Date de création: 20-01-2021 18:48 Dernière mise à jour: 20-01-2021 18:48 Lu: 929 fois
HISTOIRE- ETUDES ET ANALYSES- SYNTHESE RAPPORT BENJAMIN STORA,JANVIER 2021
L’historien Benjamin
Stora a remis ce mercredi 20 janvier 2021 son rapport sur la question mémoriale entre l’Algérie et la France au président
français Emmanuel Macron. Plusieurs médias français ont dévoilé une série de
recommandations rédigées dans le rapport, dont la mise en place d’une
commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives
mémorielles communes entre la France et l’Algérie.
Dans la foulée, la France
dit « envisager des actes symboliques » mais « exclut de
présenter des excuses officielles pour ses crimes coloniaux en Algérie.
« Pas de repentance », selon l’Elysée.
Les journaux Le Monde ou
encore L’Observateur ont
dévoilé les principales propositions de l’historien.
Benjamin Stora propose
que la dite commission soit
composée de différentes personnalités engagées dans le dialogue
franco-algérien », comme Fadila Khattabi,
présidente du groupe d’amitié France-Algérie de l’Assemblée nationale, Karim Amellal, ambassadeur, délégué interministériel à la
Méditerranée, des intellectuels, médecins, chercheurs, chefs d’entreprise,
animateurs d’associations.
Dans un volet dédié aux
commémorations, Benjamin Stora recommande de poursuivre les commémorations
comme celle du 19 mars 1962 et en organiser d’autres, pour commémorer la
participation des Européens d’Algérie à la seconde guerre mondiale, la journée
d’hommage aux harkis et autres membres de formations supplétives dans la guerre
d’Algérie le 25 septembre et le massacre des travailleurs algériens en
France le 17 octobre 1961 à Paris.
Stora recommande aussi la
réalisation d’un recueil de la parole de « témoins frappés douloureusement
par cette guerre pour établir plus de vérités et parvenir à la réconciliation
des mémoires », poursuit Le Monde.
A propos de l’Emir
Abdelkader, Stora propose de construire une stèle à son effigie à Amboise
(Indre-et-Loire). Le résistant y a vécu en exil entre 1848 et 1852. « Le
monument pourrait être érigé à l’occasion du 60e anniversaire
de l’indépendance de l’Algérie, en 2022″, fait savoir le même
journal.
Il recommande aussi de
reconnaître l’assassinat par la France en 1957 de Ali Boumendjel,
avocat et militant.
A propos des essais
nucléaires dans le sud de l’Algérie, Benjamin Stora recommande la
« poursuite du travail conjoint » sur ces essais et leurs
conséquences.
A propos des restes de
résistants algériens à la colonisation française, le rapport préconise la
« poursuite de l’activité du comité mixte d’experts scientifiques
algériens et français chargés d’étudier les restes humains de combattants
algériens du XIXesiècle conservés au
Muséum national d’histoire naturelle ».
A propos des harkis, le
même historien demande à « voir avec les autorités algériennes la
possibilité de faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre
la France et l’Algérie ».
Concernant les Européens
d’Algérie, il recommande la mise en place « d’une commission mixte
d’historiens français et algériens pour faire la lumière sur les enlèvements et
assassinats d’Européens à Oran en juillet 1962 » et d’encourager la
conservation des cimetières chrétiens et juifs.
Benjamin Stora estime
qu’il faudrait « activer le groupe de travail conjoint sur les archives,
constitué en 2013 à la suite de la visite du président Hollande
en 2012 ». Il s’agit d’un groupe de travail sur les archives qui
« devra faire le point sur l’inventaire des archives emmenées par la
France et laissées par la France en Algérie. Sur la base de ce travail
d’inventaire, certaines archives (originaux) seraient récupérées par l’Algérie.
Celles laissées en Algérie pourront être consultées par les chercheurs français
et algériens. Le « comité de pilotage » pourrait proposer la
constitution d’un premier fond d’archives commun aux deux pays, librement
accessible »
Fin décembre, Abdelmadjid
Chikhi, conseiller du président de la République
chargé des archives et du dossier de la mémoire nationale, a accusé la France
de « mettre des obstacles » pour empêcher l’Algérie de récupérer ses archives.
« Les autorités
françaises mettent des embûches devant la recherche d’une solution acceptée par
les deux parties sur la question des archives. Nous demandons la récupération
intégrale des archives d’avant 1962. C’est-à-dire les archives de toutes les
périodes historiques de l’Algérie. Nous pensons qu’une grande partie de ces
archives est détenue par les Français. Cette demande est constante. »,
a-t-il déclaré, lors de son passage au Forum de la Radio Chaine 1
Le rapport remis à
Emmanuel Macron estime également que la coopération universitaire pourrait,
avant le règlement de la domiciliation des archives, trouver un moyen pour
chacune des parties de montrer la volonté de transparence du passé commun. La
France proposerait ainsi de donner chaque année à dix chercheurs, inscrits en
thèse sur l’histoire de l’Algérie coloniale et la guerre d’indépendance dans un
établissement universitaire algérien, la possibilité d’effectuer des recherches
dans les fonds d’archive en France.
Autre mesure recommandée: accorder dans les programmes scolaires plus de
place à l’histoire de la France en Algérie. A côté d’une avancée récente – ne
plus traiter de la guerre sans parler de la colonisation –, il convient de
généraliser cet enseignement à l’ensemble des élèves, y compris dans les lycées
professionnels.
Parmi les 22
recommandations figure également l’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure
de l’opposition à la guerre d’Algérie. Pendant la Guerre de Libération, Gisèle
Halimi a défendu des militants du Mouvement national algérien (MNA) de Messali
Hadj, ainsi que Djamila Boupacha, militante du FLN,
torturée et violée par des soldats français pendant sa détention.
Selon l’Elysée, Emmanuel
Macron est « en phase de réflexion sur ce sujet ». Il a été
d’ores et déjà « acté » avec la famille de Gisèle Halimi la
tenue au printemps d’une cérémonie d’hommage aux Invalides.
A propos du canon Baba Merzoug,
Benjamin Stora recommande de créer une commission franco-algérienne
d’historiens chargée d’établir l’historique du canon « Baba Merzoug » ou « La Consulaire », pris lors de
la conquête d’Alger en 1830 et installé à l’arsenal de Brest. Il propose
aussi de « formuler des propositions partagées quant à son avenir,
respectueuses de la charge mémorielle qu’il porte des deux côtés de la
Méditerranée ».
En septembre, un groupe
d’intellectuels algériens s’est organisé à Paris pour réclamer à la France la
restitution du canon à l’Algérie. Ils envisageaient d’organiser un
rassemblement symbolique à Brest (Nord-ouest de la France) le 1er novembre 2020
pour revendiquer publiquement cette restitution. L’historien français, Benjamin
Stora a déclaré, à Canal Algérie, que ce genre de geste peut « faire
avancer des compromis mémoriels ».
Appelé La Consulaire par
les Français, le canon Baba Merzoug est, depuis le 27
juillet 1833, érigé en colonne dans le port militaire de Brest, sur décision de
Louis-Philippe 1er, dernier roi de France. Le Canon a été pris à Alger au
premier jour de l’occupation d’Alger par les soldats français en 1830.
Le rapport de cet
historien intervient après la décision des présidents algérien et français
d’entamer un « travail mémoriel », sur l’histoire commune, particulièrement
sur la période coloniale française. Abdelmadjid Tebboune
avait désigné Abdelmadjid Chikhi, conseiller auprès
de la Présidence, chargé des archives nationales et de la mémoire nationale,
comme homologue à Benjamin Stora, désigné par Emmanuel Macron.