CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-ESSAI YOUSSEF GIRARD- « UNE
LECTURE DE MALEK BENNABI »
UNE LECTURE DE MALEK BENNABI. Essai de Youssef Girard.Editions
Alem El Afkar, Alger 2019, 650 dinars, 208 pages
Né en 1905 à
Tébessa dans une famille originaire de Constantine, Malek Bennabi
fit des études à la médersa d’Etat de sa ville d’origine avant de partir en
France poursuivre des études d’ingénieur en électricité. Intellectuel bilingue,
influencé par Ibn Khaldoun et F. Nietzsche, il est arrivé à maîtriser à la fois
les références occidentales et les références arabo-musulmanes, ce qui en faisait,
selon Anouar Abdel-Malek (1965) « l’un des premiers philosophes
sociaux du monde arabe et afro-asiatique de notre temps »
Durant plus de
trente années (de 1936 à 1973, date de son décès à Alger ),
il a écrit plus d’une vingtaine d’ouvrages et des centaines d’articles (dont
plusieurs dans l’organe central du Fln, « Révolution africaine »).Il
a forgé pas mal de concepts (dont celui de « colonisabilité »)
et produit beaucoup d’idées, tout
particulièrement sur la culture, la civilisation et/ou la fonction des idées
dans les processus sociaux. Tout cela
dans un cadre précis…..que beaucoup de ses
« héritiers » occupent, tout particulièrement depuis les années
90 : la défense d’un Islam qui aurait retrouvé sa dynamique sociale
originelle afin de lui permettre de refaire la civilisation musulmane. Rêve ou
utopie ? Pour l’instant, sur le terrain, ce sont bien plutôt les idées radicales….allant jusqu’à la violence, qui ont pris , ça
et là, le dessus
Malek Bennabi, un philosophe de son époque….mais
aussi un observateur critique qui a construit toute sa réflexion à partir de la
situation sociale et politique du monde musulman de son époque, c'est-à-dire
d’un monde vivant alors « sous le joug de l’Occident ». La grande
question de l’époque : comment se sortir de la situation de dominé politique , économique et culturel ?
Il a, donc,entrepris, une longue (elle a duré jusqu’à son décès)
analyse très intellectualisée et approfondie des situations et des autres
« pensées » et thèses en
posant , à partir de la problématique de base, les questionnements
principaux en tentant d’y apporter
des réponses : Abdelhamid Ben Badis et le mouvement réformateur algérien,les orientalistes européens, la société musulmane
post-almohadienne,
l’orientalisme apologétique, le mouvement des Frères musulmans, la posture
apologétique de certains intellectuels musulmans , le phénomène de
« surimposition » dans la production intellectuelle musulmane, les
travaux ou écrits de Mohamed Abduh,
Mohammed Rachid Reda, Chakib Arslan, Anouar Abdel-Malek,…..ne
s’arrêtant jamais de dénoncer « les idées mortes » et les
« idées mortelles » et leurs partisans , sa critique s’apparentant,
dans une certaine mesure , à celle formulée par ses prédecesseurs
réformateurs à l’encontre des tendances traditionnalistes et
occidentalisées .
L’Auteur :Historien spécialiste de l’Algérie contemporaine….ayant
soutenu une thèse de Doctorat en Histoire (Université Paris VII) :
« Nationalisme révolutionnaire et socialisation politique : le cas du
Ppa-Mtld dans l’ancien département d’Alger,
1943-1954 »
Table des matières : Avant-propos/ Introduction/ IUne
pensée dynamique/ II. Malek Bennabi et le mouvement
de renouveau/III.Penser à partir de Malek Bennabi
Extraits : « Les pensées naissent et se développent en interaction avec le
vécu de chaque personne » (Malek Bennabi cité,
p18), « Pour mener à bien sa mission, le monde musulman devait sortir de
la posture apologétique pour regarder en face sa situation réelle et ainsi
traiter les problèmes auxquels il était confronté.Il
devait également sortir de son isolement pour prendre pleinement part aux affires du monde » (p 79)
Avis :Bennabi ! Une
pensée généreuse et sincère , une réflexion critique
qui collait assez bien avec les réalités d’hier, celles de son temps….dont
l’ « utopie islamo afro-asiatique ». L’auteur y croit, avouant
« une lecture subjective de la vie et des idées de Malek Bennabi » ….On aurait tant
aimé y croire, nous aussi .La déception a été bien grande.
Citations : « Celui qui
décrit une personne et son action le fait en fonction d’un regard singulier
porteur de son identité individuelle propre » (p 97), « L’apologie ,
c’est la substitution de l’erzatz verbal au fait
tangible, la substitution d’une réalité subjective à la réalité objective de ce
milieu : c’est la tentative de justification de l’effondrement de ses
forces morales et sociales.Et, cette justification
qui s’opère de deux manières- soit par substitution du subjectif à l’objectif
soit pas substitution d’un passé prestigieux à un passé déshérité – rend
impossible une thérapeutique sociale ( Malek Bennabi, extrait
de « L’Afro-asiatisme ». Sec, Alger 1992) ( p 137) ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------