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© Afp, dimanche 11/10/2020
Victoire juridique
pour les éditeurs de presse face à Google
Les éditeurs de presse ont marqué ce jeudi un point juridique
en France face à Google dans leur bataille pour obtenir du géant internet
américain “le paiement des droits voisins” qui puissent rémunérer les
contenus de presse repris par Google sur ses pages.
Dans un arrêt
très attendu, au-delà des frontières de la France, la cour d'appel de Paris a
jugé que l'Autorité de la concurrence française était bien fondée le 9 avril à
obliger Google à engager des négociations sur ces droits voisins avec les éditeurs
de presse.
La cour qui a
rejeté le recours de Google a condamné la société à payer une somme de “20 000
euros chacun” aux trois représentants des éditeurs de presse impliqués –
l'Alliance de la presse d'information générale (APIG), le Syndicat des éditeurs
de la presse magazine (SEPM) et l'AFP –, selon le texte de l'arrêt dont l'AFP a
eu connaissance.
Les “droits
voisins” prévoient une rémunération pour les contenus (photos et vidéos
notamment) utilisés par les plateformes en ligne. Mais Google avait refusé
d'emblée de payer la presse française, déclenchant un bras de fer avec le
secteur.
Bouffée d'oxygène
La presse française est globalement en mauvaise santé financière, et trouver un
financement supplémentaire via Google pourrait représenter une importante
bouffée d'oxygène. C'est “une décision très importante. La concurrence
s'applique à tous, y compris dans le numérique”, s'est félicitée dans un tweet la présidente de l'Autorité de la concurrence,
Isabelle de Silva. Google de son côté a pris acte de la décision de la cour
d'appel. “Nous avions fait appel afin d'avoir davantage de clarté juridique sur
certains éléments de la décision, et nous sommes en train de prendre
connaissance de l'arrêt de la cour d'appel”, a indiqué le géant américain dans un
communiqué. “Notre priorité demeure l'aboutissement de nos discussions avec les
éditeurs et les agences de presse français” sur la question de la rémunération
des contenus, a-t-il ajouté.
Cette
validation juridique est la bienvenue pour les éditeurs de presse, dans un
domaine qui demeure encore relativement vierge, puisque les droits voisins en
la matière résultent d'une législation européenne adoptée en 2019 et
immédiatement mise en application par la France. “Forte de l'arrêt de la cour
d'appel, l'AFP émet le vœu que les discussions puissent désormais se dérouler
sur les bases et selon les conditions fixées par la loi”, a ainsi souligné
l'agence dans un communiqué.
Dans les
faits, le processus de négociation imposé par l'Autorité de la concurrence
avait trouvé ces derniers jours une certaine validation, puisque Google a
annoncé lui-même mercredi soir être proche d'un accord sur les droits voisins
avec l'une des parties concernées côté presse, l'APIG. Le groupe américain
espère parvenir également à un accord avec les deux autres parties, le Syndicat
des éditeurs de la presse magazine (SEPM) et l'AFP.
Un sujet mondial
Google, à l'image d'autres grandes plateformes internet comme Facebook, entretient des relations tumultueuses avec les
éditeurs de presse qui lui reprochent d'utiliser leurs contenus à son profit,
essentiellement publicitaire, sans partager suffisamment la valeur qu'il en
tire. Les éditeurs français considèrent que le groupe américain, en agrégeant
leur production sur ses pages de résultats de recherches, devient lui-même un
producteur de contenus, qui capte l'attention de l'internaute et peut donc la
monétiser.
Pour sa part,
Google a longtemps argué qu'il permettait de générer un immense trafic sur les
sites internet des médias, engendrant des revenus. Un point de vue soutenu par
une étude du groupe de communication Heroiks publiée
jeudi, selon laquelle la presse française reste fortement dépendante du moteur
de recherche américain pour générer du trafic sur ses sites. Au-delà de la
France et de l'Europe, la question de la rémunération des contenus de presse
par les plateformes se pose sur toute la planète : l'Australie veut par exemple
obliger Google et Facebook à rémunérer ses médias
locaux.
La semaine
passée, le président de Google Sundar Pichai avait
annoncé une dépense d'un milliard de dollars pour améliorer les revenus des
éditeurs de presse dans le monde via le paiement de licences. Selon Google,
cette nouvelle proposition fait partie de ce qui a été mis sur la table pendant
les discussions avec les éditeurs français sur les droits voisins.
La décision
de la cour d'appel de Paris “pourra avoir un effet sur d'autres acteurs
internet” que Google “et dans d'autres pays”, y compris au-delà de l'Union
européenne, a estimé jeudi l'avocate spécialisée dans le numérique, Christiane Féral-Schuhl. “C'est peut-être la
première marche vers un nouveau partage de l'économie sur internet”, a-t-elle
déclaré à l'AFP.