SANTE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-RECIT MAHDI BOUKHALFA- « PAVILLON COVID 19 (SEPT
JOURS EN ENFER) »
Pavillon Covid-19 (Sept jours en enfer). Récit de Mahdi Boukhalfa.
Editions El Qobia, Alger 2021, 137 pages, 1 000 dinars
Mahdi Boukhalfa a toujours été un
homme-surprise, un journaliste de terrain, mais aussi d’analyse et de
réflexion.
Mais, cette fois-ci, il a trouvé plus « fort » que lui .
Pourtant, il a
tout fait pour l’éviter : bavettes, gestes barrières, gel
hydroalcoolique…..Le 21 août vers 17 heures , au lendemain d’un service de nuit
(à l’Agence de presse), il doit être admis en urgence en hospitalisation. Le
coronavirus venait de « frapper » !
La brusque plongée dans l’univers va durer toute une semaine. Sept
journées…….. « en
enfer ». Sept journées « terribles, cauchemardesques »…. Déjà dès l’arrivée à l’hôpital, c’est une atmosphère de film américain de série
« B » sur les mutants et les extraterrestres, avec les ambulances
aménagées pour l’évacuation des personnes atteintes du virus, qui slaloment
entre les véhicules pour rentrer au plus vite à l’hôpital ou aller chercher
avec force sirènes un « contaminé »…. ce qui n’a pas
empêché bien des moments de détente et de discussions avec les compagnons
d’infortune…..de la seconde salle des contaminées . Lit, n° 21. Neuf lits
pour 20 m2 et
d’entretien, séparés par des cloisons en plexiglass, numérotés de 19 à 28….. et une des fenêtres donnant sur une ruelle d’un quartier
résidentiel avec des villas cossues. Heureusement , dit-il, un lit
« très confortable lorsqu’on
revient , fatigués et le souffle coupé, de la selle »….Une épreuve !.
Et, aussi et surtout, d’apprécier les efforts des personnels soignants très
attentionnés (bien qu’extrêmement fatigués) et d’entretien et de surveillance
(plus que rigoureux) . Le reste devient une
« routine » hors du temps ,mises à part les
« couffins » amenés par les parents, les rares discussions entre
« numéros », et les
conversations téléphoniques familiales pour « passer commande » de
nourriture, de produits sanitaires, de vêtements de rechange….ou pour
s’inquiéter « si la voiture a été bien lavée » et si “les travaux de’aménagement avancent” ….
Un seul gros bémol : l’état des « Toilettes » (la
« Salle d’eau »)
lesquelles , malgré les nettoyages approfondis quotidiens,
se retrouvent ,presque immédiatement après,
quasi-infréquentables. Un « supplice ».Un
« cauchemar ».Quatre « misérables » toilettes et trois
lavabos pour une trentaine de malades, tous atteints par le Sras-Covid2. Et plein mois d’aôut
avec , parfois, quelques coupures d’eau.
D’ailleurs , l’auteur leur consacre (et c’est
la première fois que je retrouve un tel « étalage » aussi détaillé -plus que réaliste - dans un
écrit) tout un chapitre (3ème). Heureusement (sic !) , les « covidés »
ont perdu (durant leur maladie) leur odorat.
L’Auteur : Né en 1955 à Alger, sociologue urbaniste de
formation (Université d’Alger) , journaliste à l’Aps (dont chef de bureau à Bordj Bou Arréridj)
, directeur du bureau Aps de Rabat, correspondant à Alger de plusieurs
médias algériens et étrangers….et auteur de plusieurs ouvrages dont « Mama
Binette, naufragée en Barbarie », « la Révolution du 22
février »…
Table des matières :Avant propos/Préambule/Contamination/
Parmi les Covidés/ Un
supplice nommé toilettes/ Pleurs et sanglots dans la nuit/ Tant qu’il y aura
des « Anges »/ Jours ordinaires dans une
salle pour Covidés/ La grande menace/ L’épée de
Damoclès/ Délivrance
Extraits : « Notre survie à une telle catastrophe
économique, à ce virus dévastateur, a quelque chose de « divin » (p
13), « S’il y a quelque chose qui marque un malade « Covidé » et le
terrifie à chaque fois qu’il a des besoins à faire, c’est bien l’état des toilettes de l’hôpital.Seule
consolation, les « Covidés » ne sentent
pas… » (p 59), « L’apparition de la pandémie a, en réalité, montré
la face cachée, affreuse et inhumaine, de l’univers de la fabrication du médicament.Et tant que le roi dollar existe, la philantropie fera partie des vœux pieux » (p 98)
Avis :
Du (très) grand reportage……de l’intérieur.Au-delà
de la souffrance vécue …..involontairement, l’exploit de tout journaliste qui
se respecte.Bien sûr, comme tout bon auteur qui se
respecte…..quelques
« bretelles » (pas des sorties de route)….sur Camus , Fanon et
Feraoun.Utiles !
Citations : « En fait, un lit est important
dans la vie, pour beaucoup de gens dans le monde .Il permet , outre de se
reposer d’une dure journée de labeur, de dormir , mais également de voir
défiler sa vie, sinon de la penser ou la repenser , de la créer, de la changer,
s’il le faut » (p 34), « Décidément, les humains ont bien des
secrets, en particulier en allant à la selle » (p 61), « Feraoun et
Fanon ont légué un patrimoine thérapeutique, intellectuel et révolutionnaire
inestimable, aussi riche que leur combat inlassable , de tous les jours, contre
l’asservissement de l’homme par l’homme » (p 85), « Dans un hôpital,
il n’y a pas plus humain que la souffrance » (p105), « Cette pandémie
nous a montré que nous sommes, à l’échelle de l’univers, si petits et si insignifiants.Mais, en même temps, si rares , si précieux
et si importants dans ce cosmos
infini » (p 124), « L’homme ne doit pas précipiter sa déchéance en
allant chercher des aliments contraires à ses besoins physiologiques……Dans 2000
à 5000 ans, des explorateurs venus de l’espace intergalactique feront une macabre découverte : l’Homme s‘est
tué en mangeant » (p129)