HISTOIRE- GUERRE DE LIBÉRATION NATIONALE- TORTURE-
BOUMENDJEL/FRANCE 2021
Reconnaissance par la
France de l’assassinat d’Ali Boumendjel (mardi 2 mars
2021)
Conformément
à la mission que le Président de la République lui avait confiée,
Benjamin Stora a remis, le 20 janvier dernier, son rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Parmi ses préconisations
figure la reconnaissance par la France de l’assassinat d’Ali Boumendjel, avocat et dirigeant politique du nationalisme algérien.
Ali Boumendjel est né le 23 mai 1919, à Relizane, dans une famille riche en talents, imprégnée de voyages, de culture et de combats
politiques. Son père, instituteur, lui transmit
le goût des savoirs. Le brillant écolier se fraya sans mal une place sur les bancs de
la faculté de droit d’Alger. C’est fort d’une
culture ouverte, généreuse, humaniste,
puisant aux sources des Lumières, qu’Ali Boumendjel s’engagea bientôt
en politique, contre l’injustice du système colonial
et pour l’indépendance de l’Algérie.
Le discours qu’il prononça en 1955 au Congrès mondial d’Helsinki témoigne
de son engagement en faveur de la paix.
Au cœur
de la Bataille d’Alger, il fut arrêté par
l’armée française,
placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957.
Paul Aussaresses avoua lui-même
avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en
suicide.
Ali Boumendjel laissait derrière
lui un héritage politique important. Ses
combats et son courage ont marqué à
jamais les esprits algériens et français, parmi lesquels René Capitant, qui
avait été son professeur.
Ali Boumendjel laissait derrière
lui son épouse, Malika, et ses quatre enfants âgés alors de sept ans à vingt mois :
Nadir, Sami, Farid et Dalila. Malika Boumendjel nous
a quittés il y a peu, elle aurait eu cent deux
ans aujourd’hui. Elle avait fait du combat pour la vérité
sur les circonstances de la mort de son mari, de son père,
Belkacem Amrani, de son frère, André Amrani et de leur ami Selhi
Mohand, tous disparus en 1957, celui de sa vie. Elle voulait que la vérité soit connue et reconnue de tous, pour sa
famille, pour l’Histoire, pour l’Algérie et
pour la France où certains de ses enfants et petits-enfants construisaient
leur vie.
Aujourd’hui,
le Président de la République
a reçu au Palais de l’Elysée
quatre des petits-enfants d’Ali Boumendjel pour leur
dire, au nom de la France, ce que Malika Boumendjel
aurait voulu entendre : Ali Boumendjel ne s’est pas
suicidé. Il a été torturé
puis assassiné.
Il leur
a également dit sa volonté
de poursuivre le travail engagé depuis plusieurs années
pour recueillir les témoignages et encourager
le travail des historiens par l’ouverture des archives, afin de donner à toutes les familles des disparus, des deux côtés de la Méditerranée,
les moyens de connaître la vérité.
Ce travail sera prolongé et approfondi au cours des prochains mois, afin
que nous puissions avancer vers l’apaisement et la réconciliation.
Regarder
l’Histoire en face, reconnaître la vérité des faits, ne permettra pas de refermer
des plaies toujours ouvertes, mais aidera à
frayer le chemin de l’avenir.
La génération des petits-enfants d’Ali Boumendjel doit pouvoir construire son destin, loin des
deux ornières que sont l’amnésie
et le ressentiment. C’est pour eux désormais,
pour la jeunesse française et algérienne, qu’il nous faut avancer sur la voie de la
vérité, la seule qui puisse conduire
à la réconciliation des mémoires.
C’est
dans cet esprit que le Président de la République a souhaité
faire ce geste de reconnaissance, qui n’est pas un acte isolé.
Aucun
crime, aucune atrocité commise par quiconque
pendant la Guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté. Ils doivent être regardés avec
courage et lucidité, dans l’absolu respect de
toutes celles et ceux dont ils ont déchiré
la vie et brisé le destin.