POPULATION-BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ROMAN HAJAR BALI- « ECORCES »
Ecorces.
Roman de Hajar Bali. Editions
Barzakh, Alger, 2020, 273 pages, 900 dinars
On a l’arrière grand-mère, « Son
Altesse » Baya, 95 ans, la matriarche….puis la grand-mère, Fatima , la bru
chérie choisie dès l’enfance et élevée pour ce faire , devenue veuve (du chahid
Haroun –Vincent (lisez , vous comprendrez….les dégâts collatéraux de la guerre
), un fils adoré, menuisier et surtout poète
puis Meriem (dont l’époux Kamel , un « naïf » qui s’est
retrouvé en prison pour longtemps , durant la décennie rouge, pour avoir fait trop confiance aux
« barbus » du quartier qui se sont servis de sa menuiserie pour
cacher des armes) et , enfin, l’arrière petit-fils, le chéri et le protégé de
toutes ces dames, Nour, 23 ans, étudiant en mathématiques , plein de vie et
surtout d’espoirs….. d’une « autre vie » …..qui
ne sait plus où donner de la tête pour s’échapper….d’un appartement de plus en
plus exigu et, surtout, de la surveillance serrée de ces dames……..Ce n’est pas
fini : il y eut aussi Mayssa…..la maîtresse cachée et premier (et
unique ?) amour de Kamel, une musicienne
libre de toutes attaches, celle qui , bien
qu’enceinte, avait été rejetée par Baya et ses « filles ».…..
Kamel est le père de Nour mais aussi
de Mouna, la fille naturelle à
« l’inquiétante étrangeté » . Nour et Mouna
(la demi-sœur) se rencontrent et
sympathisent. Nour est (presque) amoureux. Mouna « l’aime
bien » . Mouna sait et cherche à mieux connaître
cette famille qui avait rejeté sa mère mais Nour ne le sait pas…..Quand il comprendra , comme
d’ailleurs Baya et les autres , il est trop tard…Mouna , elle, a tout compris
et ne cherchant plus à se venger, choisit de s’éloigner….
Un récit labyrinthique qui décortique une vie
familiale en apparence linéaire et lisse mais qui reste enfermée ,depuis la
colonisation , plus d’un demi siècle
après l’ élimination de celle –ci , dans la mémoire et le bloc familial ,
rejetant et faisant rejeter par les plus jeunes – matheux ou pas matheux, à
Alger ou pas -, toute tentative d’indépendance ou de simple autonomie. Un
morceau de société à l’image de la vie politique ?
L’Auteure : Née en 1961, enseignante de mathématiques
(Alger).Dramaturge, déjà auteure d’un
recueil de pièces théâtrales et d’un recueil de nouvelles.En plus d’une
participation à un ouvrage collectif, « Alger, quand la ville dort » (Editions
Barzakh, 2010), un recueil de nouvelles accompagnées de photographies
Extraits : « On ne
s’endurcit jamais complètement, et lorsque les larmes viennent, elles font
voler en éclats les nombreuses couches dont on a voulu les
envelopper.L’étincelle fait ressurgir instantanément dans les mémoires une
série de faits malheureux, qui s’y étaient accumulés, et qui alors constituent
un tout indistinct, aux aguets, tyrannique » (p 30), « Il n’y a pas
de désert.Mais on avance plus vite là-bas .Je crois que c’est ce qu’il
faut chercher.A avancer plus vite.A embrasser l’univers.Vite.Avant que….Avant
que la lumière magnifique ne nous quitte »(p 213) , « Quand on vient
au monde, l’équation s’écrit. Nous nous agitons pour enlever des poussières
alors que le moindre mouvement, le moindre vécu, introduit des paramètres à
l’équation première.Elle s’épanouit, se renforce, finit par avoir raison de
nous.Ce que vivent les gens détermine ce qu’ils sont.On n’y peut rien » (p
230)
Avis :L’écriture
compliquée d’une histoire compliquée d’une
famille compliquée traversant l’histoire compliquée d’une société
compliquée dans un pays….de plus en plus
compliqué. Très belle couverture avec le détail d’un tableau de Baya….compliqué
pour le commun des lecteurs.Un roman qui a été nommé pour le Prix Mohammed Dib
2020
Citations : « Peut-être, le secret de la
longévité serait dans l’absence de désir, ou d’orgueil, ou de rareté des amis,
qu’il faut choisir avec parcimonie » (p 19), « Comme la
miséricorde de Dieu, l’amnistie est refusée aux plus faibles, aux moins
chanceux, aux moins quémandeurs.On absout les plus visibles, on oublie les
autres. L’exemple est ainsi donné, l’honneur de la nation est sauf.Les timides
ne parleront pas » (p 87), « Le monde se transforme sans
arrêt.C’est nous qui le freinons parce que nous nous donnons le droit d’en
stopper les contingences » (p 93)