HISTOIRE –PERSONNALITES- ALI BOUMENDJEL
© Benjamin Stora, août 2020
Ali Boumendjel est un homme d’un courage
exceptionnel qui, placé au secret, torturé pendant 43 jours, refusa de parler.
C’était pendant la terrible « Bataille d’Alger » en février-mars 1957. Il est
mort, sous la torture, le 23 mars 1957. Sa mise en terre se déroula sous la
surveillance des parachutistes français, dura un quart d’heure (au défi de la
coutume musulmane), le 26 mars 1957 au cimetière Sidi M’Hammed
à Belcourt. (………………………….)
Ali Boumendjel est né le 23 mai 1919 à Ighil Izane dans une famille
riche en talents, imprégnée de combats politiques, de voyage, de littérature,
de culture. Son père est un instituteur sorti de l’Ecole normale de la Bouzareah. Le jeune Boumendjel
accomplit un parcours scolaire brillant, obtenant son baccalauréat, ce qui
n’est pas rien à cette époque. Il est l’homme d’un nouveau monde qui émerge
dans l’entre-deux-guerres, celui des engagements, des désirs de transformations
portés par une élite algérienne musulmane en formation. Malgré un penchant réel
pour la médecine, il opte pour des études de droit, plus courtes, pour ne pas
être à la charge de sa famille modeste. Il s’engage en politique au moment de
l’avènement du Front populaire, en 1936. (……………………..) Ali Boumendjel
a des convictions portées par une grande culture, une culture ouverte,
généreuse, puisant aux sources des rationalismes français et des Lumières
portées par l’Islam. Sa formation d’avocat lui donne l’idée qu’en droit, comme
en politique, il faut avancer dans la nécessité du progrès, et que les vérités
neuves s’imposent en rendant caduques les anciennes. Il est donc un
révolutionnaire contre le système colonial, non pour détruire tout ce qui
existe, mais pour favoriser une autre renaissance de son pays.
Très vite, il est repéré par l’administration coloniale comme un « élément
dangereux », à surveiller. Il participe aux activités clandestines des
nationalistes algériens pendant la seconde guerre mondiale, s’engage dans le
courant unitaire des Amis du Manifeste et des Libertés (AML), dirigé par Ferhat
Abbas et animé à la base par les militants de Messali
Hadj. Après les massacres de Sétif et de Guelma en mai-juin
1945, Ali Boumendjel rejoint le parti fondé par
Ferhat Abbas en 1946, l’Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA). Il
participe aux activités du Conseil Mondial de la Paix, et Malika Rahal suit pas à pas, les efforts d’Ali Boumendjel,
partisan d’une dynamique unitaire dans le mouvement national algérien des
années 1950.
Cet esprit libre, qui aurait pu afficher son érudition, se méfie des
hiérarchies, des chemins tout tracés, des jugements préconçus. Ali Boumendjel est au contraire un
pragmatique, cherchant le meilleur dans chacun des courants qui se disputent,
quelquefois sans motifs valables, à l’intérieur de la mouvance nationaliste
algérienne. Les sillons qu’il creuse à l’UDMA partent de cette conviction : il
faut rassembler toutes les tendances algériennes, ne pas s’enfermer dans des
logiques communautaires étroites, chercher des passages avec les
anticolonialistes français adeptes de l’égalité républicaine. Sa passion se
voit seulement lorsque se manifeste sa vision obstinée d’une Algérie réellement
libre. Avant le déclenchement de la guerre d’indépendance, il est l’un des
rares à bénéficier de la confiance des courants algériens, divisés face au
déclenchement de l’insurrection de novembre 1954 décidé par le FLN.
Au Front de Libération Nationale qu’il rejoint très vite, il est respecté
pour sa vivacité intellectuelle. Dans la tourmente de la guerre d’indépendance,
son autorité rassure. Il est l’un des dirigeants politiques les plus écoutés.
Et c’est pourquoi les parachutistes français se sont vite intéressés à lui,
comme la possible « tête pensante » du FLN, et ont cherché, par tous les
moyens, à le faire parler…...
Il laisse derrière lui un héritage politique et culturel que son frère
reprendra dans le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA),
proclamé un an après l’assassinat d’Ali Boumendjel
(……………………………)