HISTOIRE-
OPINIONS ET POINTS DE VUE- GUERRE D’ALGERIE- OPINIONS M.APATHIE/P.BLANCHARD/G.MANCERON/O.LE COUR GRANDMAISON
. -Le
question de la guerre d’Algérie et la colonisation, continue de faire débat sur
les chaines françaises et presque avec les même intervenants.
Ainsi l’émission C l’hébdo (dimanche
24 janvier 2021) animé par le franco-marocain Ali Badou a
consacré son numéro cette semaine sur Benjamin Stora et son
rapport sur l’Algérie. De nombreuses propositions, et une question:
“faut-il s’excuser?” pour débattre, France 5 a invité l’un des grands
spécialistes de la colonisation et des enjeux de mémoire :
l’historien Pascal Blanchard.
Mais avant le débat,
le journaliste et analyste politique Jean Michel Aphathie a
remis une couche sur les affres de la colonisation française en Algérie.
Il rappela les
méthodes violentes et sauvages de l’armée française et montra le témoignage
d’un aviateur français Germain Chamboss,
qui avoua un crime colonial caché en France : “J’ai largué des
bidons spéciaux, (il était interdit de parler à la radio de Napalm.” avoua le
militaire français, qui se souvient avoir brûlé un homme en dégageant
l’avion)
Pour Apathie
“L’armée française a procédé au bombardement au Napalm comme l’armée américaine
au Vietnam. La conquête, l’exploitation et la guerre sont trois
bonnes raisons pour présenter des excuses. Parce que ce qu’a fait la
France en Algérie durant 130 ans est franchement
scandaleux”, conclut le journaliste français.
Interrogé sur les
excuses de la France, Pascal Blanchard, historien et spécialiste du fait
colonial affirme qu’il faut trouver une manière de s’excuser et rappelle que ce
que Apathie a dit, n’est pas dans les manuels
scolaires et précise que depuis 60 ans la France a pratiqué l’amnésie.
Blanchard, qui fait partie d’une commission scientifique d’historiens français
indique que la France devra faire des gestes forts notamment en levant une
stèle de l’émir Abdelkader en France. ………………………………………………………………………………………
-La
réaction de la France officielle qui refuse toute forme de repentance et
d’excuses envers l’Algérie, suite au rapport de l’historien Benjamin Stora sur
la colonisation, a été qualifiée d’"inquiétante" par le chercheur en
Histoire, Gilles Manceron, qui appelle ainsi la
"France à formuler des excuses".
G. Manceron fait référence
au tweet de la présidence de la République française, juste après la
remise du rapport de Stora, dans lequel, a-t-il précisé, il est mentionné
que "des actes symboliques sont prévus, mais ni repentance, ni
excuses", qualifiant ainsi ce tweet "d’inquiétant".
Dans un entretien accordé lundi à l'APS (lundi 25
janvier 2021) l'historien spécialiste du colonialisme français
soutient que ce tweet "laisse présager une reprise très partielle du
rapport, accompagnée de propos qui donneraient des gages aux nostalgiques
de la colonisation", estimant que "cela est à suivre de près,
car l’important, ce n’est pas le rapport, mais les conclusions que
le Président (Macron) va en tirer".
Il a rappelé que le thème du "refus de la
repentance a été utilisé en France, notamment par Nicolas Sarkozy et ceux
qui soutenaient sa présidence, comme un moyen de refuser la reconnaissance
des crimes de la colonisation et de dire la vérité à leur sujet".
M.Manceron a, en outre, fait observer que "la
presque totalité des historiens, en France comme en Algérie, demandent une
reconnaissance et un discours de vérité", relevant que ces derniers
"écartent le terme de repentance, qui est une arme dans les mains des
ennemis de la reconnaissance et de la vérité, un épouvantail qu’ils
agitent pour les écarter".
"En
ce qui concerne l’idée d’excuses au nom des institutions de la France pour
ce qu’elles ont commis dans le passé, cela me semble différent. Il faudra,
à mon avis, que la France officielle vienne à un moment à formuler des
excuses, mais l’important aujourd’hui est de faire avancer dans l’opinion
l’idée qu’il faut une reconnaissance et un travail de vérité".
Au sujet de la torture pratiquée durant la
colonisation en Algérie, l'historien a rappelé qu’Emmanuel Macron a fait
une "déclaration importante en septembre 2018 quand il avait rendu
visite à la veuve du chahid Maurice Audin, torturé et assassiné par des militaires français, en
lui demandant pardon au nom de la France et en disant que cette pratique
de la torture suivie d’exécutions sommaires était alors
systématique".
Et d’ajouter : "Mais il s’est arrêté là. Il
aurait dû présenter les mêmes excuses au nom de la France à Malika Boumendjel, la veuve d’Ali Boumendjel, malheureusement
décédée il y a peu sans les avoir reçues, comme le dit aujourd’hui sa
nièce, Fadhila Chitour-Boumendjel", notant ainsi
qu’"il reste beaucoup à faire de la part de la France officielle,
pour les victimes connues comme pour les milliers d’autres que le
site 1000autres.org essaie de sortir du silence et de l’oubli".
G. Manceron a également
expliqué que "ce qui peut justifier qu’en France, on commence par
évoquer le cas de Boumendjel, c’est que c’était un
avocat et un brillant juriste, élève d’un professeur de droit très connu,
René Capitant, qui avait été ministre du Général de Gaulle et quitté
son enseignement pour protester contre l’assassinat d’Ali Boumendjel".
Toutefois, l'historien a rappelé que "d’autres
personnalités algériennes ont été torturées et assassinées au même moment,
lors de la Bataille d’Alger", citant entre autres le président de
l’Association des Oulémas algériens, Larbi Tebessi,
"qui suscitait, dès les années 1930, l’enthousiasme des Algériens par
ses déclarations en faveur d’une Algérie libre du joug colonial où tous
ses habitants auraient leur place, quelles que soient leur origine et leur
religion".
Rappelant que "des parachutistes français avaient
enlevé Larbi Tébessi à son domicile à Alger, le
4 avril 1957 et qu’il n’y eut plus jamais de nouvelles de lui", M. Manceron a estimé que "la famille de
cette personnalité musulmane doit recevoir, elle aussi, les excuses de
la France".
Enchaînant sur la question relative à la levée du
secret-défense sur les archives, G. Manceron a
relevé que des forces au sein de l’armée française sont derrière le
"blocage", signalant qu'il y a aujourd'hui une bataille menée
par de nombreux historiens, archivistes et juristes pour s'ériger contre
ceux qui "veulent empêcher la libre communication des archives,
prévue par la loi, au prétexte d’un processus complexe de 'déclassification',
document par document, par les institutions qui les ont émis, c’est-à-dire
le plus souvent l’armée".
"Encore
aujourd’hui, il y a dans l’armée française des forces qui s’opposent à la
reconnaissance et à la vérité sur cette page de notre passé. C’est de là
que vient le blocage", a-t-il relevé.
Toutefois, a-t-il ajouté, "il y a d’autres forces
dans la société française qui demandent la reconnaissance et la vérité sur
cette page de notre histoire", soulignant que ces "forces
l’emporteront tôt ou tard. J’espère bientôt".
"La demande de connaissance et de vérité sur la
lutte d’indépendance nationale qui se manifeste actuellement dans la
société algérienne, va dans le même sens que ce combat d’une partie de la
société française", a-t-il conclu……………………………………………………………………………………………..
-Le politologue et universitaire français, Olivier Le
Cour Grandmaison, a affirmé que la responsabilité de l’historien Benjamin Stora
était "complète" par rapport à la "dérobade historiquement et
politiquement indigne" de la France officielle qui exclut toute
reconnaissance des crimes de guerre et contre l’humanité" commis en
Algérie durant la colonisation (1830-1962).
"Si la France et l’actuel président
de la République (Emmanuel Macron) excluent toute reconnaissance des crimes de
guerre et des crimes contre l’humanité commis au cours des 130 ans de
colonisation de l’Algérie, c’est aussi parce que le rapport rendu par le
conseiller-historien Benjamin Stora, tranche en ce sens", a indiqué O. Le
Cour Grandmaison dans un entretien accordé mardi 26/1 à l’APS.
Il réagit à l’attitude de la France
officielle qui a exclu toute forme de repentance ou d’excuses suite au rapport
sur la colonisation, remis mercredi dernier par Benjamin Stora au président
français.
Pour O Le Cour Grandmaison, "de ce point de vue,
la responsabilité de Stora est complète puisqu’il fournit ainsi à Emmanuel
Macron, comme à tous ceux qui refusent de s’engager dans cette voie
indispensable à la manifestation de la justice, de l’égalité et de la vérité,
de nombreux arguments pour justifier une fois encore cette dérobade historiquement
et politiquement indigne".
"Elle s’inscrit dans la continuité
de la politique française en cette matière et le programme +commémoriel+
élaboré par Benjamin Stora ne change rien à l’affaire", a-t-il ajouté,
relevant "quelques modestes avancées bien faites pour tenter d’occulter la
persistance de ce refus et donner du grain à moudre au président français qui
sera bientôt en campagne électorale".
Il a fait observer que
"contrairement à de nombreux pays qui ont reconnu les crimes commis au
cours de leur histoire coloniale, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la
Belgique, notamment, sans oublier les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande,
l’Australie et le Canada qui ont, eux aussi, reconnu les torts insignes
infligés aux populations autochtones, la France se signale donc par cette
pusillanimité inacceptable pour les victimes comme pour leurs descendants,
qu’ils soient Algériens ou Français".
Et de poursuivre : "Inacceptable,
elle l’est également pour toutes celles et tous ceux qui, en France, se
mobilisent depuis des décennies parfois pour faire connaître et reconnaître ces
crimes longtemps niés", d’où, a-t-il ajouté, "la permanence de
nombreuses discriminations mémorielles et commémorielles
qui frappent les héritiers de l’immigration coloniale et post-coloniale, dont
l’histoire singulière n’est pas ou peu prise en compte".
Pour cet universitaire, titulaire d'une maîtrise
d'histoire et d'un DEA en sciences politiques et de philosophie, "cela
vaut pour les manuels scolaires, pour l’enseignement comme pour les initiatives
publiques nationales. A preuve, enfin, l’absence de musée consacré à l’histoire
coloniale de l’Hexagone".
Archives classées secret-défense ou
"duplicité" de la France S’agissant du
volet relatif aux archives classées secret-défense, le politologue français a
estimé que sur "ce point capital, puisqu’il y va de la liberté de la recherche
et de droits démocratiques majeurs, le président Macron fait preuve d’une
duplicité remarquable".
"D’un côté, il prétend favoriser
l’ouverture des archives au plus grand nombre, de l’autre, pour satisfaire la
hiérarchie militaire et son électorat le plus conservateur, Macron défend des
mesures contraires à la loi du 15 juillet 2008, relative à l’accès aux archives
et aux délais permettant leur communication", a encore déploré O. Le Cour Grandmaison.En ce sens, il a estimé que "ces mesures
rendent impossible, très difficile en tout cas, la communication de certains
documents classés +secret défense+", ce qui explique, a-t-il dit "le
recours, devant le Conseil d’Etat, en date du 15 janvier 2021, de plusieurs
associations importantes de chercheurs et d’enseignants sans oublier
l’Association Josette et Maurice Audin".