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Tebboune A., entretien presse - "L'Opinon" (France), 7/10/2020

Date de création: 08-10-2020 18:11
Dernière mise à jour: 08-10-2020 18:11
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VIE POLITIQUE- DOCUMENTS POLITIQUES- TEBBOUNE A., ENTRETIEN , « L’OPINION » (FRANCE), MER 7/10/2020 

 

« L’Opinion organisait mardi soir, avec l’agence de communication 35° Nord, la web conférence «Gouvernances, afri-capitalisme et soft power : la nouvelle donne africaine»

Dans ce cadre, le président algérien Abdelmadjid Tebboune nous a accordé une interview exclusive, en duplex depuis Alger, dans laquelle il revient sur les crises politiques en Afrique, en donnant de précieux conseils à ses pairs du continent » (Pascal Airault)

Abdelmadjid Tebboune a accordé une interview au journal français L’Opinion. Le président a parlé du Hirak, de la « confiance entre les Algériens et les institutions », des arrestations de militants et de journalistes et sur la jeunesse algérienne. Il a également été interrogé sur la situation en Libye, au Mali et sur la révision constitutionnelle.

A. Tebboune a d’abord été interrogé sur le « rétablissement de l’autorité de l’Etat » après « des années de gestion folklorique qui tenait de la république bananière » sous Abdelaziz Bouteflika, dont il a été ministre de l’Habitat. Le président a rappelé que le Hirak « béni », « protégé par l’armée et les services de sécurité », a mis fin à la « comédie » qu’était la préparation d’un cinquième mandat. « Ses représentants avaient plusieurs doléances : l’arrêt du processus électoral, la fin du quatrième mandat, un changement radical de la gouvernance… « , a-t-il déclaré, affirmant que les « élections du 12 décembre 2019 sont les premières élections propres et transparentes ». Le président a a rajouté « avoir procédé à des changements dans tous les corps de l’Etat pour montrer que le changement était radical au niveau de la gestion locale, régionale, nationale ». « Nous nous sommes attelés à fournir les efforts pour que l’avant-projet de Constitution soit le reflet réel de la demande populaire de changement, comme je m’y étais engagé durant la campagne », a rajouté M. Tebboune.

Interrogé sur les arrestations de militants politiques et de journalistes, M. Tebboune a répliqué qu’une « République qui cherche à entamer une vraie démocratisation de la vie publique tient compte de l’avis de la majorité tout en respectant les avis minoritaires. Il y a des ONG qui sont stigmatisées pour leur accointance, leur manière de voir les choses, leur négativisme. D’autres sont très respectables et nous comptons sur leur avis », a-t-il dit. Pour le chef de l’Etat, « il n y’aura pas de répression mais de la protection de l’ordre public ». « Quand il y a violation du droit du citoyen à la sérénité et à la vie paisible, l’Etat doit intervenir », a-t-il indiqué. A propos des arrestations de militants, il a rajouté que celles-ci « ne sont pas faites sur la base des idées, des slogans ou le fait d’être opposant… Aucun journaliste n’a été arrêté pour le fait d’être journaliste (…) Seulement, le fait d’être journaliste ne donne aucune immunité concernant l’atteinte à l’ordre public », argumente-t-il.

Le président a par la suite été interrogé sur la la place de la jeunesse dans la vie politique et économique. « Samedi, j’ai commencé à concrétiser ce changement (« générationnel », NDLR) afin de créer une nouvelle génération d’entrepreneurs, de permettre aux jeunes de s’émanciper économiquement, de ne pas être obligé de montrer patte blanche à tel ou tel oligarque », a-t-il déclaré. Abdelmadjid Tebboune fait référence au lancement du Fonds de financement des startups et de ses engagements au profit des porteurs de projets. « Les startups algériennes deviennent une réalité », a-t-il ajouté.

Sur le plan politique, Tebboune dit « s’être engagé à introduire le maximum de jeunes au niveau des instances élus, y compris au sein de l’Assemblée nationale. Ils seront là pour représenter le peuple de manière plus moderne. Les jeunes sont restés honnêtes, propres et n’ont pas répondu aux sirènes des oligarques. A ce titre, ils méritent de gérer le pays avec l’aide et les conseils de leurs aînés », a-t-il affirmé. Si le président a nommé à son élection quelques ministres relativement jeunes, notamment dans le domaine des télécommunications, des startups et de la Jeunesse et des Sports, l’introduction de jeunes au niveau des instances élues dépendent notamment des partis politiques. « J’espère avoir une majorité de jeunes aux assemblées nationales, régionales, au niveau des wilayas et des municipalités. Si les partis présentent des jeunes, c’est une excellente chose. La société civile peut aussi présenter des jeunes : enseignants, magistrats, avocats, universitaires. Nous sortons 250.000 universitaires par an », a-t-il déclaré.

Interrogé sur bouleversements politiques ont eu lieu en Afrique depuis 2011, M. Tebboune a affirmé que l’Algérie a eu « son printemps en 1988. « La société s’est métamorphosée, le pouvoir aussi. Le multipartisme a aidé à l’introduction de nouvelles idées. Le pays a commencé à sortir de l’économie socialiste et administrée ». Il évoque un « dérapage en 1992 et cette démocratie débutante a été « squattée » par un mouvement islamiste ». Le Haut conseil de sécurité (HCS) avait décidé, le 12 janvier 1992, d’annuler le second tour prévu pour le 16 janvier, à la suite de la victoire, au premier tour, le 26 décembre 1991, des islamistes du Front islamique du salut (FIS) avec 188 siège. « Nous nous prévalons de l’exception au Maghreb, en Afrique et dans le monde arabe. Nous sommes le seul pays qui s’est libéré au prix d’une guerre très longue et très coûteuse puis d’une révolution qui a rejeté presque toute l’organisation laissée par l’ex-colonisateur », a-t-il ajouté.

« A la fin des années 2012-2014, on a revécu les mêmes déviations avec un pouvoir personnel adossé à la kleptocratie qui s’est emparée des richesses du pays. Cela a donné le « hirak béni » du 22 février. Les pays maghrébins ont fait leur mue, le reste de l’Afrique est resté malheureusement sur l’héritage colonial », estime M. Tebboune. A propos de la situation au Mali, il estime que la « crise est triple ». « Une crise politique, de remise en cause presque générale de la gouvernance – telle qu’elle était exercée par le président Ibrahim Boubacar Keita – doublée par une fragilité économique et sociale extrême », explique-t-il.

Il affirme que « la solution malienne est à 90 % algérienne. C’est une vérité géographique et historique. Depuis leur indépendance et la nôtre, il n’y a pas un trimestre où l’Algérie ne s’est pas occupée à régler des contentieux ethniques et géographiques. Lorsque j’étais préfet dans une région limitrophe du Mali, j’avais des contacts et des déplacements fréquents avec le gouverneur de Gao et de Tombouctou », a-t-il témoigné. « (…) La solution réside dans les accords d’Alger. Concernant la Libye, le chef de l’Etat estime que « la crise se traduit par un Etat en dehors de ses limites territoriales où il n’y a pratiquement plus d’institutions, dans un pays sans réel héritage institutionnel avant la révolution ». « Pour reconstruire la Libye, il faut commencer par bâtir la légitimité populaire. Il faut donc organiser des élections, quitte à le faire d’abord région par région », estime encore M. Tebboune. « Ensuite, la démarche consistera à reconstruire toutes les institutions : Assemblée nationale, élection d’un Premier ministre, peut-être même d’un président de la République ».

Sur la révision constitutionnelle, dont la campagne référendaire débute ce mercredi 07 octobre 2020, Abdelmadjid Tebboune a souligné « les conséquences de ces prolongements successifs » de mandats présidentiels via des révisions constitutionnelles. « Je m’interdis de juger mes pairs et ne jette la pierre à personne (…) Le président Zeroual avait fixé une limite à deux mandats. Moi j’y tiens personnellement, aussi bien pour la présidence que pour le Parlement. Dix ans, c’est suffisant pour exprimer ses idées, développer son schéma de développement politique », a-t-il déclaré.

Tebboune, qui rappelle que la « Constitution est un document sacré », affirme que « plus personne ne pourra toucher la Constitution pour [réaliser] un troisième mandat ». Une affirmation déjà faite par l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, lorsqu’il présentait la révision constitutionnelle de 2012, qui a réintroduit la limitation des mandats présidentiels à deux exercices dans son article 74. Instauré dans la Constitution de 1996, le principe avait été amendé en 2008 par le président Abdelaziz Bouteflika, lui permettant ainsi de se représenter à un troisième mandat en avril 2009, puis à un quatrième en avril 2014. « S’agissant des révolutions récentes, les pays maghrébins comme la Tunisie ont fait leur mue. Nous avons fait la nôtre. Le reste de l’Afrique est malheureusement resté sur l’héritage colonial. La misère, la pauvreté, la non-structuration réelle des Etats s’est traduit par une certaine fragilité dans la gouvernance. Je souhaite personnellement que ce qui s’est passé au Mali ne soit pas le début d’un Printemps africain », a-t-il ajouté.

Le président Tebboune a de nouveau exprimé sa « confiance en le président Macron, en son raisonnement, en sa probité, sa manière de voir les choses. Nous nous entendons très bien sur beaucoup de sujets même s’il y a des lourdeurs qui le freinent, de temps en temps », a-t-il dit.

Concernant les relations bilatérales, « il est allé assez loin. Par rapport à la gestion de la Libye et du Mali, les visions sont assez proches. Nous, notre vision est purement fraternelle. Nous n’avons aucune ambition géopolitique ou économique mais de sauvetage de nos pays frères. La vision, qui ne tient pas uniquement au président de la République française, est peut-être une vision de puissance, d’ex-puissance coloniale », a-t-il estimé. « Mais l’objectif est le même: c’est de stabiliser le Mali, de l’aider à éradiquer le terrorisme. On peut travailler ensemble sans que les actions des uns soient antonymiques à celle des autres. En partenaires égaux – et je maintiens égaux », a conclu M. Tebboune.

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Par

 Merouane Mokdad

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