VIE
POLITIQUE- ENQUETES ET REPORTAGES- PROCES B. E. TLIBA, MER,2/9/2020
Le procès de Baha
Eddine Tliba s’est poursuivi tard dans la journée de
mercredi dernier au tribunal de Sidi M’hamed, à
Alger, avec les plaidoiries des avocats, clamant l’innocence des quatre
prévenus, en détention, avant que le verdict ne soit renvoyé au 9 septembre.
Le jour où Djamel Ould
Abbès, ex-secrétaire général du FLN, cité comme témoin
dans ce dossier, sera traduit devant le même tribunal et le même juge pour
«détournement» des fonds de la solidarité nationale.
Il faut dire que le lourd réquisitoire du
parquet a surpris aussi bien les prévenus que leurs avocats. Une peine de 10
ans de prison ferme assortie d’une amende de 8 millions de dinars a été
réclamée contre Baha Eddine Tliba
et Skander Ould Abbès, une autre de 7 ans ferme assortie d’une amende de 1
million de dinars contre Khelladi Bouchenak,
chargé de l’organisation des listes électorales au FLN, et une de 3 ans de
prison ferme et 1 million de dinars d’amende contre Mohamed Habchi,
agent immobilier, ainsi que la peine maximale contre Wafi
Ould Abbès (en fuite) avec
confirmation du mandat d’arrêt international, lancé contre lui, et la
confiscation des 18 biens de Tliba. Les avocats des
quatre prévenus présents ont plaidé la relaxe.
D’abord ceux de Baha
Eddine Tliba, l’ex-député FLN et vice-président de
l’Assemblée nationale. «Il pleure et souffre du fait qu’il soit mis en prison
alors qu’il n’a fait que dénoncer des faits qui relèvent du pénal. Il aurait
mieux fait de se taire. De dénonciateur de corruption, il devient inculpé pour
corruption», déclare la défense, avant de revenir sur les circonstances de
cette affaire. «Tliba s’est plaint au responsable de
la Sécurité intérieure. Il a collaboré avec lui et Oussama, un des officiers de Antar, pour mener l’enquête. Le juge d’instruction a
vérifié ses propos.
Pourquoi Tartag et
Oussama n’ont-ils pas été entendus comme témoins ?» se demandent les avocats.
Et de poursuivre : «Deux jours après l’arrestation des deux frères Ould Abbès, Tliba
a reçu un avertissement verbal, puis a été traduit quelques jours après devant
la commission de discipline du FLN. Les raisons n’ont aucun lien avec le 5e
mandat. Djamel Ould Abbès
en personne vous a dit que deux jours après leur incarcération, il a su que Tliba était derrière l’affaire.»
La défense revient sur la commission rogatoire
qui fait état des 18 biens de Tliba sur laquelle le
procureur a requis la confiscation de ces derniers, en disant : «Ces biens
sont antérieurs aux faits. Ils n’ont aucun lien avec l’affaire. De renvoi en
renvoi, et à la veille du procès, le 30 septembre dernier, le document est
joint au dossier. C’est une violation de la procédure. La confiscation ne peut
se faire que par le juge.» Les avocats récusent l’accusation de corruption en
l’absence, disent-ils, d’un agent public dans le dossier.
Propos qui suscitent la réaction du procureur
qui rappelle l’article 2 de la loi relative à la lutte contre la corruption et
renvoie la question à la défense : «Comment pouvez-vous dire qu’il n’y a pas
d’agent public dans le dossier ? La loi ne dit-elle pas qu’un député incarne
cet agent public ?» ajoutant à propos de la commission rogatoire : «Elle
était dans le dossier. Le juge l’a envoyée, la réponse a été transférée après
que l’affaire soir sortie de son bureau.»
Les avocats de Skander
Ould Abbès ont eux aussi
clamé l’innocence de leur mandant en tentant de relever ce qu’ils ont appelé
«des violations» de la procédure. «Tout est basé sur une enquête de la Sécurité
intérieure. Elle est restée sous le coude de février 2017 jusqu’à ce qu’elle
soit vidée par un procès-verbal de la Gendarmerie nationale en juin 2019. La
perquisition effectuée dans la villa 58 à Club des Pins et qui a permis, selon
les documents, de récupérer la somme de 48,676 millions de dinars et 200 000
euros ne comporte que l’adresse et pas les noms des personnes. Le montant saisi
a été mis, selon les documents du dossier, sur un compte de la Banque
d’Algérie, le 10 décembre 2018, sans aucune pièce justificative.
Le même montant a été retiré puis déposé en
décembre 2019, à la BADR, encore une fois sans pièces justificatives, sur la
base d’une ordonnance de dépôt du juge d’instruction de Chéraga,
avant que le dossier ne soit transféré au tribunal de Sidi M’hamed. Cela prouve que cet argent appartient aux services
de la Sécurité intérieure et non pas aux prévenus. C’est une affaire fomentée
de toutes pièces par ces services au profit d’autres parties qui n’ont pas été
inquiétées.
Après avoir prouvé que la liste des candidats
aux législatives de 2017 a été faite au CIC, par la commission présidée par Abdelmalek Sellal, Premier
ministre non affilié au FLN, et constituée de Noureddine
Bedoui, ministre de l’Intérieur, qui n’est pas membre
du FLN, Tayeb Louh,
ministre de la Justice et Mustapha Rahiel, chef de
cabinet de Sellal de rang de ministre, en présence
formelle du secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès qui l’affirme dans les procès-verbaux.
Pourquoi n’a-t-on pas entendu ces
personnalités ? Les agents de la Sécurité intérieure n’avaient pas la qualité
d’officiers de la police judiciaire pour enquêter sur ces faits, qui relèvent
de la corruption, alors que dans le dossier il n’y a pas de corrupteur et, de
surcroît, il a été mis sous le coude durant plus de deux ans. N’est-ce pas une
flagrante ingérence des services dans les affaires de justice ?» Les
avocats ne prennent pas de gants pour s’attaquer aux services de la Sécurité
intérieure en disant : «Nous n’avons trouvé aucune demande de la direction
de Sécurité intérieure adressée au procureur de Chéraga
pour la perquisition et aucune raison de la suspicion n’a été indiquée dans les
documents.
Ce sont des vices de forme graves qui auraient
dû annuler toute la procédure», déclarent les avocats avant de se demander :
«Pourquoi se sont-ils empressé d’arrêter les prévenus, au lieu de les laisser
jusqu’à ce qu’ils encaissent l’argent pour les prendre en situation de flagrant
délit ?»
La défense de la société de Wafi Ould Abbès,
en fuite à l’étranger, a plaidé la levée de la saisie sur le bateau de pêche
qu’elle possède et qui fait travailler 13 marins, qui sont, selon elle, au
chômage. «Ce bateau a été acquis en 2008, avant les faits.
Nous avions demandé à la chambre d’accusation
de lever la saisie pour que les marins puissent reprendre leur travail, mais
elle a refusé. Pourtant, Wafi Ould
Abbès s’est désisté de ses parts dans la société en
décembre 2018. La saisie de ce navire ne peut être justifiée», affirment les
avocats. En prenant la parole, tous les prévenus ont clamé leur innocence et
demandé la relaxe. Le président a mis l’affaire en délibéré et le verdict sera
connu le 9 septembre.