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Liberté de la presse- Classement Rsf 2021 (I/II)

Date de création: 21-04-2021 17:33
Dernière mise à jour: 21-04-2021 17:33
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COMMUNICATION- ETUDES ET ANALYSES- LIBERTE DE LA PRESSE- CLASSEMENT RSF 2021 (I/II)

L’édition 2021 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) démontre que le principal vaccin contre le virus de la désinformation, à savoir le journalisme, est totalement ou partiellement bloqué dans 73 % des pays évalués par RSF.

 

Le Classement mondial de la liberté de la presse, qui évalue tous les ans la situation de la liberté de la presse dans 180 pays et territoires, montre que l’exercice du journalisme, principal vaccin contre le virus de la désinformation, est gravement entravé dans 73 des 180 Etats du Classement établi par RSF et restreint dans 59 autres, soit au total 73 % des pays évalués. Ces chiffres correspondent au nombre de pays classés rouge ou noir sur la carte mondiale de la liberté de la presse, c’est-à-dire ceux dans lesquels le journalisme est dans une “situation difficile”, voire “très grave” et à ceux classés dans la zone orange, où l’exercice de la profession est considérée comme “problématique”.

 

Le blocage du journalisme est révélé par les données du Classement qui mesurent les restrictions d’accès et les entraves à la couverture de l’actualité. RSF a enregistré une dégradation flagrante de l’indicateur sur la question. Les journalistes sont confrontés à une “fermeture des accès” au terrain comme aux sources d’information, du fait ou au prétexte de la crise sanitaire. Seront-ils d’ailleurs rouverts après la fin de la pandémie ? L’étude montre une difficulté croissante pour les journalistes d’enquêter et de faire des révélations sur des sujets sensibles, en particulier en Asie et au Moyen-Orient, ainsi qu’en Europe.

 

Le baromètre Edelman Trust 2021 révèle une défiance inquiétante du public envers les journalistes : 59 % des personnes interrogées dans 28 pays considèrent que les journalistes tentent délibérément d'induire le public  en erreur en diffusant des informations dont il savent qu’elles sont  fausses. Néanmoins, la rigueur et le pluralisme journalistiques permettent de contrer la désinformation et les “infodémies”, c’est-à-dire les manipulations et les rumeurs.

 

Le journalisme est le meilleur vaccin contre la désinformation, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe DeloireMalheureusement, sa production et sa distribution sont trop souvent bloquées par des facteurs politiques, économiques et technologiques, et parfois même culturels. Face à la viralité de la désinformation par-delà les frontières, sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux, le journalisme est le principal garant pour que le débat public repose sur une diversité de faits établis.

 

 Par exemple, face à la Covid-19, les présidents Bolsonaro au Brésil (111e, -4)  et Maduro au Venezuela (148e, -1) ont fait la promotion de médicaments dont l’efficacité n’a jamais été prouvée par le monde médical : heureusement, des enquêtes comme celles de l’Agência Pública brésilienne ou des articles fouillés publiés par les derniers journaux indépendants vénézuéliens  ont établi la vérité des faits. En Iran (174e, -1), les autorités ont renforcé leur contrôle sur l’information et multiplié les condamnations de journalistes pour mieux minimiser le nombre de décès liés à la Covid-19. En Egypte (166e), le pouvoir du président al-Sissi interdit tout simplement la publication de chiffres sur la pandémie autres que ceux du ministère de la Santé. Au Zimbabwe (130e, -4), le journaliste d’investigation Hopewell Chin’ono a été jeté en prison peu de temps après avoir révélé un scandale de détournement d’argent public dans l’acquisition de matériel destiné à lutter contre l’épidémie.

 

Les principales évolutions au Classement mondial

Pour la cinquième année consécutive, la Norvège est classée au premier rang,  même si les médias ont mis en exergue un manque d’accès aux informations publiques sur la pandémie. La Finlande conserve sa place de deuxième, tandis que la Suède (3e, +1) retrouve sa place de troisième, perdue l’année dernière au profit du Danemark (4e, -1). L’édition 2021 du Classement confirme donc une forme de “domination nordique” ou, sous un angle moins concurrentiel, de “modèle nordique”.

 

Jamais la zone blanche de la carte de la liberté de la presse, qui indique une situation d’exercice du journalisme sinon optimale du moins très satisfaisante, n’a été aussi réduite depuis 2013 année de la mise en place de l’actuelle méthodologie d’évaluation du Classement, nldr. Seuls 12 pays sur 180, soit 7 % (au lieu de 8 % en 2020), peuvent encore se targuer d’offrir un environnement favorable à l’information. L’Allemagne (13e, -2), où des dizaines de journalistes ont été agressés par des manifestants proches des mouvances extrémistes et complotistes lors de rassemblements anti-restrictions sanitaires, ne fait plus partie, en 2021, de ce pré carré.

 

La situation de la liberté de la presse en Allemagne reste cependant plutôt bonne, tout comme celle des  Etats-Unis (44e, +1), même si la dernière année du mandat de Donald Trump s’est caractérisée par un nombre record d'agressions (près de 400) et d’arrestations de journalistes (130), selon le US Press Freedom Tracker, dont RSF est partenaire. Le Brésil, en perdant quatre places, passe dans la zone rouge. Le pays rejoint la partie qualifiée de "difficile'' du Classement : insultes, stigmatisations et orchestration d’humiliations publiques de journalistes sont devenues la marque de fabrique du président Bolsonaro, de sa famille et de ses proches. C’est aussi dans cette zone que l’on retrouve l’Inde (142e), le Mexique (143e), et la Russie (150e, -1), qui a déployé son appareil répressif pour limiter la couverture médiatique des manifestations liées à l’opposant Alexeï Navalny

 

La Chine (177e), qui continue de porter la censure, la surveillance et la propagande sur internet à des niveaux sans précédent, reste pour sa part stable dans la zone la plus critique du Classement, celle qui apparaît en noir sur la carte mondiale de la liberté de la presse. Juste après, se trouve l’habituel trio des pires pays totalitaires qui occupent les dernières places. Que ce soit le Turkménistan (178e, +1) et la Corée du Nord (179e, +1) sur le continent asiatique, ou l’Erythrée (180e, -2) en Afrique, ces trois pays maintiennent un contrôle absolu sur l’information - ce qui permet aux deux premiers de ne déclarer étrangement aucun cas de Covid-19 sur leur territoire, et au dernier de ne rendre toujours aucun compte du sort de la dizaine de journalistes arrêtés il y a 20 ans, dont certains ont été jetés et emprisonnés dans des conteneurs en plein désert.

 

En ce qui concerne les mouvements les plus significatifs du Classement 2021, il est à noter que la Malaisie (119e, -18) enregistre la plus forte baisse. La récente adoption d’un décret “anti-fake news” octroie notamment au gouvernement le pouvoir d’imposer sa propre version de la vérité. Autres baisses significatives : les Comores (84e, -9) et le Salvador (82e, -8), où les journalistes peinent à obtenir des informations officielles sur la gestion de l’épidémie. Les plus belles progressions de l’année se trouvent principalement sur le continent africain. Le Burundi (147e, +13), la Sierra Leone (75e, + 10) et le Mali (99e, + 9) enregistrent tous des améliorations notables, dues notamment à la libération des quatres journalistes du média burundais indépendant Iwacu, à l’abrogation de la loi criminalisant les délits de presse au Sierra Leone et à la baisse du nombre d’exactions au Mali.