Né avec ses moustaches », une expression qui ne s’applique qu’à deux cas
de figures en Algérie, le parti RND et le journal Ennahar
dont nous évoquons ici les conditions de création et les orientations.
Il est sans doute le journal qui représente le mieux les fluctuations de
la dernière décennie du règne de Bouteflika.
« Ennahar el Djadid »
a été édité pour la première fois le jeudi 1novembre 2007, tirant, dès son
numéro zéro, à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, publiant cinq
pages de publicité –facteur déterminant dans l’équation de la diffusion et de
la longévité de n’importe quel journal en Algérie- et dont la Une titrait: «Ennahar publie la grille des salaires des agents de la
police». Un sujet qui a concerné près d’un quart de million de personnes
affiliées à cet appareil.
Le patron d’Ennahar, Mohamed Mokadem, connu sur la scène médiatique en tant que «Anis Rahmani» a tenté de s’accaparer de la ligne éditoriale d’El
Khabar et d’Echorouk, qui
avaient le monopole sur le lectorat durant à peu près vingt ans.
Dès ses premières éditions, Ennahar a misé sur
le sensationnalisme, les comptes-rendus des tribunaux, les assassinats, les
vols et les viols et toutes les institutions le bombardaient d’une avalanche de
scoops journalistiques.
Ennahar El Djadid figure parmi les principaux
quotidiens apparus sous l’ère du président Bouteflika, n’hésitant pas à se
mettre au-devant de la scène et se transformant en une équation difficile et un
chiffre qui n’a rien de déshonorant, tout le contraire de la majorité des
expériences journalistiques qui se sont soldées en échec dès le berceau.
Ennahar a également joué avec les nerfs des hommes politiques et militaires dans
des aventures dangereuses dans lesquelles le directeur Anis Rahmani
aurait eu à payer le prix s’il ne s’était pas retiré au dernier moment. Aussi
est-il important de mettre la lumière sur le parcours de Mohamed Mguedem dont le nom, jusqu’en 2006, était intimement lié
aux questions sécuritaires au sein du journal El Khabar
dans lequel il a longtemps travaillé sous son nom d’emprunt avant d’intégrer
l’équipe d’Echorouk en tant que rédacteur en chef.
Il devient un phénomène médiatique grâce à son accès à tous types
d’informations, les portes s’ouvrant devant lui, car alors que ses
connaissances étaient restreintes aux services de sécurité, son carnet
d’adresses s’ouvre à des ministres, des directeurs d’imprimeries, des
ambassadeurs et des chefs de partis.
Soutien
à Benflis
Ses relations ramifiées lui donnent l’ambition de détenir son propre
journal dans lequel il implique aussi quelques piliers du journal Echorouk dont Nasser Benaissa et
Samir Boudjadja. Ces derniers se retirent avant le
lancement du projet qui parait alors immense et qui se terminera en désastre.
Les frictions entre Bouteflika et des militaires influents se sont
accentuées à la veille de l’élection présidentielle du 8 avril 2004. Le
président Bouteflika se préparait à rempiler pour un deuxième mandat tandis que
le général de corps d'armée, Mohamed Lamari,
chef d’état-major de l’armée, essayait de lui barrer la route en soutenant la
candidature d’Ali Benflis. La presse était évidemment
de la partie. Certains officiers de l’armée avaient réussi alors à convaincre
Anis Rahmani –qui n’avait pas encore lancé son
journal- de peser de tout son poids médiatique en faveur d’Ali Benflis contre Bouteflika. Les résultats étaient dans
l’autre sens.
Le retournement d’Anis Rahmani, une manière de
réparer l’erreur commise en avril 2004, lui permet de revenir en force. Ce
sera, cette fois-ci, avec Ennahar el Djadid, fondé durant le deuxième mandat du président
Bouteflika, mettant son site internet, son journal puis sa chaîne de
télévision, à la disposition d’une campagne en faveur du chef de l’Etat et
menant une attaque féroce contre ceux qui restent sur la scène politique dont
le candidat Ali Benflis, son ancien ami.
Le journal Ennahar s’est même lancé, en tant
que partie à part entière, dans la bataille ayant opposé en 2017 Abdelmadjid Tebboune, éphémère premier ministre à l'époque –
Anis Rahmani est allé jusqu’à le qualifier de
traître- et les hommes de Saïd Bouteflika, avec à leur tête Ali Haddad et le Forum
des chefs d’entreprises, soutenu par l’ancien secrétaire général de la Centrale
syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd.
L’histoire commence lorsque Tebboune déterre le
slogan de «la lutte contre l’argent sale» et sa séparation de la politique
algérienne, donnant des instructions pour le rétrécissement des activités d’Ali
Haddad, le contrôle de tous les projets qu’il a pu s’accaparer et même sa
traduction en justice.
Ces mesures ont été au centre des discussions de ce qui est maintenant
connu sous le nom de la rencontre de l’Aurassi et qui
a sonné le glas de Tebboune.Puis vient l’incident
survenu lors de l’enterrement de l'ancien premier ministre Reda Malek au
cimetière d’El Alia qui se concrétise par l’écriture d’un scénario d’une présumée
traîtrise qu’aurait manigancé Tebboune en se
déplaçant à Paris pour y rencontrer son homologue français Edouard Philippe. Il
devint, suggèrent-ils, un "traître" en fuite qu’il sied de poursuivre en justice à son
retour.
Ennahar el Djadid s’est introduit dans les rouages du
pouvoir, mettant à nu les divisions de ce dernier, à travers notamment la
diffusion d’une conversation téléphonique entre son directeur Anis Rahmani et le colonel Smaïl,
l’une des têtes de proue des services de sécurité, dans laquelle il n’hésite
pas à émettre des menaces contre le premier responsable des services, le
général Bachir Tartag.
Ennahar cesse de paraître
Cette affaire, qui a ébranlé l’opinion publique, aura précipité la mise
en détention d’Anis Rahmani le 14 février 2020, pour outrage
à corps constitué;atteinte à la vie privée d’autrui;diffusion d’un enregistrement privé.
Deux mois plus tard, le journal Ennahar s’est
débattu dans les rets d’une crise financière qui le contraindra à cesser de
paraître. La direction du journal publie un communiqué destiné à l’opinion publique
dans lequel elle explique les véritables raisons de la suspension du journal
après 13 ans d’existence.
La journaliste Souad Azouz, directrice de
publication du journal, estime qu’il est probable que le quotidien paraisse de
nouveau après la crise sanitaire et une fois les conditions nécessaires à sa diffusion réunies.
Notes
1/Correction: une précédente version de cet
article mentionnait le vrai nom de Anis Rahmani comme
“Mohamed M’gueddem” au lieu de “Mohamed Mokadem”. Cette erreur a été corrigée.
2/ Notes complémentaires d’almanach : Souad Azouz est
l’épouse e de Rahmani……et Mohamed M’guedem est un homonyme. Aujourd’hui décédé, il a été un
personnage influent du « pouvoir
profond » durant l’époque de Chadli Bendjedid…..at après, même durant la période Bouteflika.La
rumeur disait qu’il était un des premiers financiers de Ennahar
El Djadid.Vrai ? Faux ?