POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN SAMIR
KACIMI- « UN JOUR IDÉAL POUR MOURIR »
Traduit de l’arabe par Lotfi Nia. Editions Barzakh ,
Alger 2020, 118 pages, 600 dinars
Halim Bensadek est journaliste…..mal
payé (quand ce n’est pas payé du tout) , sur-exploité
par son employeur, célibataire rêvant d’épouser sa « fiancée » Nabila
Mihanik (qui, elle-même « fricote » en
douce avec un cousin véhiculé), entretenant un père éternellement criblé de
dettes, une sœur célibataire et un frère chômeur, devant payer le loyer de
l’appartement sous-loué…..dans une cité populaire et quasi-abandonné.
Omar Tounba, le copain de classe , de
quartier et d’immeuble, est le « chikour » et dealer
du coin, le « mauvais garçon » peu à peu ravagé par l’alcool et la drogue, devenu
impuissant, mais à qui il vaut mieux ne
pas se frotter. Deux frères en prison..et
une mère -poule.Lui aussi veut (voulait) se marier avec……Nissa
Boutouss (lire « Pour tous ») , la fille
facile du coin.Ce que le papa ne veut pas car , lui
aussi, a bien « connu », Boutouss .
Ceci
pour les personnages principaux. Quant au décor, il est représenté par une
cité-dortoir d’Alger,entourée
d’ immeubles Aadl et autres qui poussent comme des
champignons sans infrastructures d’accompagnement, sans ascenseurs…et livrées à
elles-mêmes et à toutes les déviations, avec ses voyous organisés en bandes et
ses fous…..
Le tout
vous donne une société miséreuse, marginalisée et privée de repères…….et une multitude d’impasses.
La
solution ? Le suicide pour le premier (quand il découvre que sa
« promise » le trompe) ….et la « disparition » de
l’état-civil pour le second (après qu’il ait poussé à la mort
-accidentelle- un quidam qui
l ’avait auparavant provoqué et qui avait en poche la carte d’identité de
Omar Tounba ) devenant Hakim el Cordoni
dans un quartier perdu , « récupéré » par un vieil ami devenu une
« âme charitable » , l’un et l’autre voulant briser le lien les unissant à un monde dont ils ne
veulent plus mais qui ne veut pas les lâcher.Car, le
drame, c’est que même la mort
-programmée -ne veut pas d’eux …préférant sans doute choisir elle-même
son heure et sa manière.
L’Auteur :Né en 1974 à Alger, études de
droit , avocat puis journaliste, auteur de plusieurs romans. Prix Assia Djebar
en 2016 (roman « Kitâb el mâchâ »).
« L’amour au tournant », première traduction en français, en 2017
(Seuil/France et Barzakh).
Lotfi
Nia, né en 1978 à Alger, traducteur de l’arabe vers le français. Plusieurs
travaux (H’mida Ayachi,
Bachir Mefti…)
Extraits : « Un intellectuel miséreux….ça me semble plus grave que de voler une vieille
sur son lit de mort .. »( p77), « Bachdjerrah n’était pas tant une ville qu’un dortoir géant.Elle avait été construite par l’Etat pour désengorger
la capitale où avaient migré ceux qui fuyaient la pauvreté d’une campagne riche pour chercher la
richesse dans une ville pauvre……Voilà comment la capitale était devenue, vingt
ans à peine après le départ des Européens, une ville qui dormait sur sa campagne.El la campagne, la campagne, elle, était restée
seule » (p 88)
Avis :Une description précise, sans
fard- loin d’être « misérabiliste »- de la réalité telle que vécue
par nos « damnés », les exclus ,les « sans-dents », les marginaux et les « mahgourine », si près de nous, mais si mal connus.
Citations : « Quiconque met fin à
ses jours est une exception humaine à la loi de la fatalité , lui seul sait
combien de temps aura duré sa vie, lui seul connaît l’instant de sa
fin » (p8), « Une femme peut oublier les raisons, aussi sublimes
soient-elles, qui l’ont poussée à aimer mais elle ne saurait oublier les
raisons, même banales, qui l’ont amener à haïr » (p 17), « Quand on
est en prison, les souvenirs prolifèrent comme des moisissures empoisonnées, se
ramifient, prennent racine « (p 61)