HISTOIRE- GUERRE DE LIBERATION
NATIONALE- COMMUNICATION-TEMOIGNAGE
© El Moudjahid, 1er
Novembre 2020
La communication est «une arme
redoutable» dans toutes les guerres, et l’Armée de libération nationale (ALN)
n’a pas négligé ce volet dans sa lutte contre le colonialisme français, en
créant le Service presse, a observé le moudjahid Salah Mekacher
(88 ans).
Cet ancien secrétaire et
membre du Service presse du PC de la wilaya III historique, a relevé que «dans
toute guerre le contrôle de la communication et de l’information est
primordial. Le rôle important de la propagande et de la contre-propagande, n’a
pas échappé aux congressistes de la Soummam (20 août 1956) et la plate-forme
qui a sanctionné ce Congrès a prévu la création d’un service de presse pour
contrer la propagande de l’ennemi», a-t-il souligné.
Le Service presse crée par le colonel Amirouche au PC
de la wilaya III historique a été géré par le secrétaire de ce même PC, Tahar Amirouchene. Ce service publia le journal de l’ALN La
Renaissance algérienne, a rappelé M. Mekacher
qui a observé que toutefois «le meilleur produit de ce service presse, restera
le tract». Il dira à ce propos, que «le tract de la wilaya III fut l’outil de
propagande le mieux approprié au cours de la Guerre de libération nationale. Il
sera très apprécié parce qu’il deviendra le lien ombilical entre la tête et la
résistance, les maquisards au combat et les militants du FLN».
Le Service de presse a publié des tracts qui ont percé les murs de prisons et
entretenu le lien de l’ALN avec le peuple, les combattants et les détenus leur
donnant de l’espoir et du courage. «En dehors de nos militants dans les villes
et dans les campagnes et des djounouds dans nos
rangs, les cibles choisies sont les détenus dans les prisons, les camps
d’internement, les camps de concentration afin de soutenir leur lutte et leur
moral», a-t-il souligné.
Ce tract qui traduit la parole «ultime et vengeresse» de nos chouhada, allait de réseaux en réseaux, pour «franchir les
portes des prisons et les portails des camps de concentration et parvenir à ses
destinataires, ces détenus qui l’attendaient avec impatience, et auprès de qui
il insufflera l’enthousiasme de la lutte engagée et qui se perpétue. Il
réchauffa les cœurs et gonfla leurs poitrines de détermination ardente», a
retracé M. Mekacher.
Le tract de la Wilaya III fera tout ça et plus, puisqu’il deviendra le noyau de
rayonnement qui dispense toute l’énergie indispensable à la résistance et à la
poursuite de la lutte. Les geôliers français, lieutenants et capitaines,
n’auront de cesse que de le traquer par de fréquentes perquisitions et des
fouilles corporelles qui n’influeront en rien sur le moral des résistants,
a-t-il ajouté.
Dans son tout récent livre, paru il y a un mois aux éditions Imal, sous le titre Plumes et écritoires et pages
d’Histoire, Salah Mekacher accorde un volet important
à l’organisation et au rôle du Service presse de la wilaya III historique et de
la communication, dans la lutte contre le colonialisme français.
Le Service presse de la wilaya III historique disposait d’une ronéo à tirage
manuel avec courroie en acier. Cette ronéo qui sera récupérée par l’armée
coloniale sera remplacée par le système Gutenberg dit système de la planche. Le
papier duplicateur en rames de 500 feuilles, parvenait à Tamgout
par convois de mulets avec d’autres articles dont des cartons de stencils,
d’encre grasse en tube, du papier carbone, et autres accessoires en tous
genres, rapporte-t-il dans son livre.
Selon lui, les militants du FLN ont franchi des obstacles insurmontables pour
faire parvenir tout ce matériel aux maquis. «Ils ont payé de leur personnes et
ont consenti d’énormes sacrifices qu’il faudra bien, un jour rendre hommage à
tous ces patriotes engagés dans la lutte, qui ont souffert pour que le Service
presse de la wilaya III puisse fonctionner normalement», a-t-il insisté.
Contrer
la désinformation et la propagande ennemies
La mission du service de
presse était de «propager à l’intérieur de nos rangs mais aussi au sein des
populations tous les messages que la direction politique du FLN voudrait
répandre pour lutter contre l’intoxication et le black-out de l’information de
la partie adverse».
Aussi le sommaire du journal La Renaissance algérienne comprenait un éditorial,
généralement rédigé par Tahar Amirouchene, qui
«retraçait dans le détail, les idées maîtresses de la doctrine FLN telle que
définie dans la plateforme de la Soummam et détaillait les opérations
militaires avec très souvent des récits sur les batailles et les combats
engagés par nos unités. De même que des pages entières étaient consacrées aux
atrocités ennemies». «Il est arrivé aussi que Moh Said Aissani et Si Lamara Hamel, prennent la plume pour rédiger des articles
qui répondaient dans le détail aux affabulations et autres assertions parues
dans les journaux de la colonisation ou bien instrumentées par la propagande
des SAS. «Ils parvenaient toujours à démonter pièces par pièces leurs
élucubrations». Ils dénonçaient aussi «la répression, les sévices, les
atrocités barbares et monstrueuses d’une armée, celle d’une nation soi-disant
civilisée», a-t-il fait savoir. Le travail achevé, les exemplaires sont
compilés en tas, enveloppés et attachés, puis chargés sur dos de mulets pour
partir à destination des PC de zones avec le courrier ordinaire et accompagné
par les agents de liaison attachés au PC de wilaya. «Ils sont portés
jalousement par les militants et les moussebiline et
ils sont distribués judicieusement sans attirer l’attention soupçonneuse de
l’ennemi», a rapporté ce même moudjahid dans son livre.
Le responsable de presse était aussi chargé de participer aux réunions des
villageois, initiées par le commissariat politique et de lire et commenter les
contenus des tracts et du journal. Il fera de même au sein des unités de
combat, «ainsi tous les djounoud entendront et
comprendront les message transmis du Haut commandement», a-t-il précisé.
Pendant tout ce temps, les forces coloniales, ont déployé tout un arsenal dont
les services d’Action psychologique qui ont «appelé à la rescousse des experts
en communication, en graphologie, en psychologie et en photographie» pour faire
passer leur propagande à travers un véritable «matraquage» médiatique, a-t-il
ajouté.
L’armée française a mis le paquet ignorant que «ni la guillotine ni les camps
de concentrations ni la torture ne sont parvenus à bout de la résistance de ce
peuple. Son attachement à l’idéal de liberté et de dignité et sa foi en la
Victoire inéluctable après des sacrifices énormes, ont scellé son cœur
définitivement et l’on rendu impénétrable au spectacle des Français»