COMMNICATION-OPINIONS
ET POINTS DE VUE- SITES ELECTONIQUES D’INFORMATION- DECRET 22/11/2020
Le décret sur la presse électronique, une
inquiétante régression
©Par Djaafar Said, www.24hdz.com, mercredi
9/12/2020
Contrôler, surveiller, empêcher, limiter,
entraver… Tous les verbes qui accompagnent l’autoritarisme, voire le
totalitarisme, sont valides pour qualifier le Décret exécutif n° 20-332
du 22 novembre 2020 fixant les « modalités d’exercice de
l’activité d’information en ligne et la diffusion de mise au point ou
rectification sur le site électronique. »
Le
décret exécutif, publié au journal officiel et signé par le Premier ministre,
Abdelaziz Djerad équivaut tout simplement à une
interdiction, absurde, d’une presse électronique indépendante. Presque tous les
articles sont en effet rédigés dans un esprit hostile avec des dispositions
destinées à assurer l’allégeance en contrepartie d’un droit d’exister.
Dans
le passé, des journalistes avaient – absolument à tort – qualifié de
« code pénal bis » la loi n° 90-07 du 3 avril
1990 relative à l’information du gouvernement réformateur de
Mouloud Hamrouche. C’était pourtant une loi marquée
par un esprit d’ouverture et de rupture avec le journalisme de service et de
connivence qui avait prévalu jusque-là.
Aujourd’hui,
la lecture de ce décret, préparé par le ministre de la communication – et
auquel M.Djerrad a pris le risque d’associer
son nom- permet de voir réellement ce que c’est un « code pénal
bis ». Le Premier ministre est un politologue -c’est-à-dire un homme
censé comprendre que les retours en arrière sont contre-productifs et dangereux
-, il est difficile de saisir pourquoi il signe un texte où la vision
sécuritaire et répressive s’étale de manière expressive.
Certes
en Algérie, les « sachants » arrivent au
pouvoir dans le cadre d’un régime fermé et autoritaire et ils fonctionnent,
généralement, sur la base du principe d’obéissance. On s’attend néanmoins
de ceux qui disposent de connaissances dans un domaine particulier du savoir à
ce qu’ils s’attèlent à modérer les compulsions liberticides de ceux dont la
vision est bornée.
Cela
ne relève pas de la naïveté. Des hommes au sein du régime ont veillé par le
passé à ne pas insulter l’avenir. Ils se sont refusés
à jouer les Torquemada contre les aspirations puissantes – qui s’expriment
depuis au moins octobre 1988 – de la société algérienne à la liberté et à la
démocratie.
La régression du
brainstorming du pouvoir
On
peut comparer désormais entre l’esprit, ouvert, de la loi relative à
l’information de 1990 et celui de ce décret qui vise tout simplement à rendre
impossible toute presse électronique indépendante. Cela donne une idée de
l’ampleur de la régression dans le « brainstorming » du pouvoir qui, face
à la révolution technologique en marche et aux demandes fortes de changement,
croit pouvoir, en 2020, retourner vers des gestions surannées, dépassées et
contre-productives.
Face
à la machine du pouvoir, l’intelligence des individus a réussi parfois à
fonctionner dans le passé en Algérie. Aujourd’hui, elle se soumet, totalement.
Au risque, avec ce décret, de ne laisser que des médias électroniques soumis
que personne ne lit et qui seront surtout des sources de moqueries sur les
réseaux sociaux. Ce n’est pas en tout cas dans ces médias lénifiants que les
Algériens iront s’informer. Ceux qui sont au pouvoir le « savent » mais
ils persistent dans une logique absurde.
Comme
l’a écrit, Nadjib Belhimer,
après l’énième blocage de site électronique, le pouvoir sait
que cela n’empêche pas les gens d’accéder aux contenus via le VPN. Tout comme
il révise les constitutions et organise des élections alors qu’il sait que cela
ne résoudra pas la crise.
«C’est une mécanique qui se déploie à chaque fois que les conditions de
la crise sont réunies. Cette mécanique est la réponse du pouvoir et peu importe
le niveau et les convictions des personnes qui sont dans les postes de
décisions. Dès qu’il prend le poste, le responsable devient une simple pièce
d’une machine rouillée, résidu d’une ère révolue. Cela vaut aussi bien pour
l’illettré qui occupe le poste en qualité de « moudjahid » que pour
le professeur justifiant son naufrage par un discours « nationaliste »
qui suscite les moqueries des élèves du primaire. Nulle différence entre un
homme instruit et un illettré, entre celui qui se considère comme un fidèle
serviteur de l’Etat et celui qui arrive au poste avec une faim enracinée…. Tous
sont au service de cette machine rouillée, ils en sont les carburants ;
ils sont dans une mission qui les mènera, en définitive, dans une zone sombre
de l’histoire ».
Cette machine entrave le pays, elle n’arrêtera pas cependant sa marche.
Mais, une fois de plus, on est obligé de prendre acte, avec ce nouveau mauvais
signal, du fait que l’intelligence a déserté le pouvoir.