AGRICULTURE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH –
ESSAI MAKHLOUF AZIB- « LE DÉSORDRE AGRICOLE »
Le désordre agricole.Echecs
et défis du secteur. Essai de Makhlouf Azib. Editions Dalimen, Alger 2019, 172 pages, 800 dinars
« En
management, il est admis que la meilleure façon de programmer un échec d’un
projet c’est de le faire gérer par le moins compétent possible » (p 20).
C’est l’extrait le plus représentatif de ce qu’a développé, en filigrane de ses exposés
, l’auteur . Le secteur
agricole (dont les décideurs commencent à peine à en être fiers en raison de sa
production qui aurait –enfin - égalé celle de la rente pétrolière depuis un
certain temps en baisse) « renaît » de ses cendres (ou bien plutôt,
émet des espoirs de croissance réelle). Après des décennies de mauvaise gestion
–surtout les trois dernières - , mis à part quelques rares exceptions
qui ne durèrent pas (ex du Barrage vert). Tout le reste a été une longue liste
de beaux projets inaboutis, car malade de la « discontinuité » , de la bureaucratie et, surtout, de la malveillance…..
celle qui a fait la fortune de certains, ici, en Algérie même, ou à l’étranger .
Le drame est
présent dans presque tous les
sous-secteurs dont le plus représentatif est bien le « fameux » et ambitieux « Pnda » (programmes de reconversion des terres, de
mise en valeur par la concession, promotion des jeunes investisseurs et du développement rural, de développement de
la production des semences, d’organisation de la profession agricole et des
espaces interprofessionnels…). Des programmes et des objectifs –mal
préparés- non atteints et/ou dévoyés, « ce
qui a conduit à des échecs assortis de véritables scandales »…..non suivis
de sanctions.
Dans ce cadre le programme de mise en valeur des terres par
la concession a été l’illustration parfaite de la « gabegie à grande
échelle ». 600 000 ha concernés, 72 milliards de dinars à
« investir, 50 000 concessionnaires à installer…..une Epe, la « Générale des concessions agricoles , Gca »….avec à sa tête d’abord un architecte puis un
urbaniste…….et les études des projets (passant par le Bneder,
bureau d’études public ) octroyés , pour
plus de 50%, à des entreprises rattachées ,via des prête-noms ,à un responsable
politique du Fln, « dénoncé à maintes reprise par la presse »….Toute
l’enveloppe est consommée « alors que les réalisations effectives et
réelles sur le terrain ne sauraient en aucun cas dépasser les 20% » .
On relève plusieurs
exemples aussi navrants que « croustillants » ,
tout en sachant que l’auteur en « avait gros sur le cœur » :
Ainsi celui de la
lutte contre le criquet pèlerin (2003-2005).120 millions de dollars
débloqués….et un achat de quantités considérables de pesticides à des coûts
très élevés…..pesticides qui « sont aujourd’hui encore stockés dans des
conditions inappropriées dans différents endroits du pays » ….et un autre
achat de milliers (plus de 80 000) épandeurs dorsaux…. « au moment où les marocains,
confrontés au même phénomène, n’avaient déboursé que 36 millions de
dollars en ayant acquis 10 hélicoptères pour le traitement aérien de l’invasion acridienne »
Ainsi des
statistiques et de la « manipulation des chiffres »…une
« obsession maladive des responsables du secteur agricole …Oaic, Ccls, Madr….».Mais
pas que !
Ainsi….ainsi…..
L’Auteur : Né en 1954 à M’Zita (Bordj
Bou Arréridj). Universitaire (Docteur d’Etat
es-sciences), enseignant et chercheur
(agronomie et pédologie et techniques de la communication) dont Recteur de
l’Université de Laghouat (2007-2010), durant seize années , cadre au ministère en charge de l’agriculture
et du Développement rural (dont Ig et Pdg de la Sgp/Sgda)
Sommaire : Avant-propos/ De quelques
considérations générales/ 24 chapitres allant de « l’avènement du Pnda » à « l’Inspection générale » en
passant par « le programme de mise en valeur des terres par la
concession » , « les programmes des jeunes investisseurs » et
« la société des courses » à
« la mécanisation » et « la production animale »…/Que
faire ?/ Anecdotes
Extraits : « Le
rapport de force au sein du monde rural, connu par son labeur honnête, sincère
et efficace s’est trouvé inversé en
faveur des forces de l’argent et de l’enrichissement sans effort et sans
sueur » (p 30), « Faire oublier le scandale et éviter la
médiatisation. Cette façon d’agir est révélatrice des turpitudes d’un système
opaque qui ne punit jamais les acteurs malveillants, s’il ne les encourage pas
à poursuivre leur sale besogne. L’échec du système arriverait inévitablement
tôt ou tard du fait que les auteurs ne respectent même pas les règles
légiférées par leur propre soin » (p 44) , « A la guerre du pétrole
et à celle de l’eau, succèdera la guerre de la semence » (p 61),
« L’utilisation biaisée des données statistiques entretient le flou,
masque les échecs des responsables, et plus grave encore , minimise les efforts
personnels des agriculteurs, éleveurs ou même transformateurs qui voient leurs
propres résultats réalisés dans la difficulté , dilués dans des chiffres qui ne
reflètent pas la réalité » (p 101)
Avis : Un titre qui, au départ, peu
paraître rebutant mais qui, au fil des pages et des chapitres, vous plonge dans
un « autre » monde (si vous ne le connaissez pas)aux
difficultés innombrables mais aux espoirs multiples. Pour peu qu’on y mette un
peu (ou beaucoup selon le champ) d’ ordre.
Citations : « Il n’y a pas
d’arme plus destructrice et plus fatale pour le sort d’une structure du savoir
que la marginalisation et le manque de considération » (p 36), « En
toutes circonstances, celui qui détient le savoir ne meurt jamais. Il germe
autant que la semence à chaque fois que les conditions de germination sont
réunies » (p 61), « Il n’y a pas plus vulnérable pour une nation que
d’être menacée dans sa sécurité alimentaire. Attention, un peuple qui perd son
pain perd sa raison. Une citation algérienne dit avec perspicacité,
« c’est le ventre qui porte les jambes » (p 61), « Le mal de ce
système politique n’est pas uniquement sa malveillance mais surtout son
incompétence, son insouciance et son ignorance » (p 61), « L’histoire
nous a appris que la nation qui réalise des exploits le doit à de Grands hommes
ayant pris en main ses destinés. Nulle nation ne peut aspirer au meilleur quand
ses dirigeants sont dépourvus de grandeur d’âme et n’agissent que pour leurs
propres intérêts au détriment de ceux du peuple » (p 153)