CULTURE- LITTERATURE- ESTHETIQUE DU LIVRE (CONFERENCES
FEVRIER 2021)
Le livre est l’outil par excellence de
la diffusion de la culture, de l’apprentissage et du divertissement. Sa valeur
est certes déterminée par le contenu mais son esthétique lui confère cet attrait
qui distingue chaque livre d’un autre. C’est autour de ce thème que Dar Abdeltif a abrité, mercredi 3 février 2021) , une conférence organisée par l’Agence algérienne pour le
rayonnement culturel (Aarc/Alger).
Labter, écrivain et ancien éditeur, a retracé l’histoire de
l’édition après 1962. «La première période, dit-il,
commence en 1966 avec la naissance de la société nationale d’édition et de
diffusion (Sned) qui hérite des moyens des éditions
françaises Hachette». Entreprise étatique, elle avait le monopole sur l’édition
et la distribution du livre et de journaux. D’autres éditeurs étatiques
spécialisés existaient, notamment l’Office des publications universitaires
(OPU) l’Office des publications scolaires (OPS), l’Anep
et l’Entreprise nationale algérienne de presse (Enap).
L’intérêt porté au livre ne résidait pas alors dans l’esthétique,
rappelle-t-il, mais uniquement dans le contenu surveillé de très près et soumis
à une censure stricte. De ce fait, les ouvrages n’étaient pas attrayants, sinon
rebutants. «A moins d’être au courant du contenu ou
intéressé par le titre, on s’en détournait», a-t-il assené. Selon Labter, la couverture du livre ne contenait aucun motif et
présentait deux à trois couleurs et parfois une photo ou une illustration
simple. «Cela est dû, explique-t-il, au manque de
moyens technologiques et à l’inexistence d’infographes qui,aujourd’hui,
réalisent des miracles». La seconde période débute en 1986. La crise économique
n’épargna pas le livre, jusque-là soutenu par l’Etat. Dans le sillage de la
restructuration des entreprises, la Sned a donné
naissance à deux entités, l’Entreprise nationale du livre (Enal)
et l’Entreprise nationale des arts graphiques (Enag).
La première s’occupait uniquement de l’édition et la seconde d’abord imprimerie
deviendra plus tard éditeur. L’Enag emploie alors,
pour la première fois, des artistes pour concevoir ses couvertures et créer des
collections. Elle fait appel au peintre Ali Silem,
enseignant à l’Ecole des beaux arts d’Alger pour
illustrer la collection «Al Anis». L’Enal, également, adopte le concept et sollicite Tahar Ouaman et Arezki Larbi. «Une
concurrence est née entre les deux éditeurs, qui donnent un nouveau visage au
livre», a raconté Labter qui a conclu sur l’avènement
du terrorisme et ses répercussions négatives sur l’expression culturelle. La
troisième période est celle des années 2000. Selon le conférencier, «une jeune génération, avec une imagination sans frontières
et maîtrisant la technologie a investi le domaine de l’édition et lui donna un
nouveau souffle». «Nous voyons des ouvrages
s’apparentant à des œuvres d’art chez des éditeurs comme Barzakh
ou Al Ikhtilaf qui ont un souci de recherche de
l’esthétique et de la beauté », relève-t-il avec satisfaction.Le
responsable des éditions Khayal a évoqué les
difficultés de son entreprise s’agissant du choix de la couverture d’un livre.
Pour Rafik Taybi, «l’infographie
a connu de grandes avancées et l’esthétique du livre a évolué considérablement
mais d’autres contraintes ont surgi». «Nous avons d’ailleurs
proposé, lors d’une réunion avec la ministre de la Culture, la création
d’un institut spécialisé dans l’infographie et la conception du livre», a-t-il
renchéri. «Nous avons des infographes de génie mais
pour la majorité sans formation académique», a-t-il souligné. L’autre problème
qu’il a soulevé est celui du choix de la charte graphique. «Au
début, nous avons voulu opter pour une charte graphique avec des couleurs qui
distingueraient nos éditions mais nous nous sommes confrontés à la volonté des
auteurs», a-t-il regretté. «Il nous arrive de refuser
mais aussi de nous soumettre aux choix de l’auteur et ces contraintes empêchent
l’éditeur d’avoir une identité visuelle, comme il est d’usage ailleurs», a-t-il
reconnu. Taybi a abordé enfin le problème des artistes-peintres
dont les toiles peuvent êtres utilisées comme couverture. «Il
est très difficile de faire appel à un artiste, car l’absence d’un marché du
livre et les faibles revenus qu’il génère font qu’il n’est pas possible de
payer des droits à ces artistes», a-t-il déploré.