COMMUNICATION- FORMATION CONTINUE- DISCOURS MEDIATIQUE :APPROCHE
METHODOLOGIQUIE-AVIS PR CHENIKI AHMED (© FB, FEV.2021)
La communication médiatique est très complexe
Il m’est arrivé de faire partie de jurys de thèses de doctorat avec comme
champ d’interrogation, le discours médiatique. J’ai souvent été frappé par la
rapidité et la facilité avec lesquelles certains collègues évacuent la
complexité de l’entreprise en restant prisonniers de la littérature « théorique
» sur la presse, éludant le terrain, méconnaissant les lieux et le
fonctionnement des médias. Ce qui fragilise souvent le travail de thèse.
L’espace journalistique est très complexe, travaillé par différents acteurs et
de nombreux récepteurs. Le message ou le contenu est lui aussi piégé par ces
jeux peu limpides, trop peu transparents. Le sens n’est pas immédiat, il est
marqué par les jeux et les conditions de sa réception.
A un moment donné de l’Histoire jusqu’au milieu du vingtième siècle, la
presse pouvait se targuer d’avoir une certaine influence. La déclaration de
guerre des États-Unis contre l'Empire espagnol visant l’occupation de Cuba en
1898 a été suscitée par une campagne de presse menée par les journaux de
Randolph William Hearst. Le film « Citizen Kane » d’Orson Welles
(1941) est une critique féroce de la presse et de certains magnats comme Hearst
qui a tout fait pour interdire le film. Aujourd’hui, on assiste à une sorte de
confusion entre les trois pouvoirs et la presse qui est désormais l’otage du
monde de l’argent. Comme la presse écrite ou audiovisuelle ne peut vivre sans
la manne publicitaire, les hommes d’affaires et les entrepreneurs ont pris
carrément le contrôle, dépouillant les journalistes du droit et du devoir
d’informer.
La communication médiatique qui est théoriquement une sorte d’espace public
permettant la mise en œuvre d’un débat public affranchi des limites et des
contraintes institutionnelles est soumise à de grands enjeux culturels,
économiques, politiques et symboliques. Son discours est traversé par ses
propres besoins et de nombreuses contraintes économiques. La publicité
participe de la construction du discours médiatique marqué par l’implication
implicite de l’entreprise publicitaire.
Publicité et information s’entremêlent, s’imbriquent, s’entrecoupent et,
par endroits, s’entrechoquent. Ainsi, se construit un discours médiatique
traversé par les résidus latents du bailleur de fonds qui oriente le propos et
les différentes configurations sociales et politiques. Les actes de communication
médiatique se caractérisent par de nombreuses contraintes, politiques,
économiques et idéologiques. Cela présuppose un contrat particulier avec le
lecteur-acheteur et, au-delà, avec les différentes structures économiques et
financières, qui contribuent à la vie du journal par le biais de la manne
publicitaire et/ou une participation au capital de l’entreprise de presse. Ce
qui rend, malgré tout, la communication médiatique très complexe et peu réductible
à l’intégrale domination du capital
Dans de nombreux pays, les médias s’inscrivent dans une logique
d’aliénation, accompagnant souvent les structures institutionnelles, allant
jusqu’à préparer l’opinion à intérioriser les positions, les attitudes et les
comportements dominants. Nous sommes parfois en présence d’un caractère monologal, univoque de la communication médiatique, mais
paradoxalement complexe et truffé de contradictions. La télévision, par
exemple, est otage d’une mise en spectacle, elle devient simulacre et
prisonnière d’une sorte de mise en scène et en intrigues de l’actualité.
Même les agences de presse qui prétendent effacer toute manifestation de
subjectivité, favorisant un mode délocutif, dont l’objectif proclamé est de
fournir une information neutre proposent souvent une lecture dominée par les
instances étatiques, évacuant toute posture polyphonique, mais la réception
détourne le sens voulu par les initiateurs.
L’illusion d’une neutralité référentielle, articulant des éléments de
modalisation favorisant une lecture subjectivée par le choix des sources
construit un discours traversé par les traces des positions dominantes. La
presse prend souvent position, légitimée par la convocation d’experts qui
évacuent tout discours différent considéré comme subversif. La parole du «
peuple », pour de nombreux « experts », ne peut avoir la même intelligence que
celle produite par la classe et les structures dominantes, elle porterait en
elle les stigmates de la violence et de l’irresponsabilité. D’où l’usage
récurrent du mot populisme, chaque fois qu’il est question de situations
convoquant le grand nombre. Le peuple comme sujet collectif est soumis à une
lecture péjorative, mais ce même « peuple » arrive aussi à transformer le sens
attendu, détournant la parole émettrice.
Toute infraction à la logique dominante, considérée comme rationnelle, est
souvent condamnée par des journalistes qui ignorent totalement les rudiments
élémentaires du métier d’informer. Le journaliste se transforme en propagandiste,
en soldat du capital. Mais à l’intérieur de la même rédaction subsisteraient
d’autres voix. La démocratie se mue, ici dans la bouche, de nombreux médias en
un espace qui ne peut faire bon ménage avec une certaine expression. La liberté
d’opinion et d’expression prend ainsi des sentiers géométriques variables.
Dans le contexte actuel de crise aigüe des médias, la presse reste un
appareil idéologique très fortement engagé dans les luttes politiques,
reproduisant souvent les contours des bailleurs de fonds, mais cela n’exclut
pas la présence de contradictions à l’intérieur de cet univers. Il existerait
aussi d’autres voix relativement autonomes libérées des jeux de la publicité.
Comme il y a aussi une presse en ligne qui tente justement de privilégier le
journalisme d’investigation.