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Merzac Bagtache

Date de création: 04-01-2021 18:20
Dernière mise à jour: 04-01-2021 18:20
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CULTURE- PERSONNALITES- MERZAC BAGTACHE

 

Né à Alger en 1945, originaire de Bejaia , polyglotte, Merzac Bagtache, décédé à Alger samedi 2 janvier 2020 (et inhumé à El Kettar) ,  est père de 3 enfants . Il est écrivain, journaliste (ayant débuté une longue carrière à l’Aps) , romancier, nouvelliste, traducteur et scénariste.et  ancien membre (90-93) du Conseil supérieur de l’Information (élu par ses pairs journalistes) .  . Merzak Bagtache a fait son entrée en littérature dans les années 1960 avec des recueils de nouvelles avant de se lancer dans le roman.

Après un passage en tant que membre au Conseil consultatif national (Cnt) , créé en 1992 par le Président du Haut Comité d’Etat, Mohamed Boudiaf, Merzak Bagtache est distingué, en 2017, du Grand prix Assia-Djebar pour son roman en langue arabe "La pluie écrit ses mémoires".

Auteur de plusieurs romans (17)  dont "Indama yadjoue el bachar" (lorsque les gens auront faim), "Azzouz El Kabrane", "Khoya Dahmane" et "Dem El Ghazal", entre autres, Merzak Bagtache a signé dernièrement "Quatro", son dernier né paru aux éditions publiques "Anep". A noter qu’il a traduit et publié en arabe  six ouvrages d’auteurs divers et traduit en français plusieurs de ses propres œuvres romanesques. Il a produit plusieurs recueils de chroniques et d’articles de presse. Il est également l’auteur de cinq feuilletons télévisuels et de nombreuses pièces de théâtre radiophoniques.

 

Il  fut , au cours de la décennie noire, « un symbole vivant, une sorte de miracle, voire un démenti à l’arrogance de la haine » ainsi que l’a si bien qualifié son ami l’écrivain Améziane Ferhani.

 

C’était le 31 juillet 1993, alors qu’il était dans le quartier d’Alger qui l’a vu naître, un groupe de sept jeunes gens lui donna l’assaut. Dans la mêlée, un de ses assaillants lui tira, à bout portant, une balle qui lui traversa la nuque et sortit en haut de sa joue droite. Ces criminels étaient venus lui ôter la vie, mais le destin en décida autrement.

 

Dès qu’il ouvrit les yeux, il demanda au médecin traitant de lui apporter un livre à lire et lorsque celui-ci raconta ce fait à la regrettée mère de merzac bagtache, celle-ci s'exclama : « il est donc vivant et n’a pas perdu la raison !… ». Ecoutons le raconter cet episode tragique : « A Fontaine fraîche , on était dans la rue avec des amis. j’étais en gandoura et m’apprêtais à aller faire la prière du maghreb. On revenait de la plage. Je me savais menacé et condamné, parce que j’étais journaliste, écrivain et surtout membre du Conseil consultatif national mis sur pied par Boudiaf avec 60 membres, dont une grande partie n’est plus de ce monde.

Le tireur est venu spécialement pour me tuer. Habituellement, j’ai un tabouret sur lequel je m’assois pour regarder des amis qui jouent aux boules. Je suis toujours accompagné de ma fille Imane, 6 ans ; ce jour-là, je ne l’avais pas emmenée avec moi.

Je suis toujours accompagné de livres, car ma vie est une équation lire et écrire. J’ai pris un livre de Taha Hussein sur la vie du Prophète (QSSSL), les jeunes qui jouaient nous avaient invités à leur donner la réplique parce qu’ils estiment qu’on était des vieux pieux, donc pas des tricheurs.

En réalité, ils voulaient nous donner une tannée, c’est ce qu’ils ont fait, puisqu’ils nous ont battus à plate couture. A un moment, je vois surgir, on ne sait d’où, et venir à une dizaine de mètres derrière un camion, un homme sans visage. Il portait une veste verte en plein mois de juillet, il a esquissé un geste, puis il a tiré, je suis vite tombé dans les pommes.

Instantanément, je suis descendu dans la noirceur de la tombe. Je m’interrogeais, virtuellement dans mon esprit, est-ce cela la mort ? Personne ne sait. Plus je descendais, plus je voyais une masse gigantesque un peu blanchâtre sur la gauche et à droite du violet opaque. Je continuais à m’interroger. La balle a pénétré par la nuque et est sortie par la mâchoire.

Celui qui a tiré était à moins de 10 mètres derrière moi, celui qui venait de droite voulait m’achever. Sa balle a touché mon voisin et camarade de jeu, Abane Djillali, à la jambe. Selon la police, 5 gars faisaient le guet et 2 étaient chargés de la basse besogne. On m’a raconté après que la foule alentour a commencé à crier.

Les assaillants se sont enfuis à travers Djnane Hassane pour rejoindre le Frais Vallon. Mon voisin, qui a tenté de les poursuivre, a reçu une salve de blasphèmes et d’obscénités. Il n’en croyait pas ses oreilles, venant de soi-disant défenseurs de l’Islam ! Un voisin s’est assis à côté de moi, il a commencé à lire Sourate El Asr, et moi dans mon esprit sourate El Koursi.

On m’a emmené à l’hôpital de Birtraria, non loin de là, celui-là même où Djillali Belkhenchir a été assassiné 2 mois plus tard. A l’hôpital, ils ne savaient pas si la balle qui a transpercé mon crâne était toujours ! On m’a fait une radio. Dans mon inconscient, j’ai cru entendre une voix féminine. Cétait celle d’une infirmière qui criait ‘‘Khoya Merzac !’’ Elle m’a reconnu.

C’était mon ancienne camarade de classe en 1953 à la medersa Chabiba. Ma mère est venue, désemparée, elle m’a dit : ‘‘N’aies pas peur Merzac !’’ J’ai été transféré à Aïn Naâdja, j’y suis resté quelque temps. Lors de ses visites à l’hôpital, ma mère Ourida était totalement rassurée lorsqu’elle me voyait bien adossé à un polochon, un livre entre les mains. Mais aujourd’hui, j’en garde des séquelles, dont une acuité visuelle très limitée et approximative.»