EDUCATION –PERSONNALITES- BENSEDIRA BELKACEM
Il est né en 1845 à Biskra. Il est
décédé et enterré en 1901 à Alger. Il fut le premier à s’intéresser et à faire
des études sur les langues algériennes, toutes les langues algériennes sans
distinction de statut juridique ou social.
En 1866, il devint à l’âge de 21 ans professeur à l’École normale d’Alger
et contribua ainsi à la formation des premières élites
algériennes dont notamment le berbérisant et/ou
berbériste Said Boulifa.
Il fut aussi
le premier chercheur algérien à avoir inauguré les études linguistiques sur le
berbère au 19ème siècle. Bref, il est peut-être le premier érudit algérien des
temps modernes. L’homme dont il est question ici est Belkacem
Ben Sedira. Cet intellectuel natif de la reine des
Ziban ne cesse, après plus d’un siècle de sa disparition, de fasciner par
l’œuvre qu’il a léguée à la postérité. Les
études qu’il a menées sur les langues algériennes notamment l’arabe dialectal
et le berbère suscitent en effet l’étonnement. Surtout que ces deux langues
furent longtemps minorées et négligées avant qu’elles ne connaissent, à l’aube
du 21ème siècle, un regain d’intérêt et une réelle valorisation.
Les recherches qu’il a faites sur les langues ont permis en effet de
sauvegarder un patrimoine algérien des plus riches dans la mesure où il est à
la fois ethnologique, linguistique, littéraire et culturel. En plus, l’homme
s’est intéressé, sans distinction ni parti pris, à toutes les langues
algériennes : l’arabe littéraire, l’arabe dialectal, le berbère à travers ses
travaux sur la variante kabyle. Il n’en a occulté aucune.
La reconnaissance institutionnelle de tamazight et
l’intérêt grandissant que suscite, depuis quelque temps, l’arabe dialectal
avec, en sus, des appels de linguistes – tels que Abdou Elimam
– et de nombreux pédagogues pour valoriser cette langue et l’introduire dans le
champ de l’éducation, sont autant d’indices qui dénotent que Ben Sedira était d’un esprit visionnaire et son œuvre
constituait une véritable réflexion prémonitoire sur ce qu’adviendra des
ambitions futures de son peuple. D’aucuns pourraient toutefois contester
l’apport de l’homme dans la mesure où son œuvre ne serait motivée, peut-être,
que par des injonctions de l’administration coloniale de l’époque. Elle ne
sous-tendrait donc aucune volonté sincère tendant à sauvegarder et promouvoir
un quelconque héritage culturel et linguistique. Pis encore, ses travaux et recherches
viseraient, selon eux, à aider seulement les occupants français à communiquer
dans les langues des indigènes pour mieux les asservir.
Mais qui est Belkacem Ben Sedira ? Qui est cet intellectuel et néanmoins précurseur
des études linguistiques en Algérie ? Comment est-il parvenu, en ces temps où
l’Algérien ne connaissait que zaouïa et planchette coranique pour s’instruire
ou plutôt s’alphabétiser, à faire des études approfondies et à fréquenter de
prestigieuses écoles telle que l’Ecole normale de Versailles
(1860-1863) ? Comment a-t-il réussi, lui l’homme des oasis, à explorer les
sentiers tortueux de l’ethnologie, de la linguistique berbère et de la
littérature arabe ? Ce sont là autant de questions qui méritent d’être mises au
clair. Pour ce faire, il est intéressant de revenir sur la vie de l’homme en
remontant à l’époque de son enfance. Le but étant bien entendu de comprendre
les conditions de cette réussite fulgurante et surtout les circonstances qui
ont mené l’homme de Biskra à Paris avant de revenir au pays pour s’établir
enfin à Alger où il exerça comme professeur à l’école normale jusqu’à sa
disparition en 1901. Cette biographie pourrait éventuellement nous renseigner
beaucoup plus sur l’homme en vue d’éviter toute affabulation mensongère et tout
jugement de valeur. Belkacem Ben Sedira
est venu au monde dans le tumulte. Il est né en effet une année après la prise
de Biskra par les forces coloniales sous la houlette du duc d’Aumale le 4 mars
1844. On peut donc imaginer l’enfance difficile qu’il a eue en cette période
ayant suivi la conquête de sa région. Période où tueries, razzias,
insurrections et résistances faisaient le quotidien des populations.
L’insurrection des Zâatcha (1848), la révolte de Si Sadek Ou lhadj (1858) sur les
monts d’Ahmar Khaddou, une zone située à quelques
encablures de la ville de Biskra, sont autant d’épisodes qui devaient sans
doute marquer son enfance. Ces faits d’armes témoignent également que sa région
n’a pas abdiqué face aux nouveaux occupants français. Elle leur a, au
contraire, livré une farouche résistance en consentant de grands sacrifices à Lichana, M’Chounèche, Seriana et dans de nombreux villages et douars de la région
des
Ziban
.Belkacem Ben Sedira, c’était
peut-être l’homme, qui n’a rien laissé d’informations ni sur lui ni sur sa
famille, refuse ainsi de se confiner dans une quelconque culture régionaliste
ou un quelconque carcan clanique. Par l’œuvre plurielle qu’il a laissée, il
veut seulement être algérien et appartenir uniquement à l’Algérianité.
Dans ce
registre, un homme politique bien connu disait, dans les années 1990, qu’un
acte de naissance n’est pas un programme politique. En effet ce document
attestant notamment le lieu où l’on est né, ne peut se substituer en un
quelconque projet de société. Il ne doit pas non plus se transformer en un
enclos ou un rempart derrière lequel l’on s’abrite pour rejeter l’autre et
promouvoir la culture du clan, de la haine et d’exclusion. Dans notre pays
malheureusement, nous n’avons pas encore atteint ce degré de conscience. Tout
le monde vous dira par exemple, y compris les antagonistes de la question
identitaire, que toutes les cultures se valent, que toutes les langues (Arabe
littéraire, Arabe dialectal et Berbère) constituent un patrimoine appartenant à
tous les Algériens. Tout le monde le dit en effet aujourd’hui, mais est-ce pour
autant que tout le monde le pense ? Il ne suffit donc pas de le dire, il faut
surtout le penser. Belkacem Ben Sedira
ne l’a peut-être jamais dit ; mais, lui, il l’a pensé et l’a fait. Et c’est
tout à son honneur !