VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ESSAI BENALI EL HASSAR- « LES NADIS DE TLEMCEN…. »
Les Nadis
de Tlemcen.Des noms et des lieux à l’aube du XXè siècle. Essai de Benali El Hassar, Anep Editions, 2019, 239 pages (dont un cahier photos
de 14 pages.???? dinars (non indiqué en p 4 de
couverture)
C’est un peu l’histoire de Tlemcen mais c’est, aussi ,
l’histoire de toute une région, de tout un pays à travers le mouvement des
« Jeunes » politisés - à Tlemcen , peut-être bien plus qu’ailleurs –
lesquels , dans leurs nombreux cercles ou nadis de la
ville , porteurs d’idées neuves, épris de connaissances ,au cœur de
problématiques modernes,ont permis – s’opposant
parfois sinon souvent aux « anciens », mais en toute démocratie - la
libération de la parole .
Les «Nadis » : des
refuges presque effacés de notre histoire, alors qu’ils représentent un moment
clef de la politisation et de l’apport des idées nouvelles des
« Jeunes ».
Rien qu’à Tlemcen, il y en eut plusieurs au début
du XXème siècle: du salon littéraire au nationaliste et au progressiste en
passant par le néo-conservateur, l’identitaire, le
communiste, le religieux conservateur, le libéral, le patriotique……retrouvés
parfois dans d’autres villes du pays (exemples de Constantine
,Alger…..)…..tous encore aux noms flamboyants. Bien sûr, cela
avait été facilité par l’existence d’un circuit ancestral, celui des « masriya », lieux mythiques séculaires, îlots au cœur
de chaque quartier de la vieille médina où l’on se réfugiait entre soi offrant
traditionnellement le cadre de rencontres où le moindre fait du jour, la
moindre parole est traquée, le soir, à l’instar des autres lieux
mythiques comme les « fondouks » et les petites sociétés
de groupe dans les cafés.
Plusieurs fortes personnalités vont émerger , prenant une part active à la création des
premières cellules de l’Ena puis du Ppa…..premiers frémissements du mouvement révolutionnaire.
De la politique, toujours sous couvert de littérature, d’art, de sport , d’actions caritatives car ,toujours sous l’œil
vigilant de l’administration coloniale prêt à la répression et à l’interdiction
au moindre faux-pas détecté. La représentation d’une véritable société
civile indépendante. Tout un art perdu au début des années
60…. balayé par la « pensée unique » du parti
unique.
A noter que l’ouvrage met en relief l’action d’un
personnage culturellement et journalistiquement
flamboyant de la première moitié du XXè siècle , Benali Fekar
(juriste, économiste, politologue…, bardé de diplômes) ,ainsi d’ailleurs que
son frère Larbi (instituteur) …..qui créèrent à Oran
(le 3 juin 1904) le premier journal Jeune Algérien, « El Misbah » (La Lanterne ou Le Flambeau)……un organe
de presse défendant les libertés comme un symbole de la libération des peuples.Un journal qui fut, peut-être le premier non
« officiel » , non « indigénophile »,
non un « instrument » du pouvoir colonialiste , et
surtout le premier à revendiquer le nom d’ « Algériens », ,avec
une ligne éditoriale axée sur « l’instruction, fer de lance pour la
libération de l’homme algérien ». Il cessera de paraître le 17
février 1905 après trente quatre numéros.
L’Auteur : Né à Tlemcen en 1946. Journaliste,
ancien responsable du bureau Aps de Tlemcen.Auteur de plusieurs essais politiques et
historiques. Nombreuses contributions dans la presse
Extraits : « Le temps des
« Jeunes » avait ses similitudes partout dans les milieux de la
nouvelle génération post-colonisation en Egypte, en Tunisie…..Les cercles
faisaient partie du quotidein, des vieilles médinas.Le temps des cercles fut considéré partout comme un
grand moment de résurrection dans les pays arabes sous hégémonie occidentale ,
c’est-à-dire interdits d’institutions représentatives permettant l‘accès à la
parole politique » (p 59), « La chronique des « nadis » a marqué de son sceau un stade
d’évolution dans la société.Elle créa une
atmosphère politique et intellectuelle donnant la chance à de nombreux talents
d’émerger dans les domaines de l’art et de la littérature » (p 77),
« Cette génération nouvelle , autrement formatée, qui avait l’obsession du
temps, de la rigueur morale et de la rationalité, commençait à avoir un nouveau
regard sur l’islam, desserrant l’étau des conformismes et réinventant l’esprit critique.Au milieu d’un puritanisme ambiant, elle était
favorable à une réinterprétation des principes juridiques fondamentaux à
la lumière des temps modernes « (p 95)
Avis :Un travail de recherche et
d’investigation minutieux et riche qui recrée toute une atmosphère, qui
redonne vie à toute une époque….et qui rend justice aux efforts culturels et à
l’engagement politique de toute la jeunesse d’alors. Ecriture un peu difficile,
mais ne pas se décourager.
Citations : « Dominant la langue, les
concepts à forte connotation idéologique : « assimilation »,
« émancipation »….n’ont cessé de changer de sens, installés
progressivement dans l'argumentation idéologico-politique coloniale
.Transformées en symboles, ces thèmes ont été utilisés pour donner des habits à
la colonisation »(p 9), « La mouvance des « Jeunes »
dans les cercles n’était pas une force organisée, mais une sensibilité
innovante, un peu révolutionnaire, par rapport à l’esprit encore trop
conservateur de l’époque » (p 53), « La modernité recherchée est
celle qui libère l’homme et lui donne une identité nouvelle à travers
l’expression de sa dignité, son savoir, son humanité orientée vers le progrès,
dans le paysage contemporain novateur » (p 154), « La religion
musulmane ne s’oppose pas au progrès…..le seul et unique obstacle consiste en
l’ignorance profonde dans laquelle sont plongés les musulmans depuis plusieurs siècles.C’est cette ignorance qui est la source de tous
leurs maux » (p 188. Benali Fekar cité , in « L’usure en droit musulman », Lyon
1908)