COMMUNICATION-
OPINIONS ET POINTS DE VUE- APS 88/90- OPINION DJÂAFER SAÏD/ WWW.TWALA
Retour sur un intermède où l’APS a fait du « service public » de
l’information
©par DJAAFER SAID.www.twala.info, samedi 15 octobre 2020
L’agence Algérie Presse Service (APS) a été lancée avec des moyens assez
rudimentaires le 1er décembre 1961 à Tunis par le Gouvernement provisoire de la
République algérienne (Gpra) où M’hamed
Yazid, était ministre de l’information. C’est une
agence de presse qui est d’emblée et clairement au « service de
l’Etat » qui s’esquisse et dont la mission première à l’époque était de
défendre la cause nationale auprès de l’opinion mondiale.
Le service de l’Etat est une mission consensuelle dans un pays nouvellement
indépendant, il est pourtant, dans la pratique, au cœur de l’ambiguïté qui ne
fera que s’accentuer au fil des ans. L’agence de presse a subi très fortement
la tutelle des ministres de l’information (ou de la communication) qui la
réduisaient à un simple instrument. Et qui ont entretenu, jusqu’à saturation,
la confusion entre mission d’informer et propagande.
L’agence a été – et demeure – de ce fait clairement tributaire du contexte
politique et de la conception que se fait le pouvoir de son rôle et de son
rapport, tutélaire, à l’égard de la société. A l’indépendance, où les urgences
sont tellement immenses, cette ambiguïté fondamentale, était plus ou moins
masquée.
L’agence, comme le pays, était en phase de construction, dans une logique
d’apprentissage. Les anciens de l’APS parlaient avec ferveur de ces moments
épiques où l’agence “rentrait au pays” en s’installant d’abord à la Casbah
d’Alger, puis à l’aéro-habitat (Telemly)
puis, plus tard, au boulevard Che Guevara, avec vue imprenable sur le large.
Ces années euphoriques du lancement et d’apprentissage du métier de
l’agencier vont peu à peu laisser la place à la routine d’un média au
« service du pouvoir ». Les questionnements que les journalistes de
l’APS pouvaient avoir – ils avaient à l’époque la possibilité de comparer car
ils accédaient aux informations diffusées par les grandes agences mondiales,
AP, Reuters, Afp, mais aussi Tass, Tanyug et d’autres
– restaient à la marge.
La routine de l’exercice du métier, trop souvent réduit à un “pointage” de
l’activité des responsables du gouvernement et du parti, pouvait parfois être
rompue par des remontrances qui descendent du sens inverse de la hiérarchie
jusqu’au journaliste, coupable d’avoir omis de mentionner la qualité de « membre
suppléant » du comité central d’un responsable. L’information nationale
était largement bridée, à l’APS encore plus puisque cataloguée “officielle”.
Les journalistes étaient plus à l’aise dans les rubriques “internationale” et
“culturelle” où la contrainte était moins pesante.
La routine durable du travail “d’information” de l’APS allait être perturbée
– et dans le bon sens – après les évènements d’octobre 1988. Les journalistes
de l’APS avaient couvert les émeutes en envoyant des informations précises et
professionnelles sur le déroulement des évènements. Ils donnaient une image en
temps réel de la propagation des émeutes. Ces informations qui n’étaient
adressées qu’à des “spéciaux” (présidence, ministères) peuvent, si les archives
ne sont pas perdues, être une illustration capacités professionnelles de ces
journalistes anonymes aussi bien au niveau central qu’au niveau local.
L’empreinte Ahcène-Djaballah
Belkacem
La question du “service public”, déjà posée par le Mouvement des
journalistes Algériens (MJA), allait devenir un souci majeur au sein de
l’agence. M’hamed Yazid, le
ministre de l’information qui a inauguré l’APS en 1961, homme brillant, cultivé
et plein d’humour, donnait d’une certaine manière la voie durant cette période
post-octobre en défendant les libertés et en martelant que le service de l’Etat
n’était pas le service du pouvoir.
L’agence de presse va réellement connaître une période faste en octobre 1988
et 1990. Sa période faste ! Le climat de contestation politique va d’une
certaine manière “dépolitiser” (et dans le bon sens) le travail du journaliste.
Que ce soit au niveau central ou dans les bureaux régionaux, les journalistes
se libèrent de l’auto-censure et “rapportent”. Ils se
sont mis à faire du “service public”, c’est à dire, à être au service de la
société et de l’Etat et non du “pouvoir”.
La situation défensive dans laquelle se trouvait le pouvoir, au lendemain
des journées sanglantes d’octobre y est pour quelque chose. Le journaliste de
l’agence, Sid Ali Benmechiche, chef du service
reportage, faisait partie des victimes de la fusillade qui a eu lieu au niveau
de la DGSN, le 10 octobre 1998. Cela rendait que plus forte la prégnance au
sein de l’agence du débat ouvert par le MJA sur le service public.
Mais cette période faste au plan professionnel, l’agence le doit aussi
à Ahcène-Djaballah Belkacem qui la dirigeait depuis 1985. Avec beaucoup de
flegme, il a laissé les journalistes travailler librement, dans l’esprit du
service public. “Laissé les journalistes travailler”, cela semble peu, mais
c’était littéralement une révolution. On le comprendra après son départ, fin
1990, où la reprise en main va se faire peu à peu.
L’intermède d’octobre allant d’octobre 1988-1990 reste la période où
l’agence a été réellement au “service de l’Etat” en faisant avec
professionnalisme son travail : informer sans commenter au lieu d’occulter et
de surcharger le texte par des considérations politiques. La “dépolitisation”
du métier d’informer était éminemment politique. L’agence devenait crédible.
L’ENTV, dirigée par Abdou B, était dans le même trend et elle a réussi pendant
un certain temps à amener les Algériens à “décrocher” des chaînes étrangères.
La question du service public, notion centrale pour les médias publics, a
été malheureusement évacuée avec l’avènement de la presse privée et encore
davantage avec la plongée dans les violences dans les années 90. On aura par la
suite des ministres de la communication qui défendaient une présumée “ligne
éditoriale de l’Etat” – qui n’a aucun sens – et qui en fait ramenaient, une
fois de plus, les médias publics à des outils de propagande. Cette vision
étriquée du service de l’Etat discrédite “l’outil” comme le montre la récente
publication d’une fausse information qui a valu, c’est une première, un démenti
de l’ONU.
Il est clair qu’aujourd’hui on est bien loin de cet intermède post-octobre
où à l’agence, comme dans le pays, les espérances d’un renouveau général dans
la démocratie étaient fortes.
L’historien Mohamed Harbi
répond