HISTOIRE – BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
SUSAN ABULHAWA –« LES MATINS DE JÉNINE »
Les matins de Jénine. Roman de
Susan Abulhawa (traduit de l’américain par Michèle Valencia).Editions
Media-Plus, Constantine, 2008 (Usa : 2006, France : 2008), 422 pages,
1 050 dinars.
Préface de l’auteur .Extraits : « Bien que les personnages de ce
roman soient imaginaires, la Palestine , elle, ne
l’est pas.Pas plus que les événements et personnages qui apparaissent au fil du
récit …. », « L’affection et les encouragements de mes amis
m’ont aidée plus d’une fois à surmonter mes périodes de doute, surtout lorsque
les dettes et les refus de publication s’accumulaient »…………………………
Ein Hod……..un village fondé en 1189 par
un général de l’armée de Saladin …..Plus de quarante générations ayant vécu et
étant mortes dans ce village. Quarante générations de naissances, funérailles,
mariages, danses , prières et genoux écorchés…..de
péchés et de charité, d’inimitiés et de pactes, de pluie et d’ actes
d’amour…..de souvenirs, de secrets et de scandales gravés dans les mémoires.Une
architecture, des vergers, des puits,
des fleurs… Quarante générations , toutes englouties brusquement et
brutalement par la notion du droit d’un
autre peuple à s’installer dans un espace ainsi « libéré » et à le
proclamer sien…Un autre peuple , venu d’ailleurs, composé d’étrangers juifs
arrivés d’Europe, de Russie , des Etats unis et d’autres coins de la planète.
Toute une histoire « enterrée vivante », à partir de l’année
48. ..une année expulsée de « la liste des
années et des nations »
Ein Hod…1940-1948 : un village et une
famille heureuse…celle de Hassan Abulhedja et de Dalia….avec leurs enfants,
Youssef, Ismail et Amel. Une cohabitation tranquille ,
fraternelle entre les communautés.
12 décembre 1947 -1948 : Les
sionistes arrivent.Très bien armés…..le massacre va alors
commencer.Objectif : un véritable grand « remplacement »
programmé …. « de la Méditerranée au
Jourdain ! » Le petit Ismail,
âgé de six mois, disparaît….enlevé et
adopté par un couple de juifs récents immigrés et sans enfants. Le village va devenir rapidement un champ de
ruines.Le long cauchemar du peuple palestinien commence….et Ein Hod va se
peupler de peintres juifs venus de France et se bâtir une réputation de
« paradis secret ».
Puis le camp de réfugiés de Jenine….un autre
« dépotoir humain » comme tant d’autres jonchant la brève histoire
d’Israël…En fait des camps de prisonniers ne disant pas leur nom.
Puis, une incessante appropriation de la
terre palestinienne….ce que Amal appelait « l’impérialisme centimètre par
centimètre »
Puis, la départ
forcé vers Beyrouth, Jenine ayant été « vidée » de ses hommes…toute
la famille ayant été massacrée…… et Amal, orpheline envoyée à Jérusalem dans
une école privée ….Elle s’en ira ensuite aux Etats -Unis poursuivre de
brillantes études et deviendra Amy. Palestine oubliée à cause du « rêve
américain » ? Un peu, mais elle reste toujours hantée par l’amour de
parents trop tôt disparus (dont un jeune frère ….devenu Juif
,rebaptisé David ret élevé dans la haine des Arabes….mais qu’elle ne tardera pas à rencontrer ) et le
regret d’avoir « fui » sa Palestine.
Entre temps, c’est Beyrouth….puis les
massacres de Sabra et Chatilla…….
Le cauchemar va continuer. Amal
,citoyenne américaine, en visite
chez son frère Youssef, à Jenine (ce qui en restait, en 2002) , en compagnie
de sa fille Sara, est tuée par
un soldat israélien……
L’Auteure :Née en 1967 en Palestine.Parents dans un
camp de réfugiés de la guerre des Six-Jours, en Jordanie et dans la partie
occupée de Jérusalem-Est.Vit aux Etats Unis. Premier roman (Prix Best Books
Award 2007 , catégorie fiction historique)
Sommaire :Préface/Arbre généalogique/Prélude1/Al-Nakba/Al-Naksa/Zaman
ya Zaman/Al-Ghourba/ Qalbi fi Beirout/Baladi /Nihaya o Bidaya/ Glossaire/
Bibliographie
Extraits : “Hasbi Allah wa niamal wakil. Tout comme
les pays arabes qu’il maudissait, Yahya ne se porta pas au secours de ses
frères attaqués.En secret, il se disait
qu’Ein Hod serait épargné si les villageois ne « s’en mêlaient
pas » .Il croyait que l’offre de paix sincère faite par les
Palestiniens aux juifs assurerait la continuité de leur vie » (p
52), « N’importe quel réfugié du camp aurait pu raconter la même
histoire, celle de gens que l’on avait
dépossédés, dépouillés de tout ce qui faisait d’eux des être humains, puis
jetés comme des ordures dans des camps dont même les rats n’auraient pas voulu.
Privés de droits, de maison, de nation, tandis que le monde nous tournait le
dos, ou acclamait les usurpateurs qui exultaient en proclamant la création d’un nouvel Etat auquel ils avaient
donné le nom d’Israël » (p 115), « Pourquoi est-ce qu tu l’as
tabassé ?, demanda Amal. David baissa les yeux et tenta d’expliquer que la
force s’imposait à vous sans que vous la sollicitiez.Dès qu’on lui donnait
libre cours, elle se faisait elixir, et l’impunité vous procurait un frisson d’audace »
(p 159) , « Des autorisations spéciales étaient nécessaires pour se faire
soigner, pour exercer une activité commerciale , pour étudier à l’université,
de sorte qu’un individu se retrouvait avec une
pile de petits cartons roses,
jaunes et verts, froissés et déchirés par les doigts en sueur qui les
serraient, les déplaient, les vérifiaient et les repliaient » (p 174)
Avis :Formidable livre : Intense, beau, puissant,
brillant, émouvant, bouleversant, poignant, déchirant. A lire et à faire lire
sans délai……pour que les mentalités… de ceux qui ne savent pas ou ne veulent
pas savoir les souffrances du peuple palestinien ,
ceux qui doutent encore….. changent.Une fin heureuse…..un peu, à mon sens
« tirée par les cheveux »….avec une cohabitation tranquille …..une américaine, un israélien, un palestinien…. « vivant
en frères et sœurs »sous l’œil compréhensif de l’oncle David-Ismail….……aux
Etats Unis, en Pennsylvanie…. « dans une
monde sans occupation militaire et de liberté ». En Palestine, le
cauchemar continue.
Citations : « Un instant suffit à broyer un
cerbveau et à cahnger le cours d’une vie, le cours de l’histoire » (pp
59-60), « Un arbre n’est la propriété de personne…Il t’apparteient à titre
temporaire, comme tu peux lui appartenir.Nous venons de la terre, nous lui
donnons notre amour et notre travail, elle nous nourrit.Quand nous mourons , nous retrournons à la terre.D’une certaione manière , c’est elle qui nous possède. La
Palestine nous possède et nous lui appartenons » (pp 96-97) , « Nous naissons tous avec les plus grands trésors
dont nous disposeront au long de notre vie. L’un est notre esprit, l’autre
notre cœur.Et les outils indispensables de ces trésors sont le temps et la
santé » (p 211), « Les grossieretés arabes ne sont souvent qu’allusions
gratuites à l’anatomie de parentes, simple mention de la partie intime de leur
individu » (p 274), « Une semaine après le massacre de Sabra et de
Chatila, le magazine Newsweek décida que le fait le plus important des sept
jours écoulés était la mort de la princesse Grace de Monaco » (p 333),
« La cicatrisation des blessures et la paix ne pouvaient commencer qu’une
fois que l’on avait reconnu ses torts » (p 360), « Pourquoi la
dignité et l’honneur s’accrochent-ils à la pierre et au sol ?
Génération après génération , les hommes éventrent la terre, construisent des
monuments en fouillant ses entrailles pour
marquer leur époque, pour façonner leur rêve, à savoir se croire
importants dans un univers à l’immensité fabuleuse, pour arracher du sens à un
parfzit hasard, pour atteindre à l’immortalité en s’emparant d’une terre
immortelle, en la foulant, en la creusant » (p 376)