CULTURE-
ETRANGER -PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE
©Faycal Metaoui/www .24hdz.com,
samedi 10 octobre 2020
CULTURE-ETRANGER- PRIX NOBEL
DE LITTERATURE-
Le
prix Nobel de littérature 2020 est revenu à la poétesse américaine Louise Glück. C’est le 113 ème prix
attribué par l’Académie de Stockholm depuis son lancement en 1901. Et c’est le
treizième auteur américain primé depuis cette date, le premier fut Sinclair
Lewis en 1930.
Malgré les critiques et les observations
faites partout dans le monde, l’Académie donne l’impression de ne s’intéresser
qu’à la littérature européenne et nord-américaine. Les chiffres le prouvent
largement. Depuis 1901, les auteurs d’une poignée de pays ont reçu le Nobel de
la littérature : France(15), Royaume Uni (11), Allemagne (8), Suède (8),
Espagne (6), Italie (6), Pologne (5), Irlande (4), Danemark(3), Norvège (3),
ex-URSS (3), Chili (2), Suisse (2) et Grèce (2). En tout, la littérature
européenne a obtenu 87 prix sur 119 attribués, soit 74 %.
Un occidentalocentrisme
qui est dénoncé même en Europe. La presse suédoise a, à plusieurs reprises,
contesté les choix de l’Académie. La littérature nord-américaine a décroché 14
prix, 13 pour les États Unis et 1 pour le Canada. Les littératures européenne
et américaine ont obtenu 85 % des prix Nobel de littérature, ne laissant
que les miettes pour le reste du monde.
Un continent aussi vaste et riche que
l’Asie n’a eu que 4 Nobel de littérature : deux pour le Japon, un pour l’Inde
et un pour la Chine. Ce n’est qu’à la fin des années 1960, que l’Académie, dont
les membres sont élus à vie, « découvre » l’existence d’une
littérature en Asie et décerne alors un prix à Yasunari
Kawabata, premier asiatique à avoir cette distinction. Pourtant, dans le monde,
Kawabata était déjà très célèbre avec des romans tels « Le grondement de
la montagne » et « Pays de neige ».
La Pologne a plus de prix Nobel que
l’Asie !
Il a fallu attendre 1994 pour voir
l’Académie attribuer un autre Nobel à la littérature japonaise en consacrant Kenzaburo Oe, nouvelliste,
romancier et poète, auteurs notamment de « Une affaire personnelle »
et « Le jeu du siècle ».
Il a également écrit « Notes
d’Hiroshima » où sont rassemblés les témoignages des Hibakusha,
victimes du bombardement atomique effectué par les américains le 6 août 1945.
L’immense littérature chinoise n’a été primée qu’en 2012, soit plus de 110 ans
après la création du prix, avec Mo Yan. Mo Yan est le premier Nobel de
littérature à visiter l’Algérie, c’était lors du 23ème Salon international du livre
d’Alger (SILA) en 2018.
L’Académie suédoise n’a accordé aucun
intérêt à des littératures profondément humaines et universelles comme celles
de la Corée du Sud, de l’Iran, du Vietnam, de la Thaïlande ou de l’Indonésie.
Résultat des courses : un pays comme la Pologne a plus
de prix Nobel de littérature que toute l’Asie !
Naguib Mahfoud unique auteur arabe primé
Et la Suède a le double du nombre de
lauréats que toute l’Afrique ! L’Académie du Nobel ne regarde du côté de ce
continent qu’en 1986 pour attribuer le prix au nigérian Wole
Soyinka qui écrit en anglais. Même en matière de langue, le jury privilégie
d’une manière claire les langues européennes surtout l’anglais, le français,
l’allemand, l’espagnol, l’italien, le polonais et le suédois, en tout 91 % des
auteurs ayant été distingués écrivent en langues européennes.
Le nombre de locuteurs ne semble pas
être pris en compte comme paramètre. Après Wole
Soyinka, l’égyptien Naguib Mahfoud a obtenu le prix Nobel de littérature en
1988, comme deuxième africain et premier et unique arabe à avoir cette
distinction. Les sud-africains Nadine Gordimer et John Maxwell Coetzee ont reçu
le Nobel en 1991 et en 2003.
En tout, l’Afrique a obtenu quatre
Nobel. La littérature arabe, pourtant ancienne, riche et diversifiée, n’a eu
qu’un seul prix. L’algérienne Assia Djebar et le syrien Adonis ont été cités à plusieurs
reprises comme éventuels lauréats, sans jamais être primés.
Une longue liste d’auteurs illustre ignorés
D’autres auteurs de renommée mondiale
ont été « ignorés » par le Comité du Nobel comme Rainer Maria Rilke,
Milan Kundera, Haruki Murakami, Gibran Khalil Gibran,
Ko Un, Philip Roth, Fakhri Kawar,
Federico Garcia Lorca, Djibo Bakary, Fernando Pessoa,
Franz Kafka, Antonin Artaud, Mohammed Dib, Marcel Proust, Tayeb
Salih, Ahmadou Kourouma,
Driss Chraibi, Louis-Ferdinand Céline, Abdelwahab Meddeb,Virginia Woolf,
Fadwa Touqan, Jose Louis
Borges, Amadou Hampâté Bâ, Vladimir Maiakovski, Abou El Kacem
Chebbi,, Grace Ogot, Paul Valéry, Hana
Mineh, Cheikh Anta Diop, Ismaïl Kadaré, James Joyce, Ibrahim Al Koni, Isaac Moumé Etia, Zayd Mutee
Dammaj, ..Une longue liste. Certains écrivains ont
été écartés pour des considérations politiques, jugés à l’avance plus sur leurs
positions que sur leurs œuvres.
Un partisan de Milosevic distingué
Même là, c’est à géométrie variable. En
2019, et malgré les critiques, le prix Nobel a été attribué à l’autrichien
Peter Handke qui, ouvertement, avait soutenu l’ex-président serbe Slobodan
Milosevic accusé de génocide et de crime contre l’humanité, après avoir ordonné
le massacre de musulmans en Bosnie-Herzégovine dans les années 1990.
L’explication donnée par l’Académie du Nobel était amusante en disant avoir « jugé
exclusivement l’œuvre et pas l’homme ». Pour Borges,
Céline, Kadaré ou Adonis, c’était plutôt le contraire. En 1953, la même
Académie avait attribué le Nobel de littérature à l’ancien Premier ministre
Britannique Winston Churchill, dont le rôle durant la deuxième guerre mondiale
est très contestable, pour… « ses discours brillants pour la défense des
valeurs humaines ». Étonné, Churchill a eu cette réplique
historique : « tiens, je ne savais pas que j’écrivais si bien ».