CULTURE- BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ROMAN ALI MOUZAOUI – « COMME UN NUAGE SUR LA ROUTE »
COMME UN NUAGE SUR LA
ROUTE. Roman de Ali Mouzaoui. Editions Frantz Fanon,Boumerdès 2020.800 dinars,
231 pages
Ali Mouzaoui,
on le sent, est, d’abord et avant tout, un cinéaste. En tout cas,
il est « possédé » par cet art qu’il a longuement étudié puis
pratiqué. Mais, c’est aussi un écrivain. Et, à vrai dire, le mélange des deux peut donner naissance à un bel enfant. Une œuvre
romanesque, mélangeant fiction et réalités historiques (et poétiques , ce qui
ne gâte rien) qui décrit , en plusieurs plans et/ou séquences, la vie d’une
légende aventurière et littéraire du pays, la vie d’un homme – Mohand-ou-Mhand, des Ath Hmadouche – lequel
révolté par l’intrusion d’un corps étranger dans sa société , en l’occurrence
le colonialisme porteur d’ « infidélité » et source de toutes
les dépossessions et fabricant d’exils et de trahisons, va mener une vie
d’errance sans repères à travers le pays (globalement, tout l’Est jusqu’en
Tunisie en passant par Annaba)….et de créativité poétique.Un
engagement total et un refus de toute compromission et de tout
lien :familial y compris, lui, un enfant issu d’une famille aisée ;
cultuelle y compris , lui, un « sachant » de qualité ;
sentimental, lui, un amoureux fou de Ourida .
La poésie,
l’observation, la critique, l’amour de la nature , la nostalgie de la Kabylie
natale…..et, aussi, hélas (ou heureusement, c’est selon) le kif et l’absinthe
qui vont l’aider à maîtriser sa révolte , à transcender les vilenies de
la réalité et les duretés de la vie…..et à marcher, marcher, marcher…..refusant
toutes les belles offres d’aide ou/et d’hébergement (il était connu à travers
le pays pour sa poésie…..tellement recherchée car , grand taiseux, il ne
répétait jamais ses poèmes). Et, à noter, l’humour ,
dans cette saga tragique, n’est pas absent : comme la fois où sa tabatière
pleine de kif s’était renversée, sans qu’il ne s’aperçoive, dans la poêle
d’huile devant cuire les beignets qu’il destinait à la vente ( aux
travailleurs des mines de Boukhadra)….La suite est
hilarante (rapportée par Si Ammar Ben Said Boulifa et ses étudiants) ,mais il avait du vite partir pour échapper à ses clients , tous tombés
« malades ».
L’Auteur : Cinéaste (diplômé de
l’Institut supérieur du cinéma de l’Urss) , plusieurs
films dont « Si Mohand-ou-Mohand », « Les ramiers blancs »,
« Les piments rouges » …et auteur d’un premier roman (L’Harmattan, 2005), « Thirga
au bout du monde »
Extrait: « Vous voyez cette
main. Si un doigt venait à manquer , toute la
main deviendrait laide. Mais, si deux ou trois doigts seulement lui restaient
elle pourrait toujours se refermer , devenir un poing
qui pourrait se battre » (p 86)
Avis : Un roman avec une
écriture qui « erre » comme son héros entre la passion, la tradition,
la poésie, l’errance, la révolte…..l’Algérie voulant
échapper au joug de la colonisation mais aussi de tous les
« mauvais » pouvoirs
Citations : « Un homme instruit
ne grossit pas, le cerveau et le cœur lui mangent le corps « (p 87),
« Quand une rivière creuse son lit, elle suit son cours.Les hommes ont beau avoir de la volonté pour la
détourner de son lit, ils n’y peuvent rien. Il en est ainsi de ma destinée….Que peux-tu faire pour Si Mohand-Ou-Mhand Ath Hmadouche ? Rien…» (p 141), « Plutôt
rompre que plier/Plutôt être maudit/Dans un pays où les chefs sont des
entremetteurs/L’exil m’est prédestiné/Par Dieu j’aime mieux l’exil/Que la loi
des pourceaux/En ce pays la vérité est morte/L’on adore la ruse : Le sage
manque devenir dément » (Si -Mohand -Ou -Mhand,
extrait de poème, p 144), « Il est à plaindre celui qui célèbre parmi les
hommes/Tombe ensuite dans le dénuement de la stupeur/Et les chagrins chaque
jour » (Si Mohand -Ou -Mhand, extrait de poème,
p 189)