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Essai Lahouari Addi- "La crise du discours religieux musulman........."

Date de création: 22-01-2021 18:47
Dernière mise à jour: 22-01-2021 18:47
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CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-ESSAI LAHOUARI ADDI- « LA CRISE DU DISCOURS RELIGIEUXMUSULMAN…. »

 

LA CRISE DU DISCOURS RELIGIEUX MUSULMAN.LE NÉCESSAIRE PASSAGE DE PLATON A KANT. Essai de Lahouari Addi. Editions Frantz Fanon, Boumerdès 2020, 1 000 dinars, 392 pages

 

Premier constat : Le monde musulman  en général et le discours religieux musulman , connaissent une crise culturelle profonde….pris dans une fièvre idéologique depuis au moins deux siècles et réagissant avec violence,  verbale souvent mais (selon moi)  pas seulement aux évolutions sociales.

Second constat : La domination européenne (à travers la colonisation, entre autres , puis (selon moi),  les nouvelles formes issues de la décolonisation)  a révélé la crise, mais elle n’en est pas, (selon moi),  la cause (première ?)

Troisième constat : il faut rechercher la cause de la crise, selon l’auteur, et il n’est pas le premier à le dire, dans l’histoire intellectuelle de la culture religieuse au cours de laquelle l’orthodoxie officielle – mais pas que, (selon moi) - avait interdit la philosophie comme activité intellectuelle autonome.Pourtant al-Ash’ari et al-Ghazali ont donné à « la science de l’argumentation rationnelle » , sa forme définitive en utilisant le Logos grec, après l’avoir islamisé, c’est –à-dire rendu compatible avec la révélation coranique.   L’usage public de la raison s’est trouvé interdit et le consensus des oulémas (des clercs religieux spécialisés dans la gestion du sacré et devenus aussi des éducateurs propageant un savoir normatif sur la vie sociale, disant la norme et enseignant ce que la société doit être) s’est , au fil du temps, imposé…..entraînant l’indigence de la pensée religieuse. La pensée musulmane s’est coupée de l’expériene humaine, confondant le sacré avec les commentaires sur le sacré.

L’ouvrage est organisé en huit chapitres :

-Montrer la  parenté métaphysique entre le monothéisme et la philosophie grecque qui a servi de fondement rationnel à la théologie médiévale.

-Eclairage sur l’influence de la métaphysique platoniceinne sur la culture savante et populaire (ce qui a permis un développement remarquable de la spéculation philosophique durant quatre siècles)

-Monter comment la vision néo-platonicienne a marqué la culture musulmane, résistant aux accusations de shirk (associationnisme) lancées par les fuqaha et l’orthodoxie salafiste

-Tentative de synthèse faite par Mohammed Abdou entre le positivisme européen et la vieille théologie, synthèse qui avait réuni les culturalistes conservateurs et les nationalistes progressistes. Unis contre le colonialisme et se combattant après les indépendances.

-Le paradoxe de la société musulmane contemporaine acceptant la technologie la plus moderne tout en refusant la philosophie du sujet qui l’accompagne

-Les enjeux contemporains du débat religieux

-Problématique juridique dans la société musulmane, en définissant les concepts de chari’a, de fiqh et de droit musulman.

-Bien que la culture musulmane reste  fidèle à la vision platonicienne,  la société reste hésitante face au dilemme de moderniser l’islam et d’islamiser  la modernité.D’où la question de la sécularisation (thème de sociologie et non de théologie) en cours dans les rapports sociaux (espace public et espace privé)

Et, pour finir, en annexe,un commentaire sur ledit « théorème de la sécularisation » ayant opposé Carl Schmitt et Karl Löwith à Hans Blumenberg

 

 

 

 

 

 

L’Auteur : D’abord enseignant durant vingt années à l’Université d’Oran. Doctorat en France. Professeur de sociologie politique du monde arabe (Sciences Po’, Lyon) et professeur invité d’universités américaines . Auteur de plusieurs ouvrages et articles parus dans des revues académiques. Plusieurs analyses dans la presse algérienne.

Table des matières :Préfaces/Introduction/ L’apport de la philosophie grecque à la théologie abrahamique/L’islam et le dualisme platonicien/Du soufisme à l’islamisme/Muhammad Abdou ou l’échec de la modernisation de la culture musulmane/Un positivisme sans sujet/ Transcendance et histoire : les enjeux contemporains/ Chari’a, fiqh et droit musulman/ L’Europe , l’islam et la sécularisation/ Le débat autour du « théorème de la sécularisation » : Carl Schmitt, Karl Löwith, Hans Blummenberg.

Extraits : : « Pour bâtir une modernité cohérente avec des valeurs religieuses, les musulmans n’ont pas besoin de modifier le Coran ; il suffit qu’ils le lisent autrement, y compris en utilisant la ressource qu’il offre :  l’abrogation (en-naskh) de certains versets du Coran par d’autres versets……la vraie interprétation du texte sacré n’existe pas ; le texte sacré existe pour soi et non en soi…..il faut que la culture change de métaphysique et qu’elle remplace Platon par Kant » (pp 24-25) , « Avec Kant, la foi est rattachée à la raison pratique appelée à réguler les rapports humains ;elle devrait être présente dans la vie quotidienne à chaque instant et non pas seulement le dimanche dans l’enceinte d’une église » (p 51), « Pour Nietzsche, il ne s’agit pas tant pour l’homme d’aller dans l’au-delà après la mort que de faire vivre Dieu sur terre durant l’existence du croyant » (p 57), « Les prochaines persécutions ne se feront pas contre des Galilée musulmans, mais contre des penseurs qui forgeront une autre interprétation du Coran » (p220), « Avant d’être politique, la crise des sociétés musulmanes est intellectuelle et culturelle, et se résume dans le passage difficile de la raison à la conscience par laquelle le monde est perçu , construit et approproié » (p 230).

Avis : Pas un essai de philo. Mais , une réflexion formulant une hypothèse assez audacieuse….dont le point départ est une communication sur Mohammed Abdou, « le plus grand théologien musulman contemporain ».  Une œuvre pas à la portée de tous. L’ « entre-soi » ….le défaut de nos intellos,  le non-décollage de l’édition nationale (non spécialisée) . Donc,  une approche qui gagnerait à être vulgarisée à travers une écriture non académique…..et à être traduite en arabe.

Citations : « Dans le monde musulman, Galilée est resté platonicien » (p 27) « Platon qui a eu une influence considératble sur la culture musulmane n’est ni un Berbère ni un Arabe » (p 29), « Quand la culture savante se fige, les croyances populaires se déshumanisent et se mettent à adorer des symboles qui auront perdu  le  sens des réalités qui leur ont donné naissance » (p 62) « Dieu enverra à cette communauté tous les cent ans quelqu’un pour lui renouveler sa religion »  avait dit le prophète .Les sociétés musulmanes ont raté, à ce jour, quatorze réformes » (p64), « Pour se légitimer , l’extrémisme a besoin de construire le mythe de la pureté de l’origine pour se donner une bonne conscience et pour s’affranchir du respect de la vie » (p137), « La modernité intellectuelle ne s’importe pas ; elle se construit localement avec des chaînons solidaires » (p196) , « L’histoire ne se fait pas par des individus, aussi brillants soient-ils.Elle se fait lorsqu’émergent des groupes sociaux déterminés à réformer l’ordre ancien » (p 258) , « La crise de la société musulmane est celle du passage de la temporalité à l’histoire » (p324) , « Quand elle est seule actrice de l’histoire, la raison fait courir à sa perte la dimension historique du sacré » (p332)