SANTE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECIT
DE ABDALLAH AGGOUNE- « BLOUSE BLANCHE,ZONE
GRISE.DECENNIE NOIRE »
Blouse blanche , zone grise.Décennie noire.
Essai de Abdallah Aggoune (préface de Karima Lazali).Koukou
Editions, Cheraga Banlieue (Alger), 2020, 133 pages, 600 dinars
Chroniques de massacres à ciel ouvert…..un tel titre lui
conviendrait bien mieux. Un petit livre certes…..mais
il a fallu, à la préfacière, Karima Lazali , trois lectures , non pour le comprendre mais pour « se sortir indemne du texte»
.
L’auteur, un “médecin de
campagne”, de « famille » témoigne de sa vie (professionnelle et
autre) dans le « triangle de la mort » avec, pour centre, la petite ville de Bougara
(ex-Rovigo, un ancien village colonial
dont le centre ville avait un rayon de deux cents
mètres….avec quelques commerces …une mosquée et une église transformée en
mairie et tout autour des vergers à n’en plus finir et des « haouchs », anciennes fermes coloniales, surchargées de familles n’ayant rien à voir,
bien souvent, avec l ’agriculture )…..une
ville (?)de la wilaya de Blida, qui « a commencé à flirter avec
l’islamisme armé déjà en 1984 avec la cavale de Mustapha Bouyali,
le premier chef du Mia.. » . Bougara, une ville ( ?)
« choisie comme capiale
du futur Etat islamique par…..Abassi Madani et Ali Belhadj » !
Donc, sa vie durant la
« décennie noire » (bien rouge- sang) à l’intérieur d’ une aire géographique tombée presque exclusivement ,de
nuit comme de jour, de nuit bien plus que de jour, entre les mains des
terroristes islamistes sanguinaires (Gia…).
Bien sûr, « francophone, analphabète en arabe, laïc, berbère,
progressiste, fils de chahid et ….gendre d’un grand
homme connu dans le pays pour son militarisme et sa franchise……bref, toutes les
conditions requises pour être une victime », il a réussi à échapper aux
« monstres religieux » , sans doute, en raison d’un certain courage et du franc parler (prudent cependant et
c’est compréhensible face aux « fous de Dieu » et à leurs
poursuivants ainsi qu’à une population ne sachant plus où donner de la tête
pour éviter qu’on ne la lui coupe ) et mais aussi et surtout parce que médecin généraliste à Bougara depuis 1981, il vu naître, grandir et
mourir (et il a soigné, souvent
gratuitement) la plupart des habitants.
Il raconte…. il raconte le déferlement de
terreur ….la région pullulant de jeunes terroristes venus de la capitale à
partir de 1993, les braquages, les embuscades, le racket de la population, les
interrogatoires des services de sécurité, les assassinats de civils, les exécutions publiques par égorgement, une
« parade » du Gia, les dégâts causés par le « heb-heb »,…….. Sept fois on lui a mis le canon sur la
tempe ou sur le front….Trois faux-barrages (son
domicile étant à une quarantaine de km de son cabinet)…..et, toujours,
accomplissant son devoir de médecin.
Il racontera aussi l’après « rahma »
qui a vu certains « repentis » , réfugiés dans le pays des
« mécréants », revenir au pays pour fructifier l’argent du racket
ramené des maquis….Il répondra aussi à la sempiternelle question « qui tue
qui ? » posée par les « planqués » (à l’étranger ou ailleurs) ; la réponse se
trouvant , pour lui, auprès des bébés , des enfants , des femmes, des
vieillards et des hommes désarmés assassinés souvent de façon barbare.
L’Auteur : Docteur en médecine ……Pour exorciser
ses souvenirs il est monté , en
2006, sur les planches (un “ one man show » dont la générale a été
présentée à la salle El Mouggar) devenant aussi comédien
de cinéma et réalisateur (Frère de Chérif Aggoune, le réalisateur, son premier
court-métrage qu’il réalise, "Sotra", est
présenté lors de la 10ème édition du festival international du cinéma
d’Alger, dédiée au film engagé, du 07 au 10 novembre 2019, et obtient le plus
gratifiant des prix : celui du public) …..Mais, il n’arrive pas
à oublier.Heureusement, dit-il, le Hirak a « rallumé le feu (alors éteint) de sa
vie »
Table des matières : Préface ; « survivre à l’irréparable »/ Avant-propos/ 34 textes
Extraits : « Ainsi est née la Concorde civile qui
promettait le pardon à tous les repentis qui prétendaient ne pas avoir les mains
tâchées de sang . Alors, tous ceux pour lesquels
la clandestinité n’était plus rentable sont sortis de leurs cachettes, ont
soigneusement lavé leurs mains avant de déposer leurs fusils et leurs poignards
encore ensanglantés.Et , ils
furent pardonnés » (p 15), « Tôlier est le métier fréquemment exercé
par d’autres émirs du Gia (redresser les carrosseries de voiture puis redresser
la société).. » (p 63), « Ceux qui se sont
miraculeusement enrichis n’ont pas tardé à exhiber leur fortune et dès qu’ils
ont été pardonnés, il se sont empressés de parader dans leurs grosses voitures
, narguant tous ceux qu’ils avaient ruinés » (p117)
Avis : Conseillé à toutes celles et à
tous ceux qui arrivent à dormir sans « cauchemarder » et qui aiment
les textes « brutaux ».
Citations: « Combien
de milliers de suppliciés, rien que dans notre région ? Nul ne le saura
jamais…….Une mort, devenue tellement banale, que les
assassins de tout bord ne savent pas quoi inventer, dans leur art macabre, pour
éviter la routine ou l’oubli » (p 88), « Depuis quelques mois, je
m’endors sans tuer de terroristes.Parce que j’ai eu
l’indicible joie de voir débuter le hirak comme un
immense appel à secouer la mémoire du peuple d’Algérie » (p126)