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Essai Makhlouf Azib - "Le désordre agricole"

Date de création: 27-09-2020 19:17
Dernière mise à jour: 27-09-2020 19:17
Lu: 971 fois


AGRICULTURE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH – ESSAI MAKHLOUF AZIB- « LE DÉSORDRE AGRICOLE »

Le désordre agricole.Echecs et défis du secteur. Essai de Makhlouf Azib. Editions Dalimen, Alger 2019, 172 pages, 800 dinars

« En management, il est admis que la meilleure façon de programmer un échec d’un projet c’est de le faire gérer par le moins compétent possible » (p 20). C’est l’extrait le plus représentatif de ce qu’a développé, en filigrane de ses exposés ,  l’auteur . Le secteur agricole (dont les décideurs commencent à peine à en être fiers en raison de sa production qui aurait –enfin - égalé celle de la rente pétrolière depuis un certain temps en baisse) « renaît » de ses cendres (ou bien plutôt, émet des espoirs de croissance réelle). Après des décennies de mauvaise gestion –surtout les trois dernières -  , mis à part quelques rares exceptions qui ne durèrent pas (ex du Barrage vert). Tout le reste a été une longue liste de beaux projets inaboutis, car malade de la « discontinuité » , de la bureaucratie et, surtout, de la malveillance….. celle qui a fait la fortune de certains, ici, en Algérie même, ou à l’étranger .

Le drame est présent dans presque  tous les sous-secteurs  dont le plus représentatif est bien  le « fameux » et ambitieux   « Pnda »  (programmes de reconversion des terres, de mise en valeur par la concession, promotion des jeunes investisseurs et  du développement rural, de développement de la production des semences, d’organisation de la profession agricole et des espaces interprofessionnels…). Des programmes et des objectifs –mal préparés-  non atteints et/ou dévoyés, « ce qui a conduit à des échecs assortis de véritables scandales »…..non suivis de sanctions.

Dans ce cadre  le programme de mise en valeur des terres par la concession a été l’illustration parfaite de la « gabegie à grande échelle ». 600 000 ha concernés, 72 milliards de dinars à « investir, 50 000 concessionnaires à installer…..une Epe, la « Générale des concessions agricoles , Gca »….avec à sa tête d’abord un architecte puis un urbaniste…….et les études des projets (passant par le Bneder, bureau d’études public )  octroyés , pour plus de 50%, à des entreprises rattachées ,via des prête-noms ,à un responsable politique du Fln, « dénoncé à maintes reprise par la presse »….Toute l’enveloppe est consommée « alors que les réalisations effectives et réelles sur le terrain ne sauraient en aucun cas dépasser les 20% » .

On relève plusieurs exemples aussi navrants que « croustillants » , tout en sachant que l’auteur en « avait gros sur le cœur » :

Ainsi celui de la lutte contre le criquet pèlerin (2003-2005).120 millions de dollars débloqués….et un achat de quantités considérables de pesticides à des coûts très élevés…..pesticides qui « sont aujourd’hui encore stockés dans des conditions inappropriées dans différents endroits du pays » ….et un autre achat de milliers (plus de 80 000) épandeurs dorsaux…. « au moment où les marocains,  confrontés au même phénomène, n’avaient déboursé que 36 millions de dollars en ayant acquis 10 hélicoptères pour le traitement  aérien de l’invasion acridienne  »

Ainsi des statistiques et de la « manipulation des chiffres »…une « obsession maladive des responsables du secteur agricole …Oaic, Ccls, Madr….».Mais pas que !

Ainsi….ainsi…..

L’Auteur : Né en 1954 à M’Zita (Bordj Bou Arréridj). Universitaire (Docteur d’Etat es-sciences), enseignant et  chercheur (agronomie et pédologie et techniques de la communication) dont Recteur de l’Université de Laghouat (2007-2010), durant seize  années ,  cadre au ministère en charge de l’agriculture et du Développement rural (dont Ig et Pdg de la Sgp/Sgda)

Sommaire : Avant-propos/ De quelques considérations générales/ 24 chapitres allant de « l’avènement du Pnda » à « l’Inspection générale » en passant par « le programme de mise en valeur des terres par la concession » , « les programmes des jeunes investisseurs » et « la société des courses »  à « la mécanisation » et « la production animale »…/Que faire ?/ Anecdotes

Extraits : « Le rapport de force au sein du monde rural, connu par son labeur honnête, sincère et efficace s’est trouvé inversé  en faveur des forces de l’argent et de l’enrichissement sans effort et sans sueur » (p 30), « Faire oublier le scandale et éviter la médiatisation. Cette façon d’agir est révélatrice des turpitudes d’un système opaque qui ne punit jamais les acteurs malveillants, s’il ne les encourage pas à poursuivre leur sale besogne. L’échec du système arriverait inévitablement tôt ou tard du fait que les auteurs ne respectent même pas les règles légiférées par leur propre soin » (p 44) , « A la guerre du pétrole et à celle de l’eau, succèdera la guerre de la semence » (p 61), « L’utilisation biaisée des données statistiques entretient le flou, masque les échecs des responsables, et plus grave encore , minimise les efforts personnels des agriculteurs, éleveurs ou même transformateurs qui voient leurs propres résultats réalisés dans la difficulté , dilués dans des chiffres qui ne reflètent pas la réalité » (p 101)

Avis : Un titre qui, au départ, peu paraître rebutant mais qui, au fil des pages et des chapitres, vous plonge dans un « autre » monde (si vous ne le connaissez pas)aux difficultés innombrables mais aux espoirs multiples. Pour peu qu’on y mette un peu (ou beaucoup selon le champ) d’ ordre.

Citations : «  Il n’y a pas d’arme plus destructrice et plus fatale pour le sort d’une structure du savoir que la marginalisation et le manque de considération » (p 36), « En toutes circonstances, celui qui détient le savoir ne meurt jamais. Il germe autant que la semence à chaque fois que les conditions de germination sont réunies » (p 61), « Il n’y a pas plus vulnérable pour une nation que d’être menacée dans sa sécurité alimentaire. Attention, un peuple qui perd son pain perd sa raison. Une citation algérienne dit avec perspicacité, « c’est le ventre qui porte les jambes » (p 61), « Le mal de ce système politique n’est pas uniquement sa malveillance mais surtout son incompétence, son insouciance et son ignorance » (p 61), « L’histoire nous a appris que la nation qui réalise des exploits le doit à de Grands hommes ayant pris en main ses destinés. Nulle nation ne peut aspirer au meilleur quand ses dirigeants sont dépourvus de grandeur d’âme et n’agissent que pour leurs propres intérêts au détriment de ceux du peuple » (p 153)