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Corruption/Ouyahia/Emirs du Golfe

Date de création: 10-01-2021 12:29
Dernière mise à jour: 10-01-2021 12:29
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FINANCES- ENQUÊTES ET REPORTAGES- CORRUPTION/OUYAHIA/EMIRS DU GOLFE

 

© Madjid Madekhi/El Watan,dimanche 10 janvier 2021

L’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a affirmé, samedi 9 janvier 2021,  devant le juge, que de nombreux responsables algériens sous Bouteflika recevaient des présents de la part d’émirs du Golfe en échange de facilités accordées pour chasser l’outarde et la gazelle en Algérie.

«J’ai reçu ces lingots d’or de la part des émirs du Golfe qui viennent chasser en Algérie, comme tous les responsables. Je les ai proposés à la Banque d’Algérie qui a refusé de les prendre. Je les ai alors vendus au marché noir pour 350 millions de dinars», déclare l’ex-Premier ministre.

L’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, justifie, enfin, l’origine des 30 milliards de centimes retrouvés sur ses comptes bancaires. Auditionné, hier, par le juge près la cour d’Alger dans le cadre du nouveau procès en appel concernant les deux affaires de montage automobile et de financement occulte de la campagne électorale du 5e mandat avorté de Abdelaziz Bouteflika, l’ancien secrétaire général du RND fait un aveu de taille.

Il affirme, devant l’insistance du juge, qu’il avait reçu en cadeau des lingots d’or de la part des émirs du Golfe qui viennent chasser dans le Sud algérien. Les «précieux cadeaux», révèle-t-il pour la première fois, ont été vendus au marché parallèle pour la rondelette somme de 350 millions de dinars. (et placé dans trois comptes)

Une fortune tombée du ciel. «J’ai reçu ces lingots d’or de la part des émirs du Golfe qui viennent chasser en Algérie, comme tous les responsables. Je les ai proposés à la Banque d’Algérie qui a refusé de les prendre. Je les ai alors vendus au marché noir pour 350 millions de dinars», déclare-t-il, précisant que la chasse en question était organisée par la présidence de la République.

Ahmed Ouyahia soutient, dans ce sens, qu’il avait informé le procureur général de cette affaire. En tout cas, c’est la première fois que l’ancien premier responsable du gouvernement avoue l’origine de sa fortune, jugée injustifiée.

En effet, à l’occasion du procès en première instance au tribunal de Sidi M’hamed en décembre 2019, et lors du premier procès en appel en mars 2020, Ahmed Ouyahia avait carrément fui les questions des juges sur la provenance de ces 30 milliards de centimes, précisant qu’il s’agissait d«économies personnelles».

Il avait également justifié la non-déclaration de cette somme par ses «soucis de santé survenus en 2017 (il avait déclaré qu’il était atteint d’un cancer ndlr)». Toujours durant l’audience d’hier, Ahmed Ouyahia assure que cet argent «n’a rien à voir avec sa fonction de Premier ministre» et qu’«il n’est pas le fruit de la corruption». «Je ne suis pas fou pour mettre l’argent de la corruption sur mes comptes bancaires», ajoute-t-il.

Et l’éthique politique ?

Cette révélation d’Ahmed Ouyahia suscite moult interrogations sur le fonctionnement des institutions de l’Etat et sur l’attitude des hauts responsables du pays. Ces derniers – d’autres responsables, selon Ahmed Ouyahia, ont reçu des cadeaux similaires – ne résistent pas à l’attrait de l’argent qui n’a pas d’odeur pour eux.

N’y-a-t-il donc pas de code d’éthique pour les hauts fonctionnaires ? Le législateur a, certes, mis beaucoup de temps pour élaborer un texte de loi interdisant aux ministres et au hauts cadres de recevoir des cadeaux dont la valeur dépasse les 50 000 DA.Un décret présidentiel régissant cette question a été publié au Journal officiel en avril 2020. «Il n’est pas tenu compte des présents reçus d’une valeur déclarée égale ou inférieure à 50 000 DA.

Tout présent d’une valeur excédant 50 000 DA est déposé en douane au profit de la réserve légale de solidarité, instituée par l’article 162 de la loi de finances pour 1983, susvisée, à l’exclusion des présents visés à l’article 5 ci-dessous», stipule ce texte. L’article 5 du même décret dispose que «les présents reçus dans les conditions citées à l’article 3 ci-dessus, et revêtant un intérêt littéraire, historique, artistique ou scientifique, déposés auprès des services des Douanes, sont remis au ministère de la Culture, en vue de leur affectation aux musées nationaux».

Selon le même texte, «les membres des délégations en mission à l’étranger sont tenus de déclarer, auprès de la Direction générale des Douanes, les présents reçus directement ou par personne interposée quelle que soit leur valeur.

Toutefois, lorsque les présents sont offerts au président de la République, au Premier ministre, aux membres du gouvernement ou aux titulaires de hautes fonctions assimilées, au niveau des institutions de l’Etat, ladite déclaration est effectuée auprès du ministre chargé des Finances».

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Le prix du braconnage

© Salima Tlemcani, El Watan, dimanche 10 janvier 2021

Alors que la chasse à la gazelle et à l’outarde est interdite en Algérie, des émirs des monarchies du Golfe, escortés par des escouades de la Gendarmerie nationale, organisaient des battues dans de nombreuses régions du pays, derniers retranchements de ces animaux en voie de disparition.

Invités par le président déchu, Abdelaziz Bouteflika, ils étaient autorisés à chasser ces animaux, pourtant protégés par un décret datant du 20 août 1983. En voie d’extinction, l’outarde (Houbara), qui évolue dans la région de Brézina, au sud d’El Bayadh, jusqu’à Ghardaïa et Laghouat, a fait l’objet dès le début des années 2000 de nombreuses opérations de chasse, mettant en danger leur existence.

Les dignitaires des monarchies du Golfe venaient à bord d’avions privés, qui atterrissaient dans les aéroports de Naâma et de Ghardaïa, d’où des escortes de gendarmerie accompagnaient leurs véhicules tout-terrain vers les lieux des battues bien choisis, où ils installaient de gigantesques tentes équipées de toutes les commodités et d’un matériel de transmission.

Des guides locaux, bien payés, étaient recrutés pour les emmener directement vers les proies qu’ils attrapaient en utilisant des faucons dressés, avant de les tuer. Ce sont des dizaines d’outardes qui étaient sacrifiées durant chacune de ces expéditions. Les émirs du Golfe ne se limitaient pas à tuer l’outarde en période de reproduction.

Ils prenaient aussi ses œufs afin que le volatile puisse se reproduire chez eux, ainsi que pour la consommation, leur trouvant des effets aphrodisiaques. Les séjours royaux de ces princes étaient également agrémentés de parties de chasse, avec des armes à feu, des gazelles de Cavier ou de Ledmi, dont le nombre a sensiblement diminué, dans la région de Ghassoul, de Brézina et de Aïn El Orak, à cause du braconnage excessif.

Toutes ces battues étaient organisées avec l’autorisation de la Présidence et les autorités locales, wali et chef de groupement de la gendarmerie, étaient mis au service de ces dignitaires. Venant en groupes de plusieurs nationalités, souvent des altercations éclataient entre Emiratis et Bahreïnis à cause d’un terrain de chasse. Et c’étaient les walis qui se retrouvaient à jouer le rôle de médiateur.

La population locale était consternée par le fait que les «hôtes du Président» se comportent comme s’ils étaient en terre conquise, puis repartent. Personne ne pouvait s’approcher des tentes des dignitaires, protégées par les gendarmes. Ce braconnage avait suscité la colère des habitants qui, conscients du danger qui menace l’équilibre écologique de la région, avaient saisi les autorités, mais aucune réponse ne leur a été donnée.

On comprend mieux, aujourd’hui, ce silence des hauts responsables. Ahmed Ouyahia, qui occupait tantôt le poste de directeur de cabinet de la Présidence, tantôt celui de Premier ministre, a affirmé, hier devant la cour d’Alger, que les émirs des pays du Golfe offraient aux hauts responsables des cadeaux d’une grande valeur, des lingots d’or, lorsqu’ils venaient pour leurs parties de braconnage.