DEFENSE- ENQUETES ET REPORTAGES- ESPACE- HAMMAGUIR/SAHARA
(1960-1966)
Petite histoire de Hammaguir, base spatiale de la france coloniale en Algérie
Quand les premières fusées
françaises décollaient de Béchar
Photo : D. R. - Base spatiale de Hammaguir
dans la vallée de la Saoura (Béchar)
©El watan/ MUSTAPHA BENFODIL, mercredi 17 février 2021 (extraits)
Tout le monde le sait : l’Algérie
servit de terrain d’expérimentation pour les essais nucléaires français, entre
1960 et 1966, tout spécialement dans la région de Reggane
(Adrar) et de In Ecker (Tamanrasset).
Ce que l’on sait moins, c’est que le désert algérien,
plus exactement dans la vallée de la Saoura, à la lisière du Grand Erg occidental,
a servi également de champ de tir pour des missiles balistiques et surtout de
rampe de lancement aux premiers engins spatiaux français, à travers la base
d’Hammaguir qui relève actuellement de la commune de Abadla,
à environ 120 km au sud-ouest de Béchar(………………….)
.
Le premier satellite français lancé depuis Hammaguir
«Le 26 novembre
1965 s’élevait du désert d’Hammaguir, en Algérie, le premier lance-satellite de
conception et de fabrication française : la fusée Diamant. Elle met sur
orbite avec succès le premier satellite français A1 surnommé Astérix», peut-on lire dans un article publié sur le site web du Centre national
d’études spatiales CNES, l’agence chargée de la mise en œuvre du programme
spatial français. L’article, daté du 10 novembre 2015, est paru sous le titre «Il y a 50 ans, Diamant lançait Astérix, premier satellite
français».
Avec cette opération, «la France accède à l’espace et entre dans le club très fermé des
puissances spatiales, 8 ans après le Spoutnik des Soviétiques et 7 ans après
l’Explorer des Américains», relève le CNES. «Elle devient ainsi «la 3e puissance spatiale mondiale en
prouvant sa capacité de satellisation.»
Dans un autre document daté du 21 août 2019 publié sur
le site du Centre spatial guyanais, «unique base de
lancement européenne», sous le titre «De l’Algérie à la Guyane», il est
précisé : «A sa création, la première mission confiée au CNES
est claire : trouver une base de lancement permettant d’effectuer toutes les
missions spatiales dans les meilleures conditions. Depuis 1948, la France utilise,
en effet, les champs de tirs situés à Hammaguir et Colomb-Béchar, en Algérie.
D’abord utilisées par l’armée pour des tests de missiles, ces bases sont mises
à disposition du CNES pour des essais de fusées-sondes, puis des premiers
lanceurs. Mais la France doit chercher un nouveau site pour développer ses
engins de lancement : l’Algérie acquiert son indépendance en 1962, et les
Accords d’Evian signés cette année-là prévoient la cessation d’activité dans le
champ de tir saharien et le retrait de la France en 1967. A la recherche de son
nouveau site de lancement, le CNES poursuit néanmoins ses essais durant cinq
ans, et le 26 novembre 1965, le lanceur Diamant décolle d’Hammaguir et place
sur orbite Astérix, le premier satellite français.»
(………………………………………………)
Un chercheur (Philippe
Varnoteaux) a donné un aperçu des tirs pratiqués dans
le sud-ouest algérien à l’époque, et l’on remarque d’emblée l’intensification
de ces tirs balistiques année après année. «De 1949 à 1961, le CIEES dispose de trois champs de tir
aménagés autour de Colomb-Béchar : B0, juste à côté de l’oasis, pour des tirs
de missile vers l’Est ayant une portée inférieure à 50 km ; B1, à 12 km à
l’ouest de Colomb-Béchar, pour des essais d’engins de 50 à 90 km de portée ;
B’1, à 50 km plus au sud, pour des tirs verticaux ne mettant pas en danger
Colomb-Béchar», détaille l’auteur.
Au début des années 50’, «de nouveaux engins plus puissants font leur apparition : des missiles à
longue portée (Eole, SE-4200, R-422…) et des fusées-sondes (Véronique, Monica)
pour explorer la haute atmosphère (…). Cependant, les champs de tir B0, B1 et
B’1 ne convenant pas, il fallait un espace beaucoup plus vaste. De ce fait, un
quatrième champ de tir est aménagé à 120 km au sud-ouest de Colomb-Béchar, au
nord de la Hamada, un vaste plateau dénudé où coule un oued du nom de Guir, dénommé B2 ou Hammaguir (contraction de Hamada et de Guir)». Le rythme des essais ne fait que s’accélérer : «De 1950 à 1952, il y a en moyenne une cinquantaine d’engins tirés par an,
puis une centaine par an entre 1953 et 1956 pour atteindre 500 engins en 1957.
En 1959, on passe à plus de 900 engins pour franchir les 1100 en 1959-60», soutient l’historien (…………………………………………..)
Dans une autre contribution intitulée : «La France spatiale : tout commence à Colomb-Béchar»
(numéro 436 du mensuel L’Histoire, voir le site : www.lhistoire.fr), Philippe Varnoteaux précise
que «ce fut également de Hammaguir que la fusée-sonde
Véronique fut mise au point entre mai 1952 et octobre 1954, date à laquelle
celle-ci réalisa la première expérience spatiale française vers 104 km
d’altitude». C’était donc la veille du déclenchement de la Guerre
de Libération.
La fusée pionnière poursuivra sa percée. «Les 10 et 12 mars
1959, depuis le champ de tir d’Hammaguir, deux fusées-sondes Véronique
obtenaient une spectaculaire découverte en réalisant une incursion dans
l’espace. La France entre de plain-pied dans l’âge spatial», indique l’historien.
Il ajoute : «En pleine guerre d’Algérie, quatre champs de tir supplémentaires spécifiques
furent aménagés à Hammaguir entre 1959 et 1963 : ‘‘Bacchus’’ pour les
fusées-sondes à propulsion solide (Bélier, Centaure), ‘‘Blandine’’ pour les
fusées-sondes à liquide (Véronique, Vesta), ‘‘Béatrice’’ pour des engins testés
en coopération (sol-air Hawk américain, fusée Cora pour le lanceur européen
Europa) et ‘‘Brigitte’’ pour le lanceur de satellites Diamant et les missiles
balistiques.»
1er juillet 1967 : la France évacue la
base spatiale
Philippe Varnoteaux poursuit
: «Avec l’indépendance algérienne et malgré la proposition du nouvel Etat de
rester, la France décida de quitter le Sahara. Elle craignait que Hammaguir fît
l’objet de pressions et s’imaginait mal procéder à des essais en plein cœur
d’un Etat indépendant. Dès lors, le ministre des Armées, Pierre Messmer, décida
le 4 juillet 1962 de transférer progressivement les essais militaires près de
Biscarrosse, dans les Landes, au plus tard le 1er juillet 1967.
En 1964, il fut par ailleurs décidé que les lancements spatiaux se feraient à
partir de 1967 depuis la Guyane française. En attendant, les essais
continuèrent et de manière spectaculaire.»
L’auteur de La France à la
conquête de l’espace assure que durant cette période-là, «tous les ans, plusieurs centaines d’engins furent
expérimentés : des missiles, des fusées météorologiques, des fusées-sondes
spatiales (avec parfois à leur bord de petits animaux). Le 26 novembre 1965, ce
fut au tour de la fusée Diamant A de décoller et de placer sur orbite le
satellite Astérix.»
Une archive audiovisuelle du Centre national d’études
spatiales montre le décollage de la fusée Diamant A depuis la base d’Hammaguir
lors de ce fameux 26 novembre 1965 (…………………………………)
Quid des installations et des bancs d’essais
d’Hammaguir après l’évacuation du site ? D’après Philippe Varnoteaux,
ils ont été démantelés, et «tous les
instruments de mesure, de suivi et les matériels de télécommunication furent
ramenés en métropole», dit-il.
Sur le site spécialisé «Capcom Espace» (capcomespace.net), un document retraçant
la genèse et l’évolution de l’industrie spatiale française soutient à propos de
la base d’Hammaguir : «Le 1er juillet
1967, le CIEES est évacué et remis aux autorités algériennes, comme le
prévoyaient les Accords d’Evian signés en mars 1962. Bien que le site soit inhabité
depuis 45 ans, les installations sont toujours en place et notamment le pas de
tir de la fusée Diamant.(………………….)