CULTURE-
PERSONNALITES - SLIM
©Ali
El Hadj Tahar, fb septembre 2020 et Le Corurier d’Algérie 17 août 2020
Slim, de son vrai nom Menouar Merabtène, né le 15 décembre 1945
à Sidi Ali Benyoub, près de Sidi-Bel-Abbès, est l’un des artistes visuels
algériens les plus connus, et certainement de tous les bédéistes, dessinateurs
de presse et caricaturistes, en tout cas aussi connu que Kateb Yacine,
Issiakhem, El Anka, Khelifi Ahmed ou Fergani. Et c’est qu’il a bossé pour
mériter cette consécration.
Slim rime avec exigence, et ceux qui n’ont pas suivi sa carrière
depuis les années 1980 seraient étonnés de voir que son œuvre est extrêmement
prolifique puisqu’elle compte près de 30 albums, ce qui en fait l’artiste le
plus productif de nos bédéistes et caricaturistes, du moment qu’il est les deux
à la fois. Moustache et les frères Belgacem, sorti en 1968 est son premier album,
suivi de Zid Ya Bouzid (1969), de Oued Side Story, un clin d’œil au fameux film
américain West Side Story (1970), puis Do Ré Mi Fakou ! (1971). Les histoires
ne manquent pas de mordant ni de courage politique, et Slim n’allait pas de
main morte quand il fallait critiquer les corrompus, corrupteurs et autres
affairistes et magouilleurs. Ainsi donc, en 1973, il publie Taoura, Taoura...,
en soutien à la révolution agraire, puis La grande Kechfa (1973), suivi de Les
Pénuristes (1974), car c’était l’époque des étals vides à cause des profiteurs
qui contrôlaient souks et marchés. En plein boom des barbus, qui ne tarderont
pas à se révéler sicaires et coupeurs de têtes, sort Le Monde merveilleux des
Barbus (1995), puis Aïnterdit (1996), suivi de Retour d'Ahuristan (1997) et
Walou à l’horizon (2003).
En 1965, Slim publie sur l’hebdomadaire Algérie actualité (qui
sortait alors en format Berlin, puisque le tabloïd n’existait pas encore) des
strips de 3/4 images avec un personnage, l'ancêtre de Bouzid appelé alors
"Boutartiga". Boutartiga devient "Mimoun" dans Moustache et
les frères Belgacem mais qui aura un rôle mineur. Dans Moustache et les frères
Belgacem, l’avatar s’appelait alors Mimoun, avec quelques traits de celui qui
allait devenir le héros populaire de la RA, révolution agraire pour ceux qui
ont connu les années 1970. Par la suite, en juin 1969, sort Zid ya Bouzid, un
strip quotidien sur la dernière page du journal "El-Moudjahid". Les
deux personnages n’ont pas tardé à devenir des compagnons inséparables des
Algériens, du moins de ceux qui lisent. Le strip du quotidien El Moudjahid
propulsera donc le personnage de Bouzid dans les discussions des cafés et
nourrira blagues et discussions. Bouzid et Zina, un couple made in Algeria
ainsi que leur chat dit El-Gatt, parfois mdigouti, parfois pas mais toujours
espiègle, deviendront des célébrités, et paraitront dans des publicités, en
affiches aussi...
C’est 1964 que Menouar, puisque c’est son vrai prénom, encore
adolescent, débarque dans la capitale. Après avoir lu dans la presse qu’un
concours était organisé par l’Institut National du Cinéma de Ben Aknoun pour
une formation dans le domaine de la réalisation et des techniques de la prise
de vue et du montage, Slim réussit l’étape du pré-concours à Oran avant de réussir
le concours sur Alger. Aux deux concours, il y avait 1000 concurrents, et parmi
les lauréats, il y avait Sid Ali Mazif, Merzak Allouache, Belloufa, Sid Ali
Fettar, entre autres. Les Polonais Leznevitch et Kaminski, ainsi que l’Algérien
Kerzabi enseignaient dans cet institut qui sera malheureusement fermé quelques
années après. Slim y a fait deux années, dans la spécialité prise de vue et en
tant qu’interne à la cité des Asphodèles. C’est là, en 1964, que Slim a créé
son personnage fétiche, Bouzid, toujours accompagné de sa compagne Zina. Le
couple s’est rencontré, semble-t-il, non loin de Oued Tchicha. Bouzid, un
tantinet libertin, est un aventurier qui ne se mariera jamais avec sa belle et
ne se séparera jamais de son tout aussi fidèle chat.
Le volontariat sous Boumediène et les devoirs civiques
Mérabtène aurait pu terminer sa carrière derrière une caméra à
suivre les instructions d’un réalisateur ou devenir réalisateur lui-même mais
le hasard a voulu qu’il rencontre des bédéistes, notamment Maz, et comme il en
faisait un peu, de la BD même quand il était écolier, cela l’a ramené à sa
vocation première. En tout cas, que l’image se déroule toute seule sur un écran
de kinescope ou qu’on la déroule sur un album, c’est toujours une affaire
d’histoire et de la manière dont elle est racontée. Et c’est là qu’intervient
l’art. D’ailleurs, dans les années 1970, Slim va prouver son lien indéfectible
avec le 7e art par des affiches pour Leila et les autres de Sid Ali Mazif
(1977), Omar Gatlato (1976) et L’Homme qui regardait les fenêtres (1982) de
Merzak Allouache, ainsi que de Hassen Taxi de Mohamed Slim Riad. Il a également
réalisé de nombreuses affiches pour la cinémathèque algérienne.
Les années 1960 sont chargées de défis et d’espoir pour tout le
peuple algérien. « Un seul héro, le peuple » n’était pas un slogan creux : il
se concrétisait pour chaque jeune qui avait un peu de talent. Slim avait trouvé
le sien. Qui eut dit que l’indépendance redonnerait de l’espoir à cet enfant
qui n’avait pas vu son père pendant cinq années ? Ce père, Mokhtrar, arrêté en
1957 pour activité terroristes comme disaient les forces coloniales à l’époque,
a purgé le restant de la révolution à la prison d’Oran puis à la prison
centrale d’Orléanville (Chlef). « On mangeait du pain et buvait du lait matin
et soir quand mon père était en prison », me dit Menaouar. L’indépendance a
ramené le père, permis de sortir de la misère et même au fils d’aller étudier à
Alger. Ce sont ces jours de pain noir et ces jours sans pain qui ont forgé
l’enfance et la jeunesse d’antan.
Et c’est la misère sous le colonialisme qui permet d’apprécier
l’indépendance tout en étant critique mais en veillant à ne pas compromettre
cette indépendance ainsi que la paix et la sécurité qui vont avec. Si la bande
dessinée, le cinéma et les livres ont forgé la sensibilité et le sens
esthétique chez cette jeunesse dont Slim faisait partie, les conditions
d’existence ont forgé son âme, sa conscience politique et son amour
indéfectible du pays. C’est cette conscience qui a maintenu Slim attaché à son
pays, en dépit de toutes les occasions qu’il a eues de partir et même les
tentations. La mission était de donner au pays comme les parents ont donné. Le
devoir de toujours payer sa dette à la patrie est tatoué dans la chair de cette
génération-là.
La guerre a façonné son esprit et son cœur. Et, l’indépendance
venue, il va évoluer dans les milieux de la presse et des arts, participer de
la création d’une Algérie fière où l’artiste autant que le cinéaste, le
journaliste, l’ouvrier ou le paysan se sentait impliqué dans cette genèse,
surtout durant la révolution agraire, dès 1972. Pour beaucoup de jeunes, la RA
était l’expérience exaltante de participer d’une œuvres essentielle. Cette
expérience, Slim la vivra à La République d’Oran, avec la plume en guise de
pioche et de faucille.
Mais revenons à 1969. Cette année-là, la revue M’quidech est
lancée et Slim a aussitôt accroché sa bulle aux siennes. Il crée Moustache et
les frères Belgacem pour cette revue qui comprenait les pionniers de la bande
dessinée nationale : Aram, Ahmed Haroun, Maz, Bouslah et Menaouar qui avait
déjà opté pour Slim comme nom d’artiste. Slim, un personnage d’un quelconque
film western américain, est le surnom donné à Menaouar par ses amis d’enfance.
M’quidech était édité par la Société nationale d'édition et de diffusion et a
cessé de paraître en 1973. C’est donc pour cette revue que Slim a refaçonné son
personnage fétiche, Bouzid, toujours accompagné de sa compagne Zina et du Gatt
M’digouti (le chat dégoûté ! !), de son fidèle ami Ameziane, un Kabyle
sympathique, ainsi que l’ennemi de Bouzid, le méchant Sid Esadik, un intégriste
notoire. Bouzid et Zina ne sont donc pas sortis du néant.
La parution du premier illustré algérien, M’quidech, sera
déterminante pour la BD nationale puisqu’il fait connaître des noms qui n’ont
malheureusement pas encore été remplacés en dépit du nombre important de jeunes
qui ont émergé depuis dans ce domaine. La revue, qui porte le nom du célèbre
personnage de la tradition populaire, connait une grande diffusion chez les
lecteurs à une époque pourtant dominée par la BD américaine, française et belge
et dont se sont nourries des générations entières d’Algériens. Ancrée dans la
culture populaire, M’quidech est l’œuvre d’une bande d’adolescents dont la
moyenne d’âge n’excédait pas 16 ans. En plus des fondateurs cités plus haut, il
y avait Amouri, Melouah, Tenani, Aïder, Assari, Guerroui, Tidadini, Zeghidour,
Rahmoune, Hebrih, Aït Hammoudi, Ferhat, Taïbi, Riad, Beghdadli, Oulmane,
Khiari…
Témoin présent d’une Algérie nouvelle
La publication, en 1969, dans le quotidien en langue française
El Moudjahid de Zid ya Bouzid propulse Slim sur le devant de la scène, tout en
catapultant Zina première célébrité féminine dans une société qu’elle va
essayer de tirer vers l’avant, en donnant des répliques brûlantes au héros en
dépit de sa voilette et son haïk de femme demi-libérée. Au début, Slim voulait
donc faire du cinéma, et a fait deux années dans le premier institut national
mais dès qu’il a accroché à la BD il n’a pas changé d’un iota bien qu’il va
plus tard réaliser quatre films d’animation, dont Galal, Gasba et dinars,
Bouzid et la superamine et Bouzid et le train.
A partir de 1981, Slim collabore à Algérie Actualité. Cette
version années 1980 du vieil hebdomadaire est l’indicateur de changements
politiques et philosophiques à la tête du pouvoir comme au sein de
l’intelligentsia algérienne. Son nom va être inséparable de celui du pétillant
Ameyar Kheireddine, d’Abdelkrim Djaad, d’Abdou B., de Hocine Mézali, Ziani
Chérif Ayyad, Rouiched, Dahmane El Harrachi et de tous les artistes et
intellectuels qui donnaient une saveur particulière à la capitale… Une Algérie
nouvelle venait au monde, et Slim autant que Slimane Benaïssa de Babor Ghraq,
que Kateb Yacine toujours rebelle quoiqu’exilé de l’intérieur à SBA,
l’extrayaient au forceps vers un nouveau jour. Puis un rouquin et un imberbe
issus de la secte des Assassins ont essayé d’avorter les idéaux du peuple de
novembre. Qui continuera malgré tout sa révolution, y compris par la BD. Mais
pardi, d’où vient ce Gatt mdigouti qui se fourre partout ? Slim a toujours eu
des chats. L’un d’eux, dans son enfance, l’a marqué : il a tenu à lui rendre
hommage en ajoutant ce graphisme miaulant, une énième signature dans un dessin original.
Bon, il exagère Slim quand il dit qu’on ne peut pas parler de
politique en Algérie puisqu’il le fait depuis l’époque de Boumediène, qui
devait sourire fièrement sous sa moustache de rouquin, en dégustant ses dessins
sur le quotidien de la Rue de la Liberté ou sur La République d’Oran. Durant la
période du terrorisme, Merabtène est contraint à l’exil mais il revient vite,
l’air du bled étant salvateur pour lui comme pour son couple et leur chat. Il a
certainement irrité les terroristes et autres wahhabites, Slim, quand ils
agitaient leurs drapeaux noirs. La mort dans l’âme, il quitte Alger en 1992
pour le Maroc, où il collabore à Rivages, La Vie économique, Les Nouvelles de
Tanger, À l’Affiche. A Paris ensuite, il collabore avec L’Humanité et publie
des dessins dans plusieurs journaux et magazines. Puis les embruns d’Alger le
rappellent à la capitale qui déroule ses avenues autour de la plus grande baie
du monde.
Les bandes dessinées de Slim sont des condensés de l’histoire du
pays. On sent l’évolution politique, économique et sociale du bled dans les
seuls titres des albums : comment ne pas comprendre qu’il y a un air de liberté
en même temps qu’un peu de désillusion dans La Boîte à chique et Il était une
fois rien ? Dans les années 1980, les pénuries étaient dures mais le peuple
n’en faisait pas un drame et la jeunesse riait de tout, avec des blagues à se
rouler par terre sur le président Chadli, sur les queues pour acheter des
haricots en vente concomitante contre un marteau ou une pioche… Les difficultés
matérielles de la société, qui avançait cependant, permettaient à l’artiste
d’avoir sa matière première, d’en rire afin de dégoupiller la bombe de la
colère. L’art était un exutoire, une soupape de sécurité et Slim savait jouer
son rôle d’agent… hilarant.
Une ère politique, sociologique, économique de l’Algérie se
profile derrière chaque titre d’album, et tous réunis résument l’aventure du
pays depuis l’époque de Boumediène, la belle époque si l’on croit les yeux
brillants de la jeunesse d’alors, les images de femmes sortant seules le soir
bardées de bijoux pour aller à un mariage, les enfants qui rigolaient de plein
cœur… L’espoir était à chaque coin de rue… Mais beaucoup de ces promesses ont
été trahies, et c’est pour cela qu’ultérieurement on va retrouver plein de
Belkhadem, d’Ouyahia et de Bouteflika dans les dessins de l’artiste… « Il était
une fois un président imaginaire porté au pouvoir en 1999 dans un pays
imaginaire. Tout semblait bien marcher dans ce pays : les gens étaient obligés
d’être heureux. Tout ce qu’on leur promettait était imaginaire… » C’est ce
qu’il assène, et bien d’autres piques, dans l’album Tout va bian qui sortait
dans le Soir d’Algérie, alors dirigé par Fouad Boughalem.
La dérision et l’autodérision au lieu des larmes
«On aurait pu exploiter mes personnages dans l’enseignement
national», dit amèrement Slim, avant d’accepter, avec flegme, que «
malheureusement, je suis dans un pays où certaines choses ne fonctionnent pas.»
Mais nul n’est prophète en son pays, surtout en Algérie où beaucoup de
créateurs et de génies se sont retrouvés sur la marge. Cependant, là où Slim a
vraiment été blessé, c’est lorsqu’un PDG de l’ONDA, la éconduit vers 2016 –le
directeur se reconnaitra – en refusant de financer la publication d’un de ses albums,
alors que l’argent été dilapidé à coup de milliards par le ministère de la
culture.
« Il m’arrive des fois de me relire, et je ris de bon cœur »,
dit Slim. Heureusement, d’autant que l’humour ne s’use que si l’on ne s’en
sert. Slim, comme tous les bédéistes, se base parfois sur ce qui a l’air
trivial. En réalité, ce qui semble relever du premier degré est d’une grande
profondeur dans la mesure où il donne l’essentiel d’une culture et d’une
société, par l’esquisse de quelques traits originaux ou de caractères
introuvables chez d’autres communautés. Slim a ce génie du grand écrivain ou du
grand cinéaste qui sait résumer un peuple, une nation à travers des détails que
certains considéraient comme superflus. C’est pour cela qu’il a profondément
marqué la société algérienne avec tous ses personnages, pas uniquement Bouzid
et Zina. Des personnages qui sont un peu nous, qui ont quelque chose de nous,
pas seulement des paysans et des ruraux même si, en réalité, nous sommes tous
issus d’une société profondément ancrée dans le terroir, autant que Zina et
Bouzid.
Chez Slim, l’humour est fait de dérision et d’autodérision sans
jamais être auto flagellation, car l’artiste n’est ni sado ni maso mais
adorateur de rire et de plaisirs, et peu importe la dose pourvu que cela ne
dépasse pas le prix prescrit. Comme pour monsieur tout le monde, car le
créateur de Bouzid est un Bouzid lui aussi : il ne puise pas dans le coffre du
contribuable mais dans sa sueur pour mettre juste un peu de beurre sur ses
épinards. Et du nif, il en a, Slim, tout comme Bouzid et comme 99% de ses
concitoyens excepté ceux qui n’en ont pas. Son nif est de ne jamais stagner
pour mériter son salaire ou sa pige. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a dû
apprendre les techniques du traitement de l’image informatique et s’adapter à
l’ère de l’Internet.
Slim, c’est l’image nue, sans commentaire ou commentée, ou tout
simplement le commentaire sans image, comme il en fait souvent ces dix vingt
dernières années. Car l’artiste est un chroniqueur accompli qui sait résumer
une situation en quelques phrases, y mettant ses jeux de mots, ses calembours,
ses dynamites hilarantes… En politique, ses bombes souterraines font mal mais
nul n’a osé le traîner devant un tribunal, ni Ouyahia, qui en a pris pour son
grade, ni Belkhadem, cette tête de fréro qui se prêtait bien à la fessée
graphique. En vérité, il a parfois dépassé les limites, Slim, mais les
rédacteurs en chef l’ont sauvé, « censuré », dit-il.
Entre la Bataille d’Alger et La pagaille d’Alger y a pas photo.
Parfois on explose de rire, d’autres, c’est le sourire ou encore un rire jaune.
Et c’est rare où l’on dit : « Non, là Slim a dépassé les bornes, il n’aurait
pas dû ! » C’est l’humour sans limites mais qui ne transgresse guère les bornes
de la bienséance, de la logique. Et aussi caustique a-t-il pu être, jamais la
loi ne lui a fait un reproche, car il appartient à la vieille école des
journalistes et dessinateurs qui connaissent les règles du jeu et savent ce que
media veut dire. « Pour la première fois la main de l’étranger photographiée en
gros plan ». Et des complots contre des complots ourdis combien en a-t-il ourdi
? Il assène : « L’Algérie va droit dans le mur. Il faut retirer le permis à
celui qui conduit l’Algérie ». Celui qui voulait briguer un 5e mandat en a pris,
des salves et des rafales !
Ayant fait un peu le tour de la vie et de l’œuvre de Merabtène,
on doit ajouter que Slim rime avec Siné, le dessinateur français, ami
indéfectible de l’Algérie et des Palestiniens, et premier dessinateur de
Révolution africaine. Ce qui nous ramène à l’Algérie des années 1960-70, cette
période pétillante de vie et de dynamisme qui a lancé des artistes à la fois
exigeants et pleins d’humilité. L’art était alors considéré comme un vecteur
d’émancipation de la société. Et la première société nationale, Sonatrach,
donnait une grande importance à l’art puisque dans son département design, il y
avait de grands artistes comme Siné, Michel Waxman et Roberto Hamm, un grand
designer argentin qui avait créé la typographie officielle de Sonatrach. En
1975, Hamm écrira un livre intitulé Pour une calligraphie arabe, aux éditions
Sindbad. « Tous ces grands graphistes et designers ont été réunis par Sid Ahmed
Ghozali qui a été un grand manager de Sonatrach », me dit Slim. Ces grands
artistes étrangers ont fait leurs premiers pas en Algérie, et Slim appartient
aussi à la génération qui a accueilli les grands chanteurs, musiciens,
écrivains et combattants internationaux qui ont fait d’Alger la Mecque des
révolutionnaires et des artistes engagés. On se désole aujourd’hui que notre
capitale et notre pays ne fassent plus rêver, pas même leurs enfants.