RELATIONS INTERNATIONALES- OPINIONS ET POINTS DE VUE- RAHABI
ABDELAZIZ/LSA DIRECT , JEUDI 10/12
Jeudi 10 décembre 2020, Hakim Laâlam
accueillait l’ancien Abdelaziz Rahabi. Il a été
question de sécurité, de relations extérieures et de politique intérieure lors
de cette nouvelle édition de «LSA Direct». Interrogé sur le rôle de l’Armée
nationale populaire en cette période de fortes tensions au Maghreb et au Sahel,
l’ancien diplomate a confirmé que l’appel à la mobilisation lancé dans le
dernier éditorial d’El Djeïch est parfaitement
justifié. «L’Algérie est encerclée, c’est une réalité. Il y a implication
directe de puissances étrangères à nos frontières. Cela est largement suffisant
pour sonner la mobilisation», a-t-il souligné.
Selon Rahabi, il est du ressort de l’ANP d’attirer
l’attention de la société algérienne au sujet des menaces qui existent dans
l’environnement direct du pays. «On parle beaucoup de l’armée en raison de son
implication en politique. L’armée est une institution permanente de la
République, elle n’est pas conjoncturelle. Donc l’ANP a pour mission d’assurer
la défense de l’intégrité territoriale, la paix et de la sécurité du pays. Mais
elle a également la mission de consolider et d’affiner le lien avec le peuple.
C’est valable pour toutes les armées du monde.
Le peuple doit s’identifier à son armée en termes de protection du pays et
l’armée doit s’identifier au peuple car elle doit diffuser la sérénité et
absorber les inquiétudes de la société dans des situations conflictuelles.
Aujourd’hui, nous sommes face à une situation conflictuelle difficile. Nous
avons des conflits à nos frontières. En Libye, au Mali, il y a la tension
permanente avec le Maroc.»
Stratégie de tension permanente
L’invité de «LSA Direct» a également expliqué que «les stratèges proches du
Maroc» soumettent l’Algérie à une «stratégie de tension permanente». «Cela a
pour objectif de conduire le pays à mobiliser son armée, à démultiplier les
budgets. Cette guerre d’usure vise à nous obliger à changer nos priorités.
Ainsi, au lieu de nous concentrer sur le développement, nous sommes tenus
d’aller vers l’armement.» Il a indiqué que la protection d’un pays aussi vaste
et qui dispose de plusieurs milliers de kilomètres de frontières «exige
beaucoup de moyens et une grande vigilance». À ce titre, il a précisé que
l’Algérie peut compter sur la Russie et la Chine, «deux pays avec qui nous
avons des relations militaires privilégiées. Des relations bâties sur la
confiance qui est la base des relations internationales».
À propos de la question du Sahara Occidental, Abdelaziz Rahabi
a précisé que le voisin de l’Ouest «ne peut bouger seul». «Le Maroc dispose
d’un soutien diplomatique direct et inconditionnel au Conseil de sécurité de
l’ONU à travers la France et d’un soutien financier à l’effort de guerre de la
part des pays du Golfe. Il a incontestablement joué la carte de la Palestine
avec Israël même s’il n’est pas allé jusqu’à la normalisation à cause de
résistances internes.» Donald Trump finira par
confirmer cette stratégie puisque quelques heures après la diffusion de cette
émission, le Maroc procédait à la normalisation avec Israël contre la
reconnaissance par les États-Unis d’Amérique de la «marocanité» du Sahara
Occidental.
Revenant aux fondamentaux de ce conflit, il a rappelé que «le Sahara Occidental
est une question de décolonisation». «Il est important de rappeler que lorsque
l’Algérie a repris ses relations avec le Maroc, ce dernier s’est engagé à
organiser un référendum d’autodétermination dans les plus brefs délais. Le
référendum est l’expression de la volonté des peuples. Puis le statu quo s’est
installé et il a duré.
Le Maroc occupe le terrain et profite des richesses. Les Sahraouis continuent
de vivre un statut de réfugiés en Algérie. À ce titre, je dois dire que j’ai lu
l’interview de l’ancien Président tunisien Merzougui
qui me paraît tout à fait scandaleuse. Il ne reconnaît pas aux Sahraouis le
droit d’avoir un État sous prétexte qu’ils ne sont que 200 000.
Je connais beaucoup de pays, y compris dans le monde arabe, qui ont moins de
200 000 autochtones. Il est désolant qu’un ancien Président tienne un discours
qui relève de l’anthropologie coloniale», note Rahabi.
Hakim Laâlam fera d’ailleurs remarquer que «ce n’est
pas la seule infamie de Merzougui».
Sous-représentation diplomatique
Interrogé sur la relation entre l’augmentation subite des tensions contre
l’Algérie et l’absence du Président Abdelmadjid Tebboune,
l’ancien ministre de la Communication a relevé les dangers de la «sous-représentation diplomatique». «On m’en a voulu d’avoir
dit que l’Algérie avait un problème de sous-représentation
diplomatique pendant la maladie d’Abdelaziz Bouteflika.
La réalité est qu’un pays est représenté par son chef de l’État. Je vous cite
un détail technique : durant un sommet ou une conférence, lorsqu’un chef d’État
est absent, son représentant n’a pas le droit d’assister aux réunions à huis
clos. Il n’a donc pas accès au processus de prise de décision. C’est ce qui
s’est produit durant la maladie de Bouteflika. Je ne souhaite pas que notre
pays retrouve la situation que nous avons connue sous l’ancien Président. Mais
il faut le dire, c’est une des tares du système politique algérien qui
concentre tous les pouvoirs aux mains du chef de l’État», a-t-il insisté.
L’absence du Président Tebboune est également
problématique sur le plan interne. Rahabi a fait part
de la préparation d’une «nouvelle initiative politique» qui ne sera dévoilée qu’à
son retour. «Il y a en ce moment des initiatives mais nous préférons attendre
que le président de la République revienne pour les lancer car elles sont
destinées à relancer la vie politique», révèle-t-il. Pour lui, il est
inconvenant et inutile de faire une proposition politique en l’absence du chef
de l’État. Il affirme, cependant, être contre la marginalisation des partis
politiques. Abdelaziz Rahabi envisage-t-il de lancer
son parti ? L’invité de «LSA Direct» répond avec un large sourire : «Je regrette
de ne pas avoir la culture du parti politique. En Algérie, on a toujours
interdit aux militaires, aux diplomates et aux magistrats de militer dans un
parti politique.»
Dérive autoritaire
Celui qui a présidé la Conférence de l’opposition à Zéralda
de 2016 et celle de Aïn Benian en 2019 a dénoncé l’existence de dizaine de détenus
d’opinion dans les prisons algériennes. «Nous vivons une judiciarisation
de la vie politique. Le juge fait de la politique en Algérie, c’est lui qui
détermine les privations de liberté pour expression politique. Nous connaissons
une véritable dérive en matière de libertés individuelles et collectives.
Nous avons très peu retenu de l’indépendance. Nous avons juste retenu le fait
d’avoir chassé le colonisateur et oublié que c’était un combat pour la liberté.
Les Algériens ont besoin de s’exprimer librement dans un cadre légal. Seule la
loi doit donner des garanties aux Algériens. Ce n’est pas aux politiques, aux
hommes les plus influents, aux forces organisées ou informelles à donner des
garanties aux citoyens. Malheureusement, il y a des dérives autoritaires chez
nous sur la question des droits de l’Homme.»
Abdelaziz Rahabi a affirmé ne pas être «très sensible
à ce qui se dit sur l’Algérie à l’étranger » mais être «plus sensible à la
demande interne en matière de libertés fondamentales».