VIE POLITIQUE- PERSONNALITÉS- HOUARI BOUMEDIENE (COMPLÉMENT)
De la médersa El Katania au leader du
tiers-monde (Extraits)
Houari Boumediène
©Par Boudjemâa Haïchour, Chercheur
universitaire ; ancien ministre/El Watan, lundi 28
décembre 2020
(…………………….) Mohamed
Boukharouba (Houari Boemediene)
est né le 23 août 1932 dans le village appelé Héliopolis.
Sa famille a migré au temps
d’El Mokrani de la tribu des Béni Foughal,
fraction des Béni Ouarzeddine de Jijel vers Guelma.
Il est l’un des sept enfants qui mémorise les versets du Coran et lui
permettront à l’aide de ses parents de poursuivre les études d’arabe avec comme
objectif de rejoindre la Zaïtouna, puis l’Université
d’El Azhar echarif.
Dès sa prime jeunesse, il
sera marqué par les tragiques événements et massacres perpétrés par les forces
coloniales en mai 1945 pour réprimer le soulèvement de les populations de
Guelma, Sétif et Kherrata qui vont aiguiser la
conscience politique du jeune Mohamed Boukharouba, en
adhérant au MTLD à Constantine.
Il quitte la médersa El Katania pour ne pas faire son service militaire et fuit
clandestinement avec son ami Chirouf en Tunisie, puis
en Libye pour se fixer enfin au Caire.
Dans cette ville
pharaonique, il va s’inscrire pour suivre les études de la prestigieuse
Université d’El Azhar, où il se lie avec des officiers nationalistes égyptiens
dirigés par Gamal Abdel Nacer qui vont renverser le
roi Farouk en juillet 1952 et proclamer la République. Dès le déclenchement de
la Révolution du 1er Novembre 1954, Mohamed Boukharouba
interrompt ses études et commence une formation militaire qui le prédispose
avec un commando chargé par les représentants de la Révolution de mener à bon
port les armes destinées aux maquisards de l’Oranie
en février 1955. Il prendra le pseudonyme de Houari Boumediène
en référence aux saints patrons : Sidi Houari à Oran et Sidi Boumediène de Tlemcen. Sous les ordres de Mohamed Boudiaf,
puis celui de Abdelhafid Boussouf. En novembre 1957, Houari Boumediène
succède à Abdelhafid Boussouf
à la tête de la Wilaya V avec le grade de colonel. Alors chef d’état-major, il
entre en conflit avec le GPRA.
En septembre 1962, le
président Ben Bella le nomme en mai 1963 dans son premier gouvernement comme
ministre de la Défense nationale et deviendra vice-président du Conseil des
ministres avec maintien du poste de ministre de la Défense nationale. Suite à
un désaccord, les deux hommes vont se séparer. Et c’est Ben Bella qui va être
renversé. Houari Boumediène devient chef d’un Conseil
de la Révolution composé de 26 membres le 19 juin 1965.
Le 27 décembre 1978, Boumediène décèdera suite à une maladie dite de Waldenström. Il restera des membres du Conseil de la
Révolution que huit (suite à des décès, destitutions ou démissions)(……………………………………………………..) Le Conseil de la Révolution qui
légiférait par décrets et ordonnances avait la responsabilité de contrôler les
différentes étapes de reconstruction n’a pas pu réaliser ce challenge. Les
Assemblées élues, APC en 1967, APW en 1969, en tant que cellules de base de la
construction de l’Etat vont buter sur des problèmes de gouvernance locale par
manque de managers et seront encadrées par des commis de l’Etat, soucieux de
leurs prérogatives en tant que représentants nommés.
La Révolution industrielle
avec ses cinquante usines clés en main n’a pas pu aussi réaliser le décollage
économique attendu tel que conçu par Destanne de
Bernis, Les industries industrialisantes, n’a servi
que pour régler un problème de «chômage déguisé».
Quant à la Révolution agraire dont le président Boumediène
voulait changer l’esprit du gourbi avec le mode de vie plus décent, le fellah a
été fonctionnarisé, confiné à des heures de travail de la Fonction publique.(………………………….) .. Le 4e Sommet des pays non-alignés va
donner au président Boumediène un tout autre
charisme, surtout la revendication d’un Nouvel Ordre économique mondial.
(………………………………….° Le président Boumediène est un
personnage difficile à déchiffrer. Il avait des convictions proches de son
peuple. S’il faut écrire l’histoire, Boumediène avait
eu l’intelligence de dépasser ses maîtres, en particulier Abdelhafid
Boussouf. Les questions palestinienne et sahraouie
faisaient partie de la solidarité avec les peuples qui luttent pour leur
indépendance.
Cette stratégie, il l’a
évoquée durant les cinquante heures pendant cinq années d’interviews qu’il
avait données à Paul Balta et Claudine Rulleau dans
l’ouvrage « La Stratégie de Boumediène ». (………….)
Boumediène a laissé une image d’un homme sobre,
pudique.
Il est un personnage discret, fier et efficace. Comme tout homme politique,
l’ambition se mesure aussi à un côté autoritariste. Il est proche du peuple,
«généreux mais exigeant».
Boumediène a de la
dignité, et comme le décrivent Paul Balta et son épouse, «il a des intuitions
spontanées aux analyses argumentées, de l’incantation à l’action, de la
dénonciation des situations iniques à l’organisation de la lutte».
En 1978 lors de notre
rencontre avec lui en tant qu’instance de l’Union de la Jeunesse, il est resté
avec nous plus de sept heures pour nous parler de la géopolitique du moment
avec un esprit visionnaire. Nous avons été surpris de le voir parler, lui au
regard perçant, dans un bon français dans ce cadre restreint, lui qui nous
donnait plaisir à écouter ses discours lors des meetings. Il nous a habitués
avec une langue arabe, qui n’a rien de moyen-orientale, avec des intonations de
la langue populaire de chez nous. En ce qui concerne les relations avec la France,
Boumediène répondant à une question de Paul Balta :
«On ne peut ignorer le poids de l’histoire. Entre la France et l’Algérie, les
relations peuvent être bonnes ou mauvaises, en aucun cas elles ne peuvent être
banales.»
Quant à l’APN après un
moment de réflexion, il lui répondait : «Contrairement aux APC et APW, l’APN
sera notre vitrine intérieure et extérieure ; je ne voudrais pas qu’elle soit
la vitrine de nos divisions et de nos régionalismes.» Alors que Paul Balta
venait d’être affecté par son journal en Iran, Boumediène
a insisté pour qu’il continue en Algérie. «Alors, lui dit-il, au début de 1979,
nous allons tenir un grand Congrès du FLN où nous devons dresser notre bilan et
passer en revue ce qui est positif et surtout, lui dit-il, examiner les causes
de nos échecs tout en rectifiant nos erreurs et définir les nouvelles options.
Vous êtes témoin de notre expérience, le mieux placé pour juger des évolutions
et en rendre compte». En ce moment, Balta lui a posé quelques questions :
«Envisagez-vous d’ouvrir la porte au multipartisme ? D’accorder plus de place
au secteur privé ? De libéraliser la presse ?
De faciliter l’organisation
du mouvement associatif ?»
La façon avec laquelle il
avait souri, dira Paul Balta, laissait deviner une approbation. Puis ces
derniers mots à Balta : «Vous êtes le premier à qui j’en parle, je ne peux être
plus explicite pour le moment, mais faites-moi confiance, vous ne serez pas
déçu si vous restez». Il reste que le président Boumediène
a nationalisé les hydrocarbures un 24 février 1971 et : «On ne peut aller au
paradis le ventre creux» ; déclaration de la Conférence islamique de Lahore.
Il parvient en 1975, lors
du sommet à Alger de l’OPEP réunissant le Cartel pour réguler la production en
vue d’obtenir les prix les plus hauts possibles pour financer les pays
producteurs.
C’est dans ce cadre aussi
qu’il arrive à obtenir la paix entre l’Iran du Shah et l’Irak de Saddam. Boumediène organisera le Sommet des pays non-alignés à
Alger en 1973 et participera à une réunion spéciale de l’Assemblée générale de
l’ONU sur les matières premières d’où il préconise le Nouvel Ordre économique
mondial. C’est durant l’année 1973 qu’il épousera une jeune avocate du barreau
d’Alger, Anissa Mansali,
qui partagera sa vie jusqu’à sa mort………………………………………