RELATIONS INTERNATIONALES –SAHARA OCCIDENTAL-BRÈCHE DE
GUERGUERAT
© Contribution
de Kamel Ettouti*/www.algerie1.com, vendredi 13
novembre 2020
Depuis trois
semaines, les regards sont braqués sur Guerguaret,
point de passage situé à l’extrême sud-ouest du territoire sahraoui occupé. Des
manifestants civils sahraouis viennent de bloquer la brèche de la petite
localité ouverte dans le ‘’mur de sécurité’’, construit par le Maroc, avec
l’aide des israéliens dans les années 1980 pour se prémunir des attaques des
combattants sahraouis.
La zone de Guerguaret était durant les années 1990, un lieu de
prédilection des contrebandiers de tout acabit et des trafiquants de drogue et
de voitures volées en provenance d’Europe et écoulées en Afrique de l’ouest.
Champion de
la politique du ‘’fait accompli’’, Rabat a transformé la brèche en un poste
frontalier d’une importance capitale pour ses exportations vers la Mauritanie
et les pays de l’Afrique de l’ouest où il fourgue aux consommateurs des
produits de troisième qualité, le premier choix étant destiné aux pays de
l’Union européenne et à la Russie et le deuxième pour la consommation interne.
La brèche
ouverte dans le ‘mur de défense’’ est une transgression sans équivoque de
l’accord militaire n° 1, signé le 24 décembre 1997, entre le général Burand Lubenik pour la Minurso et Brahim Ghali pour le Front Polisario, d’une part
et entre la mission onusienne et le Maroc le 22 janvier 1998, d’autre part.
L’accord
définit la zone située entre Guerguaret, en
territoire du Sahara Occidental occupé, et la frontière mauritanienne comme un
‘’buffer stripe ‘’ (bande tampon). Large
de cinq km, elle sépare deux ‘’restricted
zone ‘’.
La première
de 30 km, sous occupation du Maroc, et la deuxième de 25 km, sous contrôle du
F. Polisario. Au-delà, il y a deux autres zones à restrictions limitées
séparées par le mur l’une à l’ouest sous occupation marocaine et l’autre à
l’est sous contrôle du F. Polisario (cf. la carte). L’accord confine les
Marocains à l’intérieur du ‘’mur de défense’’
En août
2016, le Maroc décida de bitumer les cinq km de la zone tampon de Guerguaret jusqu’à la frontière mauritanienne, en plein
centre de la zone démilitarisée, autrement dit. L’objectif était de rendre plus
fluide la circulation des camions à la suite des plaintes des chauffeurs.
Officiellement, Rabat argua, à l’époque, que ce goudronnage visait à
« lutter contre la contrebande, le terrorisme et le trafic de
drogue ».
Du
point de vue du droit international, les Marocains ajoutent, par cet acte, une
autre violation à la brèche de Guerguaret en voulant
la relier à la frontière mauritanienne. L’accord militaire n° 1 stipule
que l’accès à la zone tampon qui commence de Guerguaret
est interdit aux troupes et aux engins des forces armées royales et du F. Polisario.
Or, lorsqu’il a entrepris les travaux du bitumage en 2016, le Maroc a utilisé
les engins du génie militaire. La violation est flagrante.
L’intervention
énergique des forces sahraouies, rapidement déployées dans la région, a mis
un terme à la duperie et rétabli le statu quo ante. En face,
le Maroc avait déplacé des unités de la gendarmerie royale qu’il retirera en
février 2017, sous la pression des Nations unies.
Mohamed
Ibrahim Salek, expert et consultant international mauritanien, connu comme l’un
des plus fins connaisseurs du conflit sahraoui, analysant la brèche de Guerguaret à la lumière du droit international, la décrit
comme l’un des « plus grands postes-frontières illégaux dans le
monde».
Ibrahim
Salek déplore que la Mauritanie, qui reconnait la RASD et qui adopte dans le
conflit sahraoui une «neutralité positive», ait commis un défaut de
professionnalisme en conférant, de facto et d’une manière officieuse, une
certaine légitimité à Guerguaret comme point de
passage. Un arrêté ministériel en date du 03 février 2010 le définit comme
point de passage P55. Le poste est pourvu d’agents officiels militaires et
civils mauritaniens.
Aujourd’hui,
les Sahraouis sont décidés à fermer la brèche ouverte illégalement dans le
‘’mur de défense ‘’ comme le prévoit l’accord de cessez-le-feu. Ils
veulent que la Minurso s’attèle à sa mission première
de la préparation des conditions de l’organisation d’un référendum
d’autodétermination et non de surveiller le cessez-le-feu au seul profit du
Maroc et de pérenniser, ainsi, l’occupation et le fait accompli.
*Kamel Ettouti
Ancien
Chargé de cours Université de Mostaganem
© Le Soir d’Algérie/T.H ,
dimanche 15/11/2020
Depuis plusieurs semaines, les alliés du Maroc appuient le
droit de ce pays de jouir du «passage frontalier» de Guerguerat
et de permettre le transit de marchandises marocaines des territoires sahraouis
occupés vers la Mauritanie. Sauf que ce «passage» est une brèche illégale
ouverte dans le mur de «défense» puisque, concrètement, il n’y a pas de contact
frontalier entre les territoires sous occupation marocaine et la Mauritanie.
Pour mieux comprendre cette situation, il est nécessaire de revenir à l’accord
de cessez-le-feu signé entre les deux belligérants en 1991 et à l’accord
militaire n°1 entériné conjointement avec la Mission des Nations-Unies pour
l'organisation d'un référendum au Sahara Occidental (Minurso)
en 1997. Ces textes ont institué deux zones d’accès restreint, respectivement
de 25 km au sud et à l'est et à 30 km au nord et à l'ouest du mur marocain de 2
700 km, ainsi qu’une bande-tampon de 5 km de large au sud et à l'est de ce mur.
Il est important de préciser que les tirs d'armes, le redéploiement ou le
mouvement de troupes, l'entrée d'armes et de munitions et l'amélioration des
infrastructures de défense ne sont pas autorisés dans ces espaces.
Pour permettre le déplacement des éléments de la Minurso
dans le cadre de leurs activités, les deux parties ont validé l’ouverture de
cinq points de passage qui permettent de passer du territoire occupé au
territoire libéré. Ces points se trouvent dans les zones d’El Farsia, Smara, Guelta-Zemour, Oum-Dreygua et Aousserd. Autre précision importante : les accords ne
prévoient pas l'ouverture de brèches pour des activités «civiles»,
«commerciales» ou autre au long du mur marocain. La brèche de Guerguerat a été ouverte illégalement par les autorités
militaires marocaines vers la fin des années 90 pour relier le territoire
occupé à la Mauritanie. En mars 2001, la tentative du Maroc de construire une
voie asphaltée a provoqué la ferme opposition des Nations-Unies. Mais
l’administration coloniale a réussi à imposer le fait accompli malgré les
multiples doléances du Front Polisario.
Guerguerat est devenue le point de passage privilégié
des marchandises du royaume du Maroc vers la Mauritanie et l’Afrique de
l’Ouest. Mais il reste un passage illégal au vu du droit international. Une
voie commerciale stratégique pour ce pays qui en est finalement devenu
dépendant. Le blocage depuis le 21 octobre de centaines de semi-remorques par
des citoyens sahraouis était devenu insupportable pour l’économie marocaine.
C’est ce qui explique la réaction violente de l’armée marocaine qui est
intervenue, vendredi 13, contre ces civils. Un acte qui a finalement provoqué
la reprise de la guerre au Sahara Occidental.