RELATIONS
INTERNATIONALES- OPINIONS ET POINTS DE VUE- TRUMP
FACE À FACE : Trump : la fin du cauchemar
©Par Meryem Belkaïd/www.24hdz.com,
16/01/2021
L’un des
moments les plus emblématiques et les plus glaçants de la présidence Trump,
aura été le jour de son investiture en janvier 2017. Non pas que ce qui a suivi
ait été une sinécure, loin de là, mais ce jour-là fut comme une synecdoque qui
annonçait les quatre années à venir.
D’abord,
ce malaise ressenti face à cette famille qui pérorait face aux caméras. Il y
avait dans leur habitus corporel, l’attitude de ceux qui se
croient tout permis et que l’on appelle aux Etats-Unis, the « entitled », terme difficile à traduire et qui renvoie à
ceux qui ont toujours joui de privilèges et qui ne doutent jamais du bien fondé
de tout ce qu’ils possèdent : argent, réseaux, passe-droits. Ceux qui
n’ont aucune idée de ce que le mot discrimination signifie.
Puis ce
fut le premier mensonge de Trump, en tant que président – car des mensonges, il
en avait déjà proféré des dizaines pendant sa campagne. Face aux journalistes,
il ment de manière éhontée sur le nombre de personnes venues assister à son
investiture. Il ne supporte pas le fait que moins de gens aient fait le
déplacement, pour lui que pour Obama (un tiers selon les estimations du New
York Times). Sans vergogne, pendant des semaines, il va accuser les médias de
cacher la vérité, de truquer les photos. Dénégation, narcissisme, mensonge,
agressivité, fake news. Tout y est
déjà.
Enfin, il
y a eu le discours glaçant que Trump a prétendu
écrire lui-même mais qui a été très probablement rédigé par Steve Bannon et Stephen Miller les deux architectes du trumpisme. Populiste à souhait, nationaliste jusqu’à la
nausée, critique vis-à-vis du système démocratique, le
discours quasi apocalyptique décrivait sans rire « Un
carnage américain» et le pays hérité par Trump comme « une
terre d’usines abandonnées, d’angoisse et de crimes rampant ».
Les
graines des théories surréalistes, développées par la suite par les promoteurs
de la mouvance Qanon et d’autres étaient déjà semées.
Trump s’est d’emblée posé en sauveur d’une Amérique minée par un pseudo deep state tout puissant et il
promettait de remettre le pays sur le devant de la scène mondiale.
« America First » a été l’expression la plus répétée du discours et
elle renvoyait aux isolationnistes qui s’étaient opposés à ce que l’Amérique
n’entre en guerre pendant le second conflit mondial.
Et de ce
point de vue là, Trump a tenu promesse. Il n’a pas
initié de guerre pendant son mandat. Ni au Moyen-Orient
ni ailleurs. Ce qui lui vaut des compliments qui laissent songeur sur ce
que l’on est prêt à pardonner à un dangereux populiste. Mais, sous prétexte
qu’il n’y ait pas eu d’invasion ou de guerre sous Trump, on a tendance à
minimiser la politique catastrophique qu’il a mené au niveau international.
Si on se
limite simplement à la région MENA (Middle East and North Africa),
les dégâts sont considérables. Qui peut croire en effet que le soutien de Trump
pour la politique de Netanyahou, l’établissement de Jérusalem comme capitale
d’Israël et les accords de normalisation entre Israël et certains pays du Golfe
et le Maroc, ne va pas durablement déstabiliser et affecter la
région ? Comment peut-on oublier que l’une des premières mesures de
Trump a été d’établir par décret, dès le 27 janvier 2017, ce que l’on a appelé
le « Muslim ban » ? Trump a d’ailleurs
été à deux doigts d’attaquer l’Iran en novembre 2020, prouvant bien si besoin
est, que son pseudo pacifisme n’était que conjoncturel.
Dès
janvier 2017, la messe était donc dite, et Trump a en effet été à la hauteur de
toutes les craintes que son investiture annonçait. Il laisse aujourd’hui une
Amérique plus divisée que jamais, exsangue, atteinte de plein fouet par une
pandémie qu’elle avait les ressources de juguler un peu mieux, sans un
président au comportement erratique et incapable de comprendre la gravité de la
situation, en termes scientifiques et médicaux. Son manque d’empathie,
son indifférence pour les plus démunis, ses privilèges raciaux et de classe lui
auront finalement coûté un deuxième mandat.
Mais
jamais le fonctionnement démocratique des institutions n’a été autant remis en
question, puisque Trump a réussi à force de vociférer à convaincre ses
partisans que les élections de 2020, ne l’ayant pas donné vainqueur, ne
pouvaient être que truquées. S’il faut évoquer « un carnage
américain », c’est celui que le pays a évité le 6 janvier dernier, lorsque
des supporters de Trump et des groupes d’extrême droite, surexcités par une
rhétorique guerrière, ont attaqué le Capitole.
Il faut
désormais reconstruire et il n’est pas certain que Biden soit totalement
l’homme de la situation. Mais ce vieux roublard de la politique sait bien que
le 20 janvier 2021, ce n’est pas tant son investiture que beaucoup fêteront
mais bel et bien le départ de celui qui aura mené l’Amérique aux portes du
chaos.