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Roman Michel Thouillot- "L'éveil de Meurseault"

Date de création: 09-11-2020 12:33
Dernière mise à jour: 09-11-2020 12:33
Lu: 886 fois


VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN MICHEL THOUILLOT- « L’EVEIL DE MEURSEAULT »

L’Eveil de Meursault. Roman de Michel Thouillot. Tafat Editions, 2020, 149 pages, 500 dinars 

D’emblée une question…..existentielle ( ?)  : Faut-il obligatoirement passer par le jugement public, par la condamnation, par la case « Prison », …. pour prendre conscience de l’ « étrangeté » de son comportement social – « criminel » au regard du droit et des lois - à l’endroit soit des gens alentour soit des biens ….appartenant aux autres (individus et institutions). On a , bien sûr, le vol, le détournement de biens, la corruption, l’agression physique (et morale), le chantage……bref, mille et uns délits et crimes qui se sont d’ailleurs multipliés ces dernières décennies, le progrès et la vie politique polluée aidant….allant parfois plus vite que l’élaboration des textes destinés à les prévenir ou à les sanctionner. 

Voilà donc ce qui est arrivé Meursault, « l’Etranger », le fameux « héros » (sic !) de Camus.

Jusqu’ici, on nous a tout dit sur lui. Daoud l’a même indirectement tué….Mais cela suffisait –il. Non ! Heureusement, pour assouvir notre « vengeance » (re-sic !) et ,peut-être, clore définitivement ce chapitre, Michel Thouillot est venu à notre secours , en présentant Meurseault certes dans sa vie de tous les jours (n’oubliez pas que nous sommes en pleine période coloniale , mais aussi dans les années du grand réveil du nationalisme algérien, annonciateur de la « lutte finale ») , puis commettant son meurtre , puis se retrouvant enfermé (une description réaliste, je crois, de la vie en prison…au milieu des « Arabes ») , puis jugé et condamné. Grâce à des « circonstances « atténuantes »…il échappe à la peine capitale. Pouvait-il en être autrement pour le meurtre d'un « Arabe » dans une Algérie dominée. Mais, pour lui,  ce sera alors une descente aux enfers qu’il n’avait jamais soupçonné quand , petit fonctionnaire pied-noir, il vivait, malgré sa situation assez médiocre, dans une certaine insouciance dans un pays (plutôt dans un « monde » parallèle ) gorgé de soleil …..Petit à petit, mais difficilement, ce sera  une prise de conscience de la vie réelle .Elle existait et il ne le « savait pas. De plus, il est  en butte à la « justice » rendue par les détenus indigènes et il assistera, au sein de la prison même,     à la montée du nationalisme algérien. Il est amené alors à se poser bien des questions, puis des révisions déchirantes……. mais tardives…..Comme tout prisonnier condamné par la justice……comme, j’en suis sûr, pas mal de pieds noirs…..comme, peut-être Camus….qui a raté, à mon avis, un tel ouvrage. Il n’avait pas eu le temps ou pas osé d’aller jusqu’au bout et a préféré, selon moi, la fuite ailleurs…et, prisonnier de ses « incertitudes »,  une mort prématurée.

L’Auteur : Vit en Réunion .Né en 1951. Enseignant. Agrégé et docteur es-lettres. Trois  romans historiques (Editions L’Harmattan, 2011, 2013 et 2015) qui interrogent les moments clés de l’empire colonial français. Auteur de plusieurs autres ouvrages

Sommaire : Illustration de la couverture : Instantané tiré du film « l’Etranger »  de Luchino Visconti, 1967

Extraits : « Le dilemme du prisonnier : ne pas manger pour garder un transit intestinal normal, ou manger et avoir son lot de diarrhées. En prison, la question de la défécation prend toujours des proportions inouïes » p 9, « Quand tu t’es retrouvé dans ta cellule, tu ne pouvais deviner que tu allais me faire purger une condamnation lente, autrement plus cruelle que la décapitation » (p 140)

Avis : Une autre manière d’ausculter « l’étranger » en terre colonisée… L'auteur réinvente ici librement « L'Étranger » pour éclairer l'envers du décor d'une colonie engagée sur la voie de l'implosion.

Citations : « Tu as alors compris que pendant les affaires de justice, le coupable était pris en charge par les professionnels, qu’il était entre leurs mains comme une souris que l’on disséquait au labo du lycée. Tu étais progressivement effacé pour devenir un étranger à toi-même, réinventé par l’avocat à chaque question du juge instructeur. Tu t’es même par moments demandé si c’était bien toi le criminel » (p 94), « J’ai entendu parler d’un homme pris dans les sables mouvants du désert. A chaque geste, si minime soit-il, il s’enfonce davantage jusqu’à sa complète disparition. Ainsi, chaque acte du colon pour se préserver coûte que coûte, à commencer par le meurtre de celui qui se met sur son chemin, le condamne irrémédiablement comme tel » (p 149)