une part et ,d’autre part, la certaine incompréhension de sa hiérarchie
à l’endroit de ses penchants littéraires.
Troisième choc (ou traumatisme ?) :Malgré
tous ses succès , à l’étranger et en Algérie, ses ouvrages connaissant presque
toujours un succès certain, il se sent mal-aimé dans son propre pays. Par les
autres intellectuels et par la presse…..arabophone. On
m’a « banni » affirme-t-il . « J’ai
cinq millions de lecteurs en France, quinze millions dans le monde, dans 57
pays. Les lecteurs arabes, à partir de la Libye et jusqu’au Bahreïn, ne me
connaissent pas », tranche Yasmina Khadra (Emission “Sky news arabia”, 30
janvier 2021.Voir texte complet in wwww .24hdz.com, 31 janvier) .Heureusement pas par le
public !
Fort heureusement, la médication est là……Amal, son
épouse……l’ange-gardien toujours aimante et présente à ses côtés pour le
meilleur et dans les moments
difficiles. Ne pas rater l’entretien de Amal avec Catrherine Lalanne (p179 à 200) ! A lire en couple si
possible.
L’Auteur : Né en janvier 1955 à Kenadsa, élève de l’Ecole des cadets de la Révolution, ancien officier de l’Armée nationale
populaire, Yasmina Khadra ,
de son vrai nom Moulessehoul Mohammed, est , aujourd’hui , un écrivain très connu .
Lu dans des dizaines de pays , il
est traduit en plusieurs langues. Il a , à son actif plus d’une trentaine d’œuvres
dont deux sont autobiographiques (« L’Ecrivain » en 2001 ,
« L’imposture des mots » en 2002) . La plupart sont des romans dont
certains ont été adaptés au cinéma comme « Morituri », « L’Attentat », « Ce que le jour doit à la nuit » et « Les
hirondelles de Kaboul » et au théâtre et même en bandes dessinées.........ceci sans parler
des ouvrages (dont des romans policiers) publiés sous pseudonyme au milieu des
années 80 et au tout début des années 90, inventant même un personnage fameux, celui du Commissaire Llob (« Le
Dingue au bistouri » et « La foire aux Enfoirés ») . A noter
qu’il a co-signé, aussi, des scénarii de films.....qu’il a été
un certain temps directeur du Centre culturel algérien à Paris......et qu’il a
même tenté une courte « aventure » politique lors des dernières
présidentielles!
Table
des matières : Entretien avec El Bahdja/ Récits (Six chapitres)/
Amal, l ’ange gardien/ Postface/Album photo (Dix-huit pages)
Extraits : « Je n ’ai jamais été dans l’insubordination caractérisée, mais
dans le refus de l ’arbitraire.L’armée est, par
excellence, le lieu de la domestication de l’arbitraire » (p 66),
« Être soldat et écrivain n’est pas antinomique.Bien
au contraire, dans l’armée, on est en contact permanent avec le genre
humain…..un écrivain qui n ’a pas fait l’armée a raté une partie de son
génie » (p 95), « Si le monde s’était mobilisé tout de suite
pour soutenir l’Algérie livrée à ses rejetons sanguinaires , il aurait déjoué
les projets du terrorisme international et étouffé dans l’œuf cette effroyable
pandémie…..Mais on a laissé faire l’horreur, et l’horreur est partout aujourdhui… » ( p141)
Avis :
Comme à son habitude, Yasmina Khadra ne mâche pas ses mots….avec
franchise et sincérité. Un récit (des
confessions !) absolument passionnant….allant
bien plus loin , faisant bien plus fort que dans « L’Ecrivain ». Il
en avait besoin….on le comprend.On
aime, on apprécie mais, vivement
le prochain…roman.
Citations : « Il y a les races, et il y a les espèces .Les races imposent
leurs valeurs, les espèces contestent les leurs » (p14), « La
corruption n’a pas épargné le système éducatif.Tout
le monde va à l’école, mais personne n’y apprend grand-chose » (p 93),
« La religion doit être observée dans la conviction personnelle.C’est
lorsqu’elle s’étend à la masse qu’elle échappe à tout contrôle et se transforme
en idéologie » (p130), « Les villes, ces jungles bétonnées » (p
152), « Lorsque nous ouvrons un livre, nous partons quelque part nous
reconstruire » (p 161), « Chez nous, en Algérie, un génie ne brille
pas, il brûle » (167)