ECONOMIE-
OPINIONS ET POINS DE VUE- CNES- MEBTOUL ABDERRAHMANE
« Il ( Mohamed Salah Mentouri, ancien président du Conseil national économqiue et social) a nous a quitté le 05 septembre 2005
alors que l'Algérie aurait eu, aujourd 'hui,
besoin tellement de lui avec des idées novatrices d’une brûlante actualité, ce
brillant intellectuel et grand patriote, une très forte personnalité qui a fait
honneur à l'Algérie. Je l'ai côtoyé pendant plus de 10 ans en tant qu’expert
indépendant au niveau du CNES avec toujours le respect mutuel autour de
débats productifs contradictoires. Le grand hommage que l’on pourrait lui
rendre est de réhabiliter le CNES afin qu’il accomplisse sa
mission en toute indépendance au profit exclusif de l'Algérie dont il était un
ardent défenseur. Pour une Algérie nouvelle, loin des pratiques néfastes du
passé, il est contreproductif pour le pouvoir lui même, une allégeance en
contrepartie d'une rente.
1.- Le CNES a pour
mission, d’offrir un cadre de participation de la société civile, la
concertation nationale sur les politiques de développement économique et
social. Selon la loi en vigueur,
le CNES regroupe en son sein des membres représentatifs ou qualifiés désignés
pour un mandat de trois (3) ans, renouvelable une fois. Nous avons deux cent
(200) membres répartis comme suit: quatre-vingt (80) au titre des secteurs
économique et social; cinquante (50) au titre de la société civile; quarante
(40) au titre des personnalités qualifiées, désignées «intuitu personae»;
trente (30) au titre des administrations et institutions de l'Etat. L’article
204 de l'actuelle Constitution stipule que le «Conseil national économique et
social, ci-dessous dénommé le Conseil est un cadre de dialogue, de concertation
et de proposition dans le domaine économique et social. Il est le conseiller du
gouvernement» et l'article 205 que «le Conseil a notamment pour mission:
d'offrir un cadre de participation de la société civile, la concertation
nationale sur les politiques de développement économique et social; d'assurer
la permanence du dialogue et de la concertation entre les partenaires
économiques et sociaux nationaux; d'évaluer et d'étudier les questions
d'intérêt national dans les domaines économique, social, de l'éducation, de la
formation et de l'enseignement supérieur; de faire des propositions et des
recommandations au gouvernement. L'article 2 stipule que dans le cadre de ses
missions, le Conseil, institution consultative et cadre de dialogue et de
concertation dans les domaines économique et social, est chargé, d'offrir un
cadre de participation de la société civile, la concertation nationale sur les
politiques de développement économique et social, d'assurer la permanence du
dialogue et de la concertation entre les partenaires économiques et sociaux
nationaux et d'évaluer et d'étudier les questions d'intérêt national et de
faire des propositions et des recommandations au pouvoir public
2.-Excepté la période de feu
Mohamed Salah Mentouri, où le Cnes
a joué un rôle moteur pour avoir été une force de propositions, jusqu'à sa
démission en 2005, le CNES est en léthargie, ayant moi-même démissionné quelque
temps plus tard, ayant refusé d'avaliser des rapports de complaisance car étant
devenu un appendice du Premier ministère. Dans une interview amère, je le cite
«le CNES dérange quelque part, ce n'est un secret pour personne. C'est la
raison pour laquelle on a tout fait pour le réduire au silence», affirmant
avoir pris une décision «conforme» à ses principes et à ses convictions.
Sous sa période ce n’était
ni au président du CNES ni à à l’administration
de rédiger les rapports transmis au président de la république mais à
l'assemblée générale dont doit être issu le président du CNES, un cadre
de ministère ne pouvant contredire son ministre, évitant que les
conclusions de ces rapports proviennent en majorité, de ministères et
dont tant la présidence que le gouvernement sont déjà au courant, les experts
extérieurs, devant tenir compte de leurs sensibilités idéologiques, importance
en science sociales, servant seulement d’appoint. Or cette dernière n’a pas été
renouvelée depuis plus de dix ans. Il s’agit donc d’éviter d’assimiler le
CNES, qui a été mis sous scellé depuis de longues années, à un organe
administratif ou à un bureau d’études appendice du premier ministère
expliquant la démission de feu Mentouri. Depuis,
on est loin des pratiques des CNES dans le monde et de la période de feu Mentouri qui ont une relative autonomie de critiques
positives , évitant le dénigrement gratuit, avec des propositions
positives où c’est l’assemblée générale, présidé par le
Président du CNES en présence de la presse qui était partie
prenante , et non en catimini, ou après avoir entendu les différents
ministres ou des PDG de grandes institutions et entreprises pour
avoir une vision objective, un comité d’experts restreints , tenant
compte des avis de l’AG, élaborait les rapports de conjoncture qui
étaient publiés dans les médias , afin que l’opinion publique
ait une appréciation rentrant dans le cadre d’une société participative
débureaucratisée
3.- Dans l'actuelle Constitution sous la pression
des anciens Premiers ministres, ayant une vision bureaucratique autoritaire ne
tolérant pas la contraction, seule source de progrès, dans un but de
soumission à l'Exécutif, il est stipulé «qu'il est conseil du gouvernement».
Comme dans tous les pays du monde, où existe un Etat de droit, il est
souhaitable que dans la nouvelle Constitution qu'il soit une institution
indépendante «comme conseil de la nation» et pas seulement du gouvernement,
pouvant s'autosaisir, être saisi par le président de la République, l'APN, le
Sénat ou d'autres institutions stratégiques. C’est que le blocage
essentiel en Algérie réside en cette mentalité de la bureaucratie
centrale et locale de certains responsables , qui paralyse toute initiative
créatrice Comme note avec pertinence, un philosophe du XIX ème siècle à propos de ce fléau local et central qui ronge
la société algérienne : le bureaucrate amène avec lui le carcan, les lenteurs
les petitesses en oubliant la conscience et l'efficacité ; le but du
bureaucrate est de donner l'illusion d'un gouvernement même si l'administration
fonctionne à vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la
société majoritaire. Nous aurons ainsi une triple conséquence : une centralisation pour régenter la vie politique,
sociale et économique du pays ; l'élimination de tout pouvoir rival au nom
du pouvoir bureaucratique et la bureaucratie bâtit au nom de l'Etat des
plans dont l'efficacité sinon l'imagination se révèle bien faible.
4.- . D'une manière
générale, il y a urgence pour une cohérence dans la démarche de toute
politique, d'une synchronisation des institutions qui doivent coller tant aux
nouvelles mutations internes que mondiales. Les textes juridiques sont une
condition nécessaire mais non suffisante: l'important est d'agir sur le
fonctionnement de la société algérienne, fonction des rapports de force des
différentes composantes politiques, économiques et sociales, elle-même liée au
fonctionnent de l'économie mondiale afin que ces lois soient
applicables. Espérons pour le devenir de l’Algérie, dans le cadre d’un
Etat de droit, que tant le Conseil National de l’Energie, la Cour des
comptes, gelés entre 2000/2019, devant être redynamisés afin de tracer la
future politique énergétique du pays et de protéger les
deniers publics, que le CNES dans la future constitution soit érigé en
tant que « Conseil de la Nation » et pas comme
actuellement « Conseil du gouvernement » et que soient mis
fin aux mêmes pratiques bureaucratiques anciennes, source de
blocage, que le Président Abdelmadjid Tebboune
dénonce régulièrement, renvoyant à une nouvelle gouvernance.
Abdelrahmane Mebtoul,
Professeur des universités,
expert international, expert au CNES de 1995/2008