VIE
POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- MEMOIRES SAID SADI- « MEMOIRES.LA
GUERRE COMME BERCEAU……TOME I »
Mémoires.
La guerre comme berceau, 1947-1967.Tome I. Ouvrage de Said Sadi, Editions Frantz Fanon,400 pages, 1200
dinars.
Vingt ans de vie ! C’est long et c’est court. C’est court lorsqu’on les
« écrit » à plus de 70 ans….mais c’est long lorsqu’on s’en souvient.
De ce fait, tous les détails, petits et grands, deviennent importants. Pour
nous….Pas pour tous ceux qui nous lisent…..car, et ceci est bien connu, les
années d’enfance et de jeunesse sont toujours les plus belles, même parsemées d’épines
et de difficultés.
En tout cas, c’est ce que l’on peut tirer comme conclusion après avoir lu
les « mémoires » de Said Sadi. Et pourtant,
le parcours n’ a pas été des plus faciles.
Premier hasard, le nom de son village Aɣrib
veut dire exilé en berbère…Deuxième hasard, le village se situe sur une
crête…..où il suffisait de faire quelques pas pour atteindre le sommet
forestier et découvrir la Méditerranée. Des signes annonciateurs d’une destin singulier.
Tout d’abord, « la guerre comme
berceau », heureusement au sein
d’une famille nombreuse , unie et chaleureuse……et
d’une communauté aux traditions de solidarité affirmées .Il y avait aussi et surtout- en dépit d’une
situation sociale particulièrement tendue - une volonté bien ancrée des parents à voir la descendance s’instruire et s’émanciper
intellectuellement. D’où les multiples sacrifices.
Ensuite, l’après –guerre avec l’indépendance du pays et la découverte des
autres (au collège), mais aussi, hélas, de réalités politiques
souvent décevantes, parfois tragiques et douloureuses. Les adolescents
découvrent que des hommes idéalisés peuvent infliger ,à
leurs frères, les abus qu’ils ont combattus…..Il y aura , peu de temps
après, l’insurrection du Ffs….Répression, punitions collectives…..et tortures
Enfin, au lycée, le temps des amours et des fantasmes (Ah ! la
« bombe » Ludmila » l’Ukrainienne prof’ de physique) ,
du football, des réflexions collectives
sur des séquences politiques taboues ou obscures de l’avant-Novembre 54
et de la prise de conscience des « fils du pauvre » et de l’action
militante pour affirmer son identité et la pratique démocratique. La recherche
des origines berbères et d’abord kabyles. Déjà ! Il y avait aussi la
présence de l’équipe cde foot du Brésil….et Boumediene qui renverse Ben Bella . ……
L’Auteur :
Né
le 26 août 1947, médecin psychiatre….Militant , déjà
très jeune, pour la langue et la culture berbères, les Droits de l’homme et les
libertés démocratiques. Il fonde ,en février 1989, le Rcd, parti social-démocrate laïc qu’il présidera jusqu’en
mars 2012. Il a été député (Apn) et
, aussi, candidat à l’élection présidentielle. Auteur de plusieurs
ouvrages
Sommaire : Vingt chapitres ……de 0 à vingt ans ….de
1947 à décembre 1967!
Extraits : « Marginalisée et paupérisée par les
expropriations de la colonisation, notre paysannerie s’est repliée sur ses
propres traditions. C’est l’émigration (….) qui a ouvert les premières brèches
dans ce monde clos. Et puis, il y a eu l’école pour les plus chanceux » (p
33), « Le chaudron social et culturel dans lequel a grandi ma génération
était à la fois perturbant et formateur. Notre esprit était secoué par des
valeurs et discours qui laissaient peu de place à la linéarité de la réflexion
logique, le sempiternel balancier politique nous poursuivant de ses
contradictions » (p 165), « Le début du règne de Ben Bella fut,
en effet, à la fois folklorique et violent. Aux slogans populistes
, caricaturaux et sommaires brocardés par la vox populi au bout de
quelques mois d’exercice du pouvoir, faisaient écho des pratiques plus
sombres » (p 261),
Avis : Quelle mémoire ! Que de détails !Une démarche qui restitue tout ce qui fait la vie d’un être
humain, de sa famille, de sa société , de ses rêves, de ses espoirs. Bref, pour
beaucoup, il Nous raconte. Un ouvrage qui a couché sur papier des situations
et un vécu mais surtout des « états d’âme »…et en les
lisant, « nous sommes tous kabyles ». Certes ,
beaucoup de longueurs, mais ne pas se
décourager…..pour mieux comprendre la suite…dans le Tome II.
Citations : « Entre nos jeunes qui pianotent sur
les ordinateurs et le temps de mon enfance, il y a deux mille ans
d’histoire » (p32), « Née dans une société paysanne patriarcale, la
fille kabyle se savait davantage tolérée que vraiment désirée. Ce statut
d’enfant subi était encore plus vrai pour celle qui arrivait dans le foyer
avant les garçons » (p74), « La guerre est toujours une voleuse
d’enfance ; qu’elle la traumatise dans un bombardement, qu’elle la viole
dans son innocence par sa cruauté ou qu’elle la prive de la progressivité
de sa maturation. Mais dans un certain sens, on pouvait tirer quelques
bénéfices de ces secousses. Les scènes de violences psychologiques provoquent
un engourdissement des esprits et préparent à l’endurance et à la faim, comme
la peur aide à repousser ses limites. Mais on sort rarement indemne de ces
agressions quand elles instillent dans les âmes l’indifférence qui, à terme,
peut muter en une forme d’insensibilité abolissant l’affectivité »
(pp134-135), « Tamgut (le mont) ne s’interroge pas. On le vit et l’apprécie
dans sa rassurante protection…….Le site a survécu à tous les fléaux de la terre
et de l’enfer. L’âme généreuse et éternelle de la montagne accueille toujours
les fidèles avec leur foi inébranlable, leur ferveur crédule et leur souveraine
reconnaissance » (p 306), « Intoxiquées par des slogans tôt ou
tard démentis par ma réalité, les communautés asservies par des dictatures
parviennent rarement à s’émanciper de leur aliénation » (p 371) ,
« (Le football) est une belle et agréable illustration de ce que peut être
une vie de libre intuition et de solidarité collective » (p 397)