COMMUNICATION-
FORMATION CONTINUE- JOURNALISME(MÉTIER)- PROF A. CHENIKI
MA CONCEPTION DU
JOURNALISME
© Pr Ahmed Cheniki, universitaire et journaliste, fb 22 février 2021
J’ai l’impression que
certains voudraient une presse pauvre, une presse qui chante constamment le
présent et un futur virtuel. Cette conception du journalisme est tragique. Les
gens devraient s’habituer à un autre type de journalisme où on n’a pas peur de dire
clairement les choses, même celles qui dérangent. L’Algérie est un grand pays
qui a besoin de vrais journaux autonomes. Les journalistes considérés comme
critiques devraient être écoutés, ils sont tellement exigeants qu’ils
n’hésitent pas à mettre le doigt sur la plaie. Je sais que c’est un métier
difficile, ce n’est pas une carte de presse qui fait le journaliste, mais c’est
la maîtrise de l’écriture journalistique et l’exigence de « vérité » et de la
quête infinie de sources. C’est vrai que le jeu cynique des parts de publicité
corrompt fondamentalement le geste et l’acte d’écrire. Comme d’ailleurs, la
confusion entretenue depuis 1962 entre Etat et pouvoir d’Etat.
Le journalisme est une
belle profession. Surtout si on y croit et si on choisit le métier d’écrire et
de rapporter l’information par passion. L’essentiel, c’est l’information. Il
n’y a pas plus beau qu’une passion soutenue par la froideur du coup d’œil. Le
journaliste doit tout interroger, vérifier, déplaire, déranger, dire aussi les
belles choses, ce n’est pas un « enfant de chœur ». Si un journaliste ne
dérange pas les uns et les autres, il n’a absolument rien à voir avec ce
métier. J’aime beaucoup cette belle formule d’Albert Londres : « Je demeure
convaincu qu'un journaliste n'est pas un enfant de chœur et que son rôle ne
consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de
pétales de roses. Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du
tort. Il est de porter la plume dans la plaie... ». Ecrire, c’est aussi prendre
le risque de perdre des amis, d’être « mal vu », d’être considéré comme un
paria par ceux-là mêmes qui n’ont que faire de la liberté. La fonction du
journaliste est de chercher l’information et la transmettre à un (des) public
(s) en prenant de la distance avec les faits, en essayant d’être le plus
objectif possible, en entreprenant une véritable critique des sources et en
n’arrêtant pas de vérifier et de revérifier l’information et de ne croire
personne, tout en prenant acte du propos des uns et des autres. Le journalisme
devrait-être un choix libre, une passion réfractaire à toutes les tentatives de
contrôle et à toute séduction incarnée exclusivement par le désir d’informer.
Tout événement est
digne d’être couvert, il n’y a pas de petit ou de grand événement, mais de
petit ou de grand journaliste. Le journaliste devrait être autonome, ne pas
être assujetti à tel ou tel pouvoir ou à telle ou telle autorité, à tel ou tel
groupe. Il ne doit jamais être impressionné par le grade ou le poste occupé par
les uns et les autres, ni espace officiel ni opposition. Ce qui importe, c’est
avoir l’info, en usant des techniques permettant justement de la récupérer. Le
vrai journaliste est très prudent par rapport aux « sources », officielles,
parallèles ou informelles. Toutes les sources se valent, elles sont toutes à
interroger.
Le journalisme, ce
sont les faits ; les discours, les promesses, les possibilités au futur sont à
interroger, la mémoire devrait-être vive. Un journal qui, même dans un court papier,
mettant en scène plusieurs entités, ne fait pas appel à de nombreuses sources,
n’a rien à voir avec cette belle profession. Le journaliste qui n’interroge pas
les « évidences » et qui reproduit une parole unique est un garde-champêtre
d’un simulacre de vérité. Exercer dans un journal qui défend une « vérité »
unique, surtout dans une situation de possibilité de travailler ailleurs, c’est
tout simplement être en porte-à-faux avec ce beau métier. Durant la période du
parti unique, il y avait, certes, uniquement des journaux à sens unique, mais
où il y avait des luttes et des contradictions. Il devrait saisir cette
profonde latence qui parcourt la société, apparemment silencieuse, mais
intérieurement bruyante. Le journalisme n'a pas besoin d'autres règles, ni de
lois que celles lui permettant d'aller en quête de la "vérité" tout
en multipliant les sources et en prenant acte de toute "information"
devant passer au crible de la critique et de la vérification. Il n'y a ni
"grand", ni "petit", il y a l'info.
Commentaire de Belkacem A-Djaballah : « Toujours rappel des règles basiques du métier.Mais pour arriver jusqu à la " verite" (
ce qui suppose compétence +capacité+ expérience) il faut , au départ, passer par la case l " exactitude "
des faits à rapporter ...et apprendre a séparer l info’ de l opinion(s) ou du
commentaire ( du journaliste ou des
citoyens).Tout cela oblige ,peu a peu, les
pouvoirs interventionnistes a respecter l
« écrivant » qu est le journaliste