CULTURE- MUSIQUE- SALAH
GORRI (SALAH N’ATH MANSOUR)
© El Wata/Omar Aerbane.Extraits, samedi 2/1/2021
Salah Gorri ou
Salah N’Ath Mansour, comme il aimait se faire appeler, un maestro qui faisait
parler la guitare, un maître du flamenco, un chercheur en musicologie,
passionné de la physique des particules, de chimie, d’histoire, de sociologie,
d’anthropologie, de mécanique et tant d’autres disciplines.
Il a rendu l’âme le 21 février 2020 à l’âge
de 65 ans suite à une longue maladie. Né au village Ath Vouali,
relevant de la commune Ath Mansour, à l’est de la wilaya de Bouira,
Salah a poursuivi ses études primaires au village voisin de Beni
Mansour, dans la wilaya de Béjaïa, puis au collège
Mouloud Feraoun, à Akbou, dans la même wilaya.
Après l’obtention de son brevet, il
intègre le lycée El Hamadia, toujours à Béjaïa. «Il était un brillant élève», dira Youcef, le frère du défunt. «Il avait une passion pour la
musique dès son jeune âge. Il avait fabriqué sa première guitare à partir d’un
bidon métallique et des fils des câbles de freins des vélos et ceux des cannes
à pêche.
A la maison, il nous a tous initiés à la
guitare. Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans qu’il a pu acheter son propre
instrument», rajoute-t-il. Une fois le baccalauréat obtenu,le jeune Salah rejoint l’Ecole normale
d’instituteurs à Constantine de 1975 à 1976. Ensuite, il a fait une courte
carrière dans l’enseignement de la langue française au collège Mouloud Feraoun,
à Akbou.
En parallèle, il donnait des cours de
musique au niveau de la maison de jeunes de la même ville, tout comme il
participait à des festivités et galas artistiques. «Il avait aussi fréquenté le
conservatoire de musique de la ville de Béjaïa où
il s’est fait des amitiés. Il allait souvent rendre visite à son ami, le défunt
artiste Djamel Allam», se souvient encore Youcef.
En 1983, le futur maestro quitte donc
l’Algérie pour s’installer en France. Mélomane qu’il était, il intègre l’année
suivante le Conservatoire de musique de Fontenay-le-Comte comme élève pour
découvrir la guitare classique. Il se détourne néanmoins de celle-ci pour se
consacrer exclusivement à la maîtrise de la guitare flamenca, qu’il finit par
enseigner à titre privé.
Toujours en France, Salah avait participé
à des stages de musique organisés par Robert J. Vidal, fondateur du concours
international de guitare, directeur artistique des Rencontres internationales
de la guitare à Castres (France), au cours desquels il put travailler avec des
maîtres andalous du flamenco, tel Manolo Franco en particulier. «Il avait
participé à des concours internationaux de musique dont ceux de guitare, que ce
soit en Espagne ou ailleurs. En 1990, il a pu décrocher le titre de Maestro en
Argentine. Il m’avait révélé que le processus de sélection des candidats était
très rigoureux», précise Youcef. En France, Salah Gorri avait aussi révolutionné le capodastre, un appareil
qui se fixe sur le manche d’une guitare et qui permet de modifier la tonalité
de l’instrument. Il avait aussi inventé la machine pour la fabrication de
l’appareil, comme le mentionne un article du journal Ouest-France datant du 13
juin 1998. De retour en Algérie en 2003 après vingt ans d’absence, le maestro
passait la majeure partie de son temps dans son village natal à Ath Mansour. Au
fil des années, il s’est révélé un fin connaisseur de
l’histoire de la musique flamenco, lui qui ne rate aucune occasion pour
rappeler les origines berbères de cette forme musicale. C’est lui qui disait
que la granaina, thème flamenco de Grenade en
Espagne, dont les composantes ont, comme source originelle et principale le
chant de femmes kabyles qui remonte aux temps immémoriaux remontant au
néolithique. (Ici il s’agit de la version chantée par la grande Hnifa dans Semhagh-ak a mis t murtth agwikl ghorba thruhedh
(trémolo dans la pièce).
Salah Gorri
s’est consacré aussi à la production musicale. Il avait composé des dizaines de
mélodies. Cependant, il n’a enregistré que deux CD en studio contenant 11
titres, dont Larmes de Boabdil, Soledad Morisika, Babor Tarik, Kabylie, Djerdjer,
Alegria, Granada, La Seriguia, etc.
Depuis la disparition du maestro,
plusieurs initiatives ont été lancées, que ce soit à Ath Mansour, à Tazmalt (Béjaïa) et ailleurs,
pour lui rendre hommage. Cependant, en raison de circonstances exceptionnelles
que traverse le pays, toutes les festivités ont été remises à des dates
ultérieures.