VIE POLITIQUE- ETUDES ET
ANALYSES- ETAT MODERNE/DAWLA ISLAMIYA/SLOGANS
© Extrait de « Géopolitique d’Algérie, syndrome
de la régence » (éditions Sydney Laurent, Paris 2021)
.Cité par son auteur Dr Lagha Chegrouche, expert en géopolitique. Le Soir d’Algérie,
mardi 2 mars 2021)
«Le terme ‘’Dawla’’ signifie
d’abord ‘’cycle, période, dynastie’’. Il a été utilisé au début des Abbassides
(750-1258) pour indiquer le ‘’temps de succès’’ d’un calife, son règne califal.
Puis par la suite, il est associé à la famille régnante pour acquérir une
connotation de ‘’dynastie’’. Dans l'usage moderne, depuis le XIXe siècle, il
est venu à désigner ‘’l’État’’, en particulier un ‘’État laïc de type
occidental, par opposition à l’État dynastique, celui fondé sur la religion en
terre d’islam’’ (Dar el Islam), selon Nazih Ayubi (1995), op. cit.
Par contre, Wael B. Hallaq a conclu à ‘’l’impossibilité de l’État islamique’’.
Il soutient avec audace que ‘’l’idée de l’État islamique, au regard de l'État
moderne, est à la fois impossible et intrinsèquement contradictoire’’, in Wael
B. Hallaq (2012), op. cit.
La théologie islamique, en particulier la Charia, ne dispose pas de législation
propre ou spécifique à la notion de l’État, l’État national ou l’État-nation.
Parce que ‘’l’État est d’essence et de conception occidentale, sécularisée ou
laïcisée’’.
Cependant, une législation islamique relative à ‘’l’émir des croyants’’
ou au ‘’wali de la oumma’’, c'est-à-dire le chef de la nation musulmane, le
calife, selon le triptyque islamique : ‘’obéissance à Allah, à son Prophète et
au wali (souverain) parmi vous’’, est abondante et intelligiblement élaborée.
Des exemples historiques ont fonctionné sur ce modèle islamique califal de
l’époque ommeyade à celle ottomane. Les monarchies du
Golfe Arabo-Persique obéissaient à cette logique califale de ‘’l’émir des
croyants’’, le chef d’une ‘’centralité théocratique’’, selon Rosenthal, F
(1965), op. cit.
Par calcul politique ou sur ordre de ‘’Sa Majesté d’Occident ou d’Orient’’,
Hassen el Banna (1909-1949), puis les ‘’Frères musulmans’’ étaient déterminés à
lutter contre l’obsessionnelle ‘’emprise laïque occidentale sur la société
musulmane’’ et de s’opposer à ‘’toute transposition du modèle de l’État
démocratique’’, (Cf. Latifa Ben Mansour (2002), Olivier Carré et Michel Seurat
(2002), op. cit.).
Plus tard, tous les islamistes, y compris les Frères musulmans et les
‘’Daechiens’’ (partisans de l’État islamique), réclamaient haut et fort : ‘’Dawla islamiya’’. Pourtant,
l’État est une centralité d’inspiration occidentale dans sa conception
séculière, la séparation des pouvoirs. Cette ‘’quête d’État islamique’’ a laissé
des centaines de milliers de morts en Afghanistan, en Algérie, en Syrie, en
Irak, en Libye, au Soudan.
Depuis le soulèvement populaire et démocratique en Tunisie (suivi des nouvelles
révolutions colorées dites du ‘’Printemps arabe’’), des élites de l’islamo-confrérisme
réclament l’émergence d’un ‘’État civil’’ par opposition à un ‘’Dawla askaria’’ (État supposé
militaire).
Une pure spéculation fantasmatique de l’esprit complotiste des Frères
musulmans. Ils s’opposent à la nature de l’État national en Algérie et en
Égypte, jamais à la Turquie où le poids de l’institution militaire est
important.
Tout de même, l’État moderne est la forme la plus élaborée de la vie commune
d’une société humaine. Il coïncide souvent avec une nation définie en fonction
d’une identité ou d’une culture commune et qui lui confère sa légitimité.
L’État est une centralité géopolitique, une personne morale territoriale de
droit public personnifiant juridiquement la nation, ‘’titulaire de la
souveraineté et du monopole de la contrainte organisée’’ (Cf. Larousse).»