La Grande Poste ce grand édifice qui s’impose aux visiteurs du centre-ville
d’Alger est un lieu chargé d’histoire. « Disputé » entre les
manifestants à Alger et les forces de sécurité après le début de Hirak, le 22 février 2019, son accès est fermé depuis le 21
mai 2019.
Plus d’un siècle après sa construction, la Grande poste d’Alger continue à
être un point central de la capitale algérienne. L’édifice a été fermé en
septembre 2015 avant d’être transformé, en mai 2018, en musée de l’histoire de
la poste et des télécommunications. Les rares Algériens qui ont pu y accéder
après cette mue ont eu à y découvrir ce qui a fait l’histoire des postiers en
Algérie depuis de longues décennies. Mais cet édifice blanc immaculé raconte
bien plus que cela..
L’histoire commence en 1903. L’Algérie est occupée depuis 1830 par la
France. Charles Célestin Jonnart, nouveau gouverneur
général en Algérie compte célébrer en grande pompe le centenaire de la
colonisation en 1930. Un évènement qu’il entend mettre sous le label d’un
supposé « rapprochement » avec les « autochtones ». Pour
cela, il veut imposer un certain cachet architectural aux constructions publiques
donnant naissance à ce qui sera appelé l’architecture
« néo-mauresque » dans l’Alger colonial. L’école coranique située à
proximité du mausolée de Sidi-Abderrahmane est le premier édifice construit
dans ce style. C’était en 1904.
« L’expérience exotique »
Le Gouverneur général est tellement satisfait du résultat qu’il décide de
généraliser l’expérience. C’est ainsi qu’en 1906, l’architecte Henri Petit, à
qui l’on a confié la réalisation l’école coranique, va renouveler
« l’expérience exotique » avec l’édification des sièges du journal
porte-voix des colons, La Dépêche Algérienne (occupé par la suite par
le parti RND) et de la Préfecture, l’actuelle siège de la wilaya d’Alger.
Henri Petit poursuit sa série d’ouvrage avec la construction du bâtiment
des « Galeries de France » en 1909, rebaptisé à l’indépendance
« Galeries Algériennes », et qui se trouve dans l’actuelle rue Larbi
Ben-M’hidi. L’édifice devient, en 2007, à la faveur
de la manifestation, « Alger capitale de la culture arabe », le Musée national d’art moderne et
contemporain (MAMA).
Coeur de la ville européenne
La conception de la Grande Poste qui devait surtout souligner « les
bienfaits de la colonisation » et la « communion » des colons
avec les populations autochtones est confiée aux architectes Jules Voinot et Denis Marius Toudoire.
Le bâtiment, qui se voulait une synthèse alliant « modernisation
coloniale » et style arabo-mauresque, va devenir le carrefour central de
la ville européenne.
A ce jour, la superbe de l’édifice est grandement redevable à sa façade
impressionnante. Ornée de trois arceaux et d’une galerie supérieure formée
d’arcades, son escalier en marbre mène vers trois grandes portes imposantes en
bois précieux.
A l’intérieur, les lieux forcent l’admiration des visiteurs. Le plafond est
un vrai joyau architectural et le travail d’orfèvre des artisans qui ont
façonné sa grande salle n’a rien perdu de sa splendeur.
Si les concepteurs de la bâtisse étaient des Européens, l’essentiel de la main-d’œuvre-notamment les artisans ébénistes et
céramistes- était algérienne et marocaine. De nombreux ouvriers y laisseront la
vie.
Mais pour les Algériens, ni le néo-mauresque, ni ses inscriptions
religieuses, qui ne sont pas sans rappeler celles sur les murs des vestiges andalous
en Espagne, n’y changent rien. Elle reste, jusqu’en 1962, un
« symbole » uniquement pour les Européens. D’ailleurs plusieurs
milliers d’entre eux s’y étaient rassemblés le 23 mars 1962 pour rejeter
l’indépendance de l’Algérie. La fusillade qui a éclaté par la suite alors que
l’armée française tentait de les disperser a fait 46 morts et 150 blessés.
Des postiers algériens qui y travaillaient ont perdu la vie entre 1961 et
1962, presque tous tués par les ultras de l’OAS qui multipliaient les assassinats
et menaient une campagne de terreur.
La Grande poste est devenue un musée en mai 2018, par la grâce d’un projet
de transformation et de réhabilitation du bâtiment financé par Algérie Poste et
Algérie Télécom estimé à 80 millions de dinars. Mais la Grande Poste musée n’est
restée ouverte au public qu’une petite année. Elle est inaccessible depuis mai
2019. Officiellement fermée pour « réhabilitation et consolidation »
de ses escaliers en marbre ambré qui menaçaient de s’effondrer. Les
manifestants du Hirak avaient pris l’habitude de s’y
installer les vendredis et les mardis pour réclamer le changement. Plus d’une
année plus tard, les portes de la Grande Poste restent toujours fermées et ses
escaliers, où souvent les gens se donnaient rendez-vous ou prenaient du repos,
sont inaccessibles.