DEFENSE –TERRORISME -
TERRORISME AU SAHEL
©Neila Benraha/El Moudjahid, jeudi
29/10/2020
Selon un communiqué du MDN, le terroriste
Mustapha Derrar a été arrêté mardi27/10/2020 à Tlemcen. Cette opération a été
menée suite à une surveillance permanente dudit criminel depuis son entrée via
les frontières nationales jusqu'à la collecte des renseignements relatifs à ses
mouvements suspects dans le cadre de la lutte antiterroriste et grâce à
l'exploitation efficiente de renseignements.
La même source a précisé que ledit criminel, qui avait rallié les groupes
terroristes en 2012, a été libéré au début d'octobre au Mali suite aux
négociations menées par des parties étrangères ayant abouti à conclure un
accord via lequel plus de 200 terroristes ont été libérés et une rançon
conséquente a été versée aux groupes terroristes contre la libération de trois
otages européens. «Ces pratiques inadmissibles et contraires aux résolutions de
l'Organisation des Nations Unies, incriminant le versement de rançons aux
groupes terroristes, entravent les efforts de lutte contre le terrorisme et de
tarissement de ses sources de financement», dénonce le MDN dans le communiqué.
Cette opération de qualité prouve l'efficacité de l'approche adoptée par l’ANP
«pour asseoir la sécurité et la quiétude à travers tout le territoire national
et venir à bout du fléau du terrorisme dans la région», rappelle le MDN. En
effet, 200 terroristes emprisonnés en Mali, ont été libérés contre rançon, pour
la libération d’une otage française. L’Algérie a
toujours dénoncé le versement de rançon aux groupes terroristes et a milité
pour le tarissement des moyens de financement. Le général en retraite, Mohamed Oudai, a fortement critiqué le recours à cette pratique
pour la libération des otages selon lequel «le versement de la rançon est un
acte qui encourage le terrorisme dans la région du Sahel et notamment en
Algérie». Dans une déclaration à El Moudjahid il a indiqué que «l’islamisme est
devenu un créneau porteur d’argent et du pouvoir qui sont les vrais mobiles des
groupes terroristes, voire des bandes criminelles. Le versement de rançon va
encourager ces groupes criminels à intensifier les enlèvements contre rançon».
Tout en critiquant la politique des pays qui recourent au paiement des rançons
pour la libération des otages, il a relevé que des millions d’euros sont
généralement exploités dans le recrutement de terroristes et l’achat d’armes
ainsi que le financement des actes terroristes. «Les rançons contribuent à
l’augmentation des capacités de nuisance des groupes terroristes car l’argent
est le nerf de toute guerre. Les terroristes ont toujours utilisé l’argent des
rançons pour le recrutement des jeunes défavorisés notamment», a-t-il souligné.
Deux poids, deux mesures
La criminalisation du paiement de rançon a
été toujours l’un des axes de la politique de l’Algérie pour l’éradication du
terrorisme depuis l’enlèvement des touristes étrangers au Sud en 2003 tout en
rejetant toute forme de négociation avec les terroristes. Pour Toufik Hamel,
consultant et chercheur en Histoire militaire et études de défense, la prise
d’otages contre rançons «est la principale source de fonds terroristes». Le
recours massif aux enlèvements est devenu la principale source de financement,
soutient-il, dans une analyse sur cette pratique. Le trafic de drogue vient en
deuxième position des sources de financement des activités terroristes, selon
le chercheur.
Pour lui, les terroristes sous-traitent pour les narcotrafiquants qui assurent
la sécurité et la logistique des convois de la cocaïne provenant d’Amérique
latine. Le chercheur a estimé que «les Etats européens n’ont jamais cessé de
payer des rançons pour libérer leurs ressortissants. Le deux poids, deux
mesures est au cœur de la coopération entre les pays du Sud et les pays
développés, relève-t-il.
Dans une étude sur les connexions entre groupes djihadistes
et réseaux de contrebande et de trafics illicites au Sahel, des chercheurs dans
les questions sécuritaires ont affirmé que le groupe terroriste AQMI s’est
installé dans le nord du Mali en 2004 pour relancer son projet de terrorisme
après son échec en Algérie. «Pour survivre, cette organisation criminelle va se
lancer dans deux types d’activité : les enlèvements d’Occidentaux et la
protection et la sécurisation des convois de drogues et de contrebande moyennant
une taxe.
Ainsi plusieurs enlèvements d’Occidentaux furent menés par l’organisation
terroriste entre 2004 et 2016 au Mali, en Mauritanie, au Niger et en Algérie.
Dans la plupart de ces enlèvements, la libération des otages s’accompagne d’une
rançon. Rien qu’entre 2006 et 2012, AQMI a reçu 60 millions d’euros de rançons
payés par les pays originaires des otages. AQMI va faire des émules, le MUJAO, Ansar Dine, Al Mourabitoune, des
groupes terroristes qui opèrent dans le nord du Mali depuis 2012 vont suivre
ses pas», indique l’étude. En effet, une «industrie de l’enlèvement» d’otages
est née au Sahel.
Elle sera la principale source de financement des groupes terroriste. L’étude
relève que depuis 2015, il y a une sorte de mutualisation dans l’industrie de l’enlèvement
des otages au Sahel. Plusieurs groupes terroristes organisent ensemble des
rapts à travers leurs cellules locales dans les pays concernés. Ce fut le cas
lors des prises d’otages dans le nord du Burkina Faso en 2015 menées
conjointement par AQMI et Al Mourabitoune.
«L’argent issu des prises d’otages permet aux groupes terroristes d’avoir des
ressources nécessaires pour financer leurs activités de prédication, le
recrutement mais surtout l’achat d’armes, de médicaments, de nourriture, de
voitures et de téléphones satellitaires. Ces achats se font par l’intermédiaire
des trafiquants qui pullulent dans le Sahara. Sans ces derniers, AQMI ne
pourrait pas disposer de moyens logistiques pour commettre ses crimes en
Afrique de l’Ouest», indique l’étude. Pour l’Algérie qui partage des frontières
avec le Mali, la maîtrise de la situation semble complexe. Le Mali partage
5.000 km de frontières avec le Niger, l’Algérie, et la Mauritanie. «L’immensité
des territoires devient un facteur structurel de vulnérabilité, car la porosité
des frontières et la corruption vont favoriser le développement d’activités
illicites et des collusions entre réseaux criminels», relèvent les auteurs de
l’étude. La dernière rançon pour libérer un otage entrave les efforts de
l’Algérie dans sa lutte antiterroriste. Cette opération permettra aux groupes
terroristes de se reconstituer (200 terroristes libérés) et de se financer.
Plusieurs coups de filets ont été menés par les différents détachements de
l’ANP dans la lutte contre le crime transfrontalier, notamment le terrorisme.
L’implantation de l’organisation terroriste «Daech» a
été mis en échec. Plusieurs tentatives de restructuration et redéploiement ont
été déjouées, outre la neutralisation des noyaux durs des groupes terroristes.
Au niveau des frontières, notamment Sud, les détachements de l’ANP ont mis en
échec des tentatives d’acheminement de lots d’armes et d’infiltrations
terroristes. Les narcotrafiquants sont fortement traqués car il existe une
frontière ténue entre narcotrafic et activités terroristes. Malgré les
déclarations, la coopération fait défaut. Les divergences entre les différents
partenaires engagés dans la lutte contre les groupes terroristes, notamment le
versement de rançons ou de la libération de terroristes emprisonnés contre la
libération d’otages, constituent un obstacle, voire une limite au dispositif de
coopération transfrontalier. L’ANP est déterminée, engagée et mobilisée face à
ce défi sécuritaire.
«L’Algérie a pu vaincre le terrorisme seule et sans aucune aide étrangère,
quelle qu’elle soit et ce, grâce à la détermination, l’abnégation de ses forces
armées et l’étroite coopération entre les différents services de sécurité,
ainsi que les grandes convictions de son peuple», a indiqué, le général de
corps d’Armée, Saïd Chanegriha, chef d’état-major de
l’ANP, lors de son dernier entretien avec le chef du commandement des
Etats-Unis pour l’Afrique (AFRICOM), en visite en Algérie.