CULTURE- PERSONNALITES- MERZAC BAGTACHE
Né à Alger en 1945, originaire de Bejaia , polyglotte, Merzac Bagtache, décédé à Alger
samedi 2 janvier 2020 (et inhumé à El Kettar)
, est père de 3 enfants . Il est écrivain, journaliste (ayant débuté
une longue carrière à l’Aps) ,
romancier, nouvelliste, traducteur et scénariste.et ancien membre
(90-93) du Conseil supérieur de l’Information (élu par ses pairs journalistes) . . Merzak Bagtache
a fait son entrée en littérature dans les années 1960 avec des recueils de
nouvelles avant de se lancer dans le roman.
Après un passage en tant que membre au
Conseil consultatif national (Cnt)
, créé en 1992 par le Président du Haut Comité d’Etat, Mohamed Boudiaf, Merzak Bagtache est distingué, en
2017, du Grand prix Assia-Djebar
pour son roman en langue arabe "La pluie écrit ses mémoires".
Auteur de plusieurs
romans (17) dont "Indama yadjoue el bachar" (lorsque les gens auront faim), "Azzouz El Kabrane", "Khoya Dahmane" et "Dem El Ghazal", entre autres, Merzak
Bagtache a signé dernièrement "Quatro", son dernier né paru aux éditions publiques
"Anep". A noter qu’il a traduit et
publié en arabe six ouvrages d’auteurs divers et traduit en français
plusieurs de ses propres œuvres romanesques. Il a produit plusieurs recueils de
chroniques et d’articles de presse. Il est également l’auteur de cinq
feuilletons télévisuels et de nombreuses pièces de théâtre radiophoniques.
Il fut , au cours de la décennie noire, « un symbole vivant, une sorte de
miracle, voire un démenti à l’arrogance de la haine » ainsi que l’a si bien
qualifié son ami l’écrivain Améziane Ferhani.
C’était le 31 juillet 1993, alors qu’il
était dans le quartier d’Alger qui l’a vu naître, un groupe de sept jeunes gens
lui donna l’assaut. Dans la mêlée, un de ses assaillants lui tira, à bout
portant, une balle qui lui traversa la nuque et sortit en haut de sa joue
droite. Ces criminels étaient venus lui ôter la vie, mais le destin en décida
autrement.
Dès qu’il ouvrit les yeux, il demanda au
médecin traitant de lui apporter un livre à lire et lorsque celui-ci raconta ce
fait à la regrettée mère de merzac bagtache, celle-ci s'exclama :
« il est donc vivant et n’a pas perdu la raison !… ». Ecoutons le raconter
cet episode tragique : « A Fontaine fraîche , on était dans la rue avec des
amis. j’étais en gandoura et
m’apprêtais à aller faire la prière du maghreb. On revenait de la plage. Je me savais menacé et condamné, parce que j’étais journaliste, écrivain et surtout
membre du Conseil consultatif national mis sur pied par Boudiaf avec 60
membres, dont une grande partie n’est plus de ce monde.
Le tireur est venu spécialement pour me tuer. Habituellement, j’ai un
tabouret sur lequel je m’assois pour regarder des amis qui jouent aux boules.
Je suis toujours accompagné de ma fille Imane, 6 ans ; ce jour-là, je ne l’avais pas emmenée avec moi.
Je suis toujours accompagné de livres, car ma vie est une équation lire et
écrire. J’ai pris un livre de Taha Hussein sur la vie du Prophète (QSSSL), les jeunes qui jouaient nous
avaient invités à leur donner la réplique parce qu’ils estiment qu’on était des
vieux pieux, donc pas des tricheurs.
En réalité, ils voulaient nous donner une tannée, c’est ce qu’ils ont fait,
puisqu’ils nous ont battus à plate couture. A un moment, je vois surgir, on ne
sait d’où, et venir à une dizaine de mètres derrière un camion, un homme sans
visage. Il portait une veste verte en plein mois de juillet, il a esquissé un
geste, puis il a tiré, je suis vite tombé dans les pommes.
Instantanément, je suis descendu dans la noirceur de la tombe. Je
m’interrogeais, virtuellement dans mon esprit, est-ce cela la mort ? Personne
ne sait. Plus je descendais, plus je voyais une masse gigantesque un peu
blanchâtre sur la gauche et à droite du violet opaque. Je continuais à
m’interroger. La balle a pénétré par la nuque et est sortie par la mâchoire.
Celui qui a tiré était à moins de 10 mètres derrière moi, celui qui venait
de droite voulait m’achever. Sa balle a touché mon voisin et camarade de
jeu, Abane Djillali, à la jambe. Selon la
police, 5 gars faisaient le guet et 2 étaient chargés de la basse besogne. On
m’a raconté après que la foule alentour a commencé à crier.
Les assaillants se sont enfuis à travers Djnane Hassane pour rejoindre
le Frais Vallon. Mon voisin, qui a tenté de les poursuivre, a reçu
une salve de blasphèmes et d’obscénités. Il n’en croyait pas ses
oreilles, venant de soi-disant défenseurs de l’Islam ! Un voisin s’est assis à
côté de moi, il a commencé à lire Sourate El Asr, et moi dans mon
esprit sourate El Koursi.
On m’a emmené à l’hôpital de Birtraria, non loin de là, celui-là même où Djillali Belkhenchir a été assassiné
2 mois plus tard. A l’hôpital, ils ne savaient pas si la balle qui a transpercé
mon crâne était toujours ! On m’a fait une radio. Dans mon inconscient, j’ai
cru entendre une voix féminine. Cétait celle d’une infirmière qui criait ‘‘Khoya Merzac !’’ Elle m’a
reconnu.
C’était mon ancienne camarade de classe en 1953 à la medersa Chabiba. Ma mère est venue,
désemparée, elle m’a dit : ‘‘N’aies pas peur Merzac !’’ J’ai été
transféré à Aïn Naâdja, j’y suis resté
quelque temps. Lors de ses visites à l’hôpital, ma mère Ourida était totalement
rassurée lorsqu’elle me voyait bien adossé à un polochon, un livre entre les
mains. Mais aujourd’hui, j’en garde des séquelles, dont une acuité visuelle
très limitée et approximative.»