HISTOIRE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN MOURAD BOURBOUNE- « LE MONT DES GENÊTS »
Le Mont des genêts. Roman
de Mourad Bourboune.Enag Editions -Editions Bouchene Editions, Alger 1989, 303 pages, 100 dinars
Une floppée de personnages et de situations.Septembre 1954. Une époque annonciatrice de grands
bouleversements……la révolution de Novembre !Une
histoire (des histoires qui se recoupent en fait) se déroulant dans un
« mouchoir de poche »…Alger….basse Casbah…. Terminus…
Un militaire algérien musulman, le capitaine Benrekaz au port altier, la tête haute, la moustache frémissante
et des mots qui crépitent par rafales…..qui, comme beaucoup a rêvé d’une smala
ressuscitée et de l’odeur d’une poudre vengeresse…..mais qui a peur de
combattre les chars et les mitrailleuses de l’occupant ,préférant la recherche
d’un « terrain d’entente ».Un “entre-deux” se contentant de l’acquis
et ne prenant aucun risque.
Omar , le
neveu qui rue dans les brancards, plus porté sur les « discussions
métaphysiques » que pour l’ « action subversive ».
Chehid, ex-enseignant,
fez au sommet du crâne, déambulant dans les ruelles de la ville et de la
Casbah, aux fréquentations « douteuses » et
préparant on ne sait quel
« coup » après avoir loué une cave…pour la transformer en café
(« Le Croissant ») et accueillir des apprentis musiciens.
Un bachaga « ripoux », dit
« Boule -de- Suif » à la somptueuse demeure au cœur de la ville européenne .
Othmane ,
soldat fusillé en Indochine parce qu’il avait rejoint les révolutionnaires.
Omar,
le célibataire à « l’esprit ravagé par des
déchirements quotidiens » au fond d’une chambre, « cimetière de choses
assassinées »….et attendant on ne sait quel combat pour échapper aux
défaites de son peuple.
Farid, un érudit (« Il a une couche de dix centimètres d’Islam sous le crâne , et pas du
meilleur : ce sous-produit dégénéré que nous ont inoculé quelques siècles
de décadence»), qui n’ose pas déclarer
sa flamme à Leila, la jeune fille émancipée du quartier.Farid
, trop gentil, injustement accusé de tentative
viol d’une fillette parce qu’en fait, il avait tout simplement rejeté
les assauts d’ une mégère européenne en rut (la femme de l’employeur, un ancien
légionnaire) .
Et, bien sûr, il y a le commissaire, au nom
bien français, Rafaëli …..au
ton mielleux, cherchant à « récupérer » les mous …tout en pratiquant
des méthodes inavouables. Ainsi, Chahid, soupçonné
d’activités subversives sera retrouvé mort ….avec un poignard planté dans son dos
L’Auteur : Poète, romancier et scénariste algérien de langue française . Né le 23 janvier 1938
à Jijel. Etudes de lettres à Constantine puis
à Tunis.
Mourad Bourboune s’inscrit à la Sorbonne à
Paris, où il participe à la grève des étudiants de 1956. Membre de la
Commission de presse et de l’information de la Fédération de France du FLN à
partir de 1959 puis adjoint au Comité fédéral, il rencontre en 1961 Mohamed Boudia.
Son premier roman « Le mont des genêts qui dépeint l'éclatement
du monde colonial » paraît à Paris en mai 1962.
Extraits :
« Tu ne peux pas savoir comme c’est
énervant à la fin, d’être épié, critiqué, calomnié à tout propos.Ils s’imaginent peut-être que nous avons la
vie belle.S’ils savaient .J’aimerais bien les voir à
notre place !.... » (p 72), « Les
hommes tissent leur vie à la manière d’une toile d’araignée : un fil mince
et fragile les relie à cette trame impondérable qu’ils nomment leur travail,
leur famille :un jour le fil casse, il casse nécessairement, et ils
s’aperçoivent qu’ils sont prisonniers de leur propre ouvrage .Comme rien
ne supplée à l’ouvrage de leur vie, hors de cette position d’équilibre, la mort
est au bout. Aucune porte de sortie.Leur
mort peut être héroique, mais inutilement héroique » (p 96)
Avis :Roman, de
la grande cuvée années 60. Prose, poésie, intrigue…..suspense…..un
mélange qui …. se savoure !
Citations : « Sous
l’amas de cendres le plus froid une étincelle peut survivre ; qu’elle se
joigne à une autre, à une autre encore, qu’elles constituent une gerbe entre
elles, et c’est une révolte qu’il faut irrémédiablement noyer dans le
sang » (p 27) , « Peu nous importe de tout perdre s’il nous reste
quelque chose à pleurer .Ce dernier refuge pour notre bonne conscience,
c’est encore l‘agréable chuintement de nos glandes lacrymales » (p58),
« Il n’y a qu’un seul crime pour un vaincu : c’est celui de le rester.Pour que l’histoire lui rende justice, il faut qu’il
cesse de la subir pour la faire, il faut qu’il remette en question sans ambages
, l’ordre établi, et lui-même au sein de cet ordre établi.Pour
cela un support est nécessaire, sa propre défaite lui en tiendra lieu » (p
87), « On n’apprivoise pas l’oppression, on l’écrase » (p 87),
« La métropole. On ne fait que changer de pièce :on
ne change pas d’étage » (p151), « Les orientalistes sont des gens
bien :ils aiment l’Islam encore plus que les musulmans, je veux dire
qu’ils aiment l’Islam malgré les musulmans. Faut les comprendre, ce sont des Occidentaux .Ils se
feront musulmans le jour où le dernier arabe aura renoncé au
Coran » (p 229), « L’apprentissage de l’amour se fait dans l’amour,
l’apprentissage de la liberté se fait dans la liberté » (p 259)