CULTURE-
CINEMA- CINEMATHEQUE ALGERIENNE/HISTORIQUE
Il y a 56 ans a été crée la prestigieuse Cinémathèque
Algérienne, exactement le 24
janvier 1965. Et la salle de l’ex-Club, située au 24 rue Ben M’hidi qui deviendra la salle principale où seraient
projetées les œuvres. Beaucoup de critiques et de cinéphiles ignorent les
circonstances de création de ce musée de cinéma et surtout le parcours et
l’apport du premier directeur de cette prestigieuse cinémathèque: Ahmed Hocine.
L’idée de la création
d’une Cinémathèque a été réfléchie en 1964, par Mahieddine
Moussaoui qui était à la tête du nouveau Centre national du cinéma (CNC),
regroupant l’ensemble des activités cinématographiques. Sa priorité était la
création d’un centre d’archives pour regrouper en un seul endroit les archives
photos et audiovisuelles rapatriées de Tunis. Son credo : «Un
peuple sans histoire n’est pas un peuple, un pays sans archives n’est pas un
pays.»(2) Pour cela, il a fait appel à Valentin
Pelosse, un déserteur français qui avait travaillé sous ses
ordres à Tunis.
Ce centre n’avait pas pour fonction de projeter des
films à ses débuts. Il était plutôt conçu comme un service d’archivage et de
conservation. Devant l’importance d’une diffusion cinématographique, le projet
de grand centre d’archives nationales audiovisuelles chargé uniquement de la
conservation est tombé et a été remplacé par celui d’une Cinémathèque placé
comme musée du cinéma, essentiellement vouée à la conservation et à la projection
d’œuvres filmiques. Cette nouvelle mission a été confiée par Mahieddine Moussaoui à son plus proche collaborateur au
CNC, Ahmed Hocine. Valentin Pelosse, qui avait commencé à travailler à la
classification des archives, se retira du projet.
Pour l’Algérie, le défi
du développement cinématographique était ambitieux. La cinémathèque s’est
développé grâce à une équipe de haut niveau dirigée par Ahmed Hocine, lui-même
issu d’une famille de militants résolument engagés dans la guerre de
libération. Sa sœur Baya a été condamnée à mort avec ses consœurs de la
bataille d’Alger. Dès son installation à la tête de la Cinémathèque, Ahmed
Hocine a tenu à renforcer l’option diffusion. Le Français, rue Khelifa Boukhalfa, a été la
première salle de répertoire confiée par le CNC à la Cinémathèque pour
compléter la salle de l’ex-Club qu’Ahmed Hocine tenait à conserver comme Musée
du cinéma.
Pour faciliter la tache de la Cinémathèque, Mahieddine
Moussaoui, a fait passer un texte exonérant les salles de la Cinémathèque des procédures
de visa. Cette mesure capitale a permis de faire enlever sans formalités les
films à leur arrivée à l’aéroport, puis de présenter toutes sortes d’œuvres,
même les plus audacieuses. Grâce à Hocine, la Cinémathèque jouit encore de ce
statut particulier qui fait d’elle un espace de liberté absolue.
Moussaoui a alors
contacté directement Jean-Michel Arnold qui travaillait à la Cinémathèque
française et l’engagea pour organiser la programmation et les projections de
films sous la direction d’Ahmed Hocine. Jean-Michel Arnold lui-même confirme
qu’il est arrivé à la Cinémathèque à la demande de Moussaoui et de Hocine et
non, comme beaucoup le prétendent, envoyé par le directeur de la Cinémathèque
française, Henri Langlois.
Hocine a su s’entourer d’une équipe d’experts talentueux avec, à leur tête le
grand Jean-Michel Arnold, Daniel Leterrier et François Roulet, le fameux concepteur
des affiches. Ces français faisaient partie des coopérants qui ont choisi de
travailler en Algérie pour aider à son développement. Certains comme Roulet
étaient considérés comme des pieds rouges: (Des
communistes qui ont choisis de se ranger du coté de
la révolution algérienne)
Hocine a encouragé de
jeunes Algériens à intégrer le groupe qu’il animait et soutenait efficacement. C’était
le cas notamment d’Ahmed Bedjaoui et
de Abderahmane Djelfaoui.
Mais après l’ouverture
de la Cinémathèque, le Centre national du cinéma qui concentrait toutes les
activités de production, de distribution et même d’exploitation
cinématographiques a été dissous pour donner lieu à plusieurs organismes. Ce
qui a permis d’octroyer des postes à plusieurs prétendants. C’est Ahmed Hocine
qui fut chargé de gérer le CNC après l’éviction de Moussaoui et de préparer la
restructuration. Il a donc été à la tête de l’ensemble du cinéma pendant une
période cruciale pour le cinéma algérien. En 1967, le CNC fut remplacé par
l’ONCIC et l’OAA pour la partie commerciale, tandis que Moussaoui devenait
secrétaire général du ministère de l’Information sous la houlette de Mohamed Seddik Benyahia.
Le directeur de la Cinémathèque Algérienne Ahmed
Hocine avec les lunettes avec le directeur de la Cinémathèque française Henri
Langlois. derrière eux Boudjemaa
Kareche et Abderahmane Djelfaoui, les animateurs de la cinémathèque.
De son côté, Ahmed Hocine
héritait du Centre algérien de la cinématographie, chargé de la partie
réglementaire. La Cinémathèque devenait alors ainsi un département du CAC. A
cette période, une de ses priorités était de pourvoir la Cinémathèque de locaux
pour entreposer les centaines de copies qui arrivaient de diverses sources.
Dans un entretien accordé en 1979 à la revue Les Deux Ecrans, Ahmed Hocine résumait
bien les priorités qui avaient guidé son action : «La
Cinémathèque a un patrimoine de films très important. C’est d’autant plus
remarquable que nous sommes partis de zéro, le cinéma et plus particulièrement
les archives, la conservation des films, c’était quelque chose de neuf en
Algérie. Il n’y avait pas de tradition dans ce domaine lorsque nous avons
débuté en janvier 1965. Malgré cela, nous sommes une des Cinémathèques les plus
riches en matériel filmé. L’origine de ce matériel est très diverse, très
variée. Il provient soit de dons et d’achat, soit d’un travail de récupération
et de reconstitution des films.
C’est un travail de bénédictin des collaborateurs de
la Cinémathèque qui réussissent à reconstituer les films à partir d’éléments
épars. Ce nombre important de copies pose forcement des problèmes de stockage.
Nos locaux sont très exigus, à tel point que nous avons acquis des films à
l’étranger que nous ne pouvons pas faire venir en raison du manque de place.
Pour résoudre ce problème, nous avons fait des démarches auprès de la wilaya
d’Alger, car nous avons un besoin urgent de locaux nouveaux. Nous ne disposons
actuellement que de deux endroits pour entreposer nos films le service des
archives et un garage à Bab El Oued». L’essentiel du
stock était en réalité constitué par les copies récupérées dans les agences
privées de distribution à l’échéance des droits commerciaux.
Au début, la
Cinémathèque algérienne s’appuyait pour sa programmation sur les prêts des
copies provenant des distributeurs privés, mais ensuite pour compléter les
cycles consacrés aux grands cinéastes, Ahmed Hocine et Michel Arnold faisaient
parfois appel à la Cinémathèque française qui recevait en contrepartie des
copies de films pour ses rétrospectives. C’est ainsi que l’intégrale des œuvres
de Chahine organisée d’abord
rue Ben M’hidi avaient été d’être envoyée ensuite à
la Cinémathèque française. Il faut dire que les relations entre le directeur de
la Cinémathèque française Henri Langlois et
le directeur de la cinémathèque algérienne Hocine étaient
très forte.
Ahmed Hocine était connu
pour sa discrétion. C’était un homme d’une grande culture qui n’hésitait
pourtant pas cependant à présenter les invités de marque au public de la
Cinémathèque. On le découvre ici avec l’ancien ministre de l’information et de
la Culture Ahmed Taleb El Ibrahimi, lors
d’une exposition à la Cinémathèque Algérienne en novembre 1970.
Mais la mission de Ahmed
Hocine, premier directeur de la Cinémathèque algérienne s’arrête en 1972, quand
il démissionna de son poste de directeur suite (dit-on) à un échange houleux
avec Ahmed Amimour qui
était à l’époque directeur du service presse à la présidence de
république.
Il est remplacé à la
hâte par son conseiller culturel, Boudjemaa Karèche qui restera (désigné mais jamais
nommé officiellement) ensuite plus de 32 ans à la tête de la Cinémathèque
Algérienne.