RELATIONS
INTERNATIONALES- MAROC- STRATEGIE D’INFLUENCE AUX USA
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jeudi 25 février 2021
Le roi est mort vive le roi. La fin
de Trump et l’arrivée au pouvoir des démocrates à Washington a
obligé le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita,
à changer sa stratégie d’influence aux Etats-Unis. Le 17 février, le cabinet
JPC Strategies, qui coordonnait depuis janvier 2018
le travail de tous les lobbyistes du Maroc aux Etats-Unis, a signalé la fin de
son contrat le liant à Rabat au registre du Foreign
Agents Registration Act (FARA) américain, qui recense
les agents d’influence étrangers, a rapporté le site confidentiel Africa Intelligence. Ces lobbyistes étaient payés par
l’Office chérifien des phosphates (OCP) en millions de dollars.
Cette fin de contrat est liée
vraisemblablement au changement d’administration. Le patron de JPC, James
Christoferson, est proche du Parti républicain :
il a travaillé aux côtés du sénateur du Texas Ted Cruz. Par
ricochet, les autres lobbyistes à qui JPC Strategies
sous-traitait une partie de ses activités ont, eux aussi, cessé leur
collaboration avec le Maroc : Neale
Creek, dirigé par Andrew Young (ancien assistant du
sénateur républicain Lindsey Graham) ; SGR, lié à Michael T. Flynn,
ex-conseiller de Donald Trump ; Iron Bridge Strategies, dirigé par Chris Berardini,
soutien affirmé de l’ancien président américain, etc.
Le seul rescapé de ce grand nettoyage
est Richard Smotkin, dont la société ThirdCircle avait été recrutée en 2018 directement par
l’ambassadrice marocaine à Washington, Lalla Joumala
Alaoui, cousine de Mohammed VI. Mandaté initialement pour “vendre” le
Maroc comme lieu de tournage de fictions. Richard Smotkin
avait défrayé la chronique en se mettant au service de l’industrie gazière
américaine dans le royaume. Il avait ainsi accompagné la visite à Rabat de
Scott Pruitt, climatosceptique nommé par Trump à la
tête de l’Environmental Protection Agency (EPA), qui
visait à défendre les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) américain dans
le cadre du programme gas-to-power marocain. Cette
polémique ne l’a pas empêché d’empocher plus d’un million de dollars
d’honoraires du Maroc entre 2019 et 2020.
Recruté en mai 2020 pour garder une porte
d’entrée chez les démocrates et anticiper une défaite de Trump, Glover Park a,
lui aussi, vu son contrat prendre fin, puisqu’il était sous-traitant de JPC.
Mais la firme fondée par Joel Johnson, ancien conseiller de Bill Clinton,
pourrait à nouveau être sollicitée par Rabat. Liz Allen, managing
director de Glover Park et l’une des huit associées
de Finsbury Glover Hering, entité née en janvier du
rapprochement entre Glover Park et deux autres agences de relations publiques,
est l’ex-chargée de communication de Joe Biden lorsqu’il était vice-président.
En revanche, les plus vieux amis
démocrates du royaume à Washington risquent d’avoir davantage de mal à profiter
du changement d’administration. Ancien ambassadeur américain à Rabat, Edward
Gabriel a coordonné pendant près de deux décennies le lobbying aux
Etats-Unis à travers le Moroccan American Center for
Policy (MACP). Nasser Bourita avait débranché ce
réseau en 2018 après la victoire de Trump, mais aussi en raison de résultats
jugés insuffisants sous l’ère Obama. Le MACP existe toujours et continue de
publier les analyses de ses membres (Robert M. Holley, Jean AbiNader…). Mais ce cénacle n’a pas vu venir la
normalisation des relations entre le Maroc et Israël, en décembre, ni la
reconnaissance américaine de la “marocanité” du Sahara occidental, que Rabat a
obtenue en contrepartie.
Néanmoins, la “cause nationale” du Sahara
va rester la priorité de la diplomatie marocaine à Washington, réaffirme le
site français. Si la Maison blanche et le secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, se sont réjouis du rapprochement avec leur
allié israélien, ils ne se sont pas prononcés sur le volet sahraoui de
l’accord, tandis que les soutiens américains du Polisario mettent la pression
sur la nouvelle administration. Le 17 février, un groupe bipartisan de 27
sénateurs menés par le républicain James Inhofe et
le démocrate Patrick Leahy, soutiens actifs de la “cause
sahraouie”, ont écrit au nouveau président pour l’enjoindre de revenir sur l’executive order de Trump
proclamant la “marocanité” du Sahara. Même Robert Malley,
ex-patron d’International Crisis Group (ICG) nommé envoyé spécial pour l’Iran
par Joe Biden, est aussi très critique envers le “deal” trumpien.
Les lobbyistes américains payés par l’office chérifien des phosphates
La remise à plat du lobbying marocain aux
Etats-Unis ne concerne pas l’armada de cabinets engagés par l’OCP (Office
chérifien des phosphates) afin de contrer l’enquête du Department
of Commerce pour “distorsion de concurrence”, lancée après une plainte de son
concurrent américain Mosaic. Son prestataire historique Covington & Burling est à nouveau à la manœuvre depuis octobre 2020. Le
groupe avait vu son contrat brutalement interrompu en 2015 après la révélation
du don de plus d’un million de dollars de l’OCP à la Clinton Foundation en pleine campagne présidentielle de
Hillary Clinton, elle-même très soutenue par l’associé de Covington en charge
du dossier marocain, Stuart Eizenstat.
Les firmes de lobbying The Cornerstone Group et CCO Communications travaillent aussi
pour l’OCP, tout comme le cabinet de gestion de réputation FleishmanHillard.
Le Department of Commerce a conclu le 9 février à la
nécessité d’accroître substantiellement les taxes sur les phosphates marocains.
La bataille s’est désormais déportée vers l’International Trade Commission
(ITC) à qui reviendra la décision finale. L’OCP a obtenu le 17 février le
soutien de puissantes organisations d’agriculteurs, dont l’American Soybean Association, la National Corn Growers
Association et le National Cotton Council of America, qui ont écrit à l’ITC
pour souligner qu’une hausse de ces taxes aurait un impact négatif sur la
production agricole.
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