ADMINISTRATION- GOUVERNEMENT/GOUVERNANCE-
RENCONTRE GOUVERNEMENT/WALIS, CÔTURE- FEUILLE DE ROUTE
GOUVERNEMENTLE/PRIORITES- A DJERAD, J 13/8/2020
© synthèse
Neila Benrahal/el Moudjahid
Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, a
tracé jeudi, la feuille de route du gouvernement, pour la mise en œuvre des
priorités tout en fixant un calendrier pour la réalisation des projets de
développement.
Dans son allocution de clôture des travaux de la rencontre gouvernement-walis,
Djerad a précisé qu’il s’agit d’une rencontre d’évaluation de la mise en œuvre
des orientations du président de la République à l’issue de la rencontre de
février dernier. «Selon les rapports transmis, le taux d’exécution du programme
du Président n’a pas dépassé 10 à 20%. On aurait souhaité atteindre au moins
50%. Certes, il y a une conjoncture sanitaire particulière et des problèmes
financiers. La situation financière est difficile, notamment à cause de la
dilapidation de l’argent public par la Issaba (la bande) mais il y a aussi la
bureaucratie, plutôt des bureaucrates qui entravent l’exécution du programme du
président de la République et du plan du gouvernement au niveau local. Ces
bureaucrates ne veulent pas qu’on sorte de cette situation et réaliser le
développement local, la numérisation et le développement des zones d’ombre»,
précise-t-il.
Approche globale et intégrée
Evoquant les recommandations présentées par les walis, le Premier ministre a
relevé qu’il s’agit des mêmes rapports des ateliers de la première réunion
tenue en février. «J’ai parlé des priorités. Les recommandations ne comportent
pas des priorités. Les dossiers importants ont été occultés dans les rapports
des ateliers. Il faut arriver à la mise en œuvre des orientations du président
de la République d’ici la fin de l’année en cours, notamment la numérisation,
le développement économique et le développement des zones d’ombre. A travers un
suivi quotidien des décisions, on doit atteindre un taux d’exécution de 60 à
70%», insiste-t-il. Il a ordonné aux walis d'élaborer le rapport final en deux
parties : les priorités et les affaires urgentes.
Le Premier ministre a tracé les priorités dont l’adoption d’une approche
globale et intégrée qui vise une intervention rapide dans les zones d’ombre.
Djerad a insisté sur la nécessité de la mise en place d’une vision sur les
zones d’ombre pour plus de transparence et pour l’élaboration de projets
intégrés, en concertation avec les citoyens. «Il ne faut pas imposer la vision
de l’administration mais prôner le dialogue voire la démocratie participative»,
soutient-il, tout en insistant sur la nécessité de la définition de la zone
d’ombre, qui ne se situe pas dans la zone urbaine, mais dans les villages
enclavés et dans le Sud.
Le raccordement aux réseaux d’électricité, de gaz, d'eau potable et d'assainissement
et le désenclavement à travers la réalisation des routes dans les zones d’ombre
constituent une priorité majeure, insiste le Premier ministre qui a appelé au
report des opérations qui nécessitent un financement lourd et un délai de
réalisation long.
«Il faut chercher des solutions palliatives pour assurer une prise en charge
des besoins de la population», mentionne-t-il aux walis.
Il les a instruits pour l’élaboration d’un plan pour la mise en œuvre des
projets de développement des zones d’ombre avec un calendrier mis en place avec
le ministre de l’Intérieur.
«L’Algérie nouvelle doit fonctionner avec de nouveaux mécanismes et une
nouvelle méthodologie», relève Djerad. Evoquant le thème du 2e atelier consacré
à l’évaluation de la mise en œuvre des mesures de prévention contre la
propagation de la pandémie COVID-19, le Premier ministre a tenu à préciser
qu’il n’est plus question de parler de collectivités territoriales, mais de
collectivités locales car cette appellation a un contexte politique et idéologique.
Il a rappelé que les pouvoirs publics ont déployé les moyens de lutte et de
prévention dès l’apparition de la pandémie. «Le ministre de la Santé était en
contact quotidien avec les walis pour le suivi permanent de la situation.
Toutefois, nous avons commencé la définition des insuffisances enregistrées. Le
grand défi est d’alléger l’impact de la crise sur l’économie nationale et la
récupération progressive des capacités économiques», dit-il.
Aucune distinction entre l’entreprise publique et privée
Le Premier ministre a indiqué que le gouvernement a mis en place une feuille de
route mettant en avant le rôle des walis et des collectivités locales dans sa
mise en œuvre.
« C’est votre rôle, messieurs les walis. Il faut encourager les entreprises
économiques et consolider le dialogue avec leurs responsables, à travers le
contact avec des partenaires socioéconomiques. Il ne faut pas faire de
distinction entre l'entreprise publique et privée. A partir d’aujourd’hui, on
parlera de l’entreprise algérienne seulement. La différence est dans la
production et la gouvernance pour aller à une transition graduelle vers une
nouvelle économie», dit-il.
En s’adressant au ministre de l’Industrie, Ferhat Ait Ali, le Premier ministre
a précisé : «J’espère que vous serez le deuxième père de l’industrie nationale
nouvelle. Il faut renforcer la prévention de la pandémie à travers le
développement de l’industrie nationale, notamment les tests et les moyens de
protection ainsi que le matériel médical de réanimation. Il faut se préparer à
toute éventuelle pandémie», insiste-t-il, tout en mettant l’accent sur
l’importance de la prévention sanitaire et économique. A ce titre, le Premier
ministre a salué l’élan de solidarité de la population et la société civile
avec le personnel médical durant cette crise sanitaire. «C’est un message à
ceux qui veulent faire croire qu’il existe un écart entre le peuple et les
institutions de l’Etat», assure Djerad.
Un autre défi : l’organisation de la prochaine rentrée scolaire. Le Premier
ministre a insisté sur la nécessité de la mise en place par les collectivités
locales d’un protocole sanitaire en coordination avec les ministères de
l’Education, l’Ensenseignement supérieur et la Formation professionnelle. «Il
faut préparer dès maintenant ce protocole, notamment pour les épreuves des Bac
et BEM en coordination avec le ministère de l’Education nationale et les
parents d’élèves».
Djerad a relevé que l’administration a été confrontée aux difficultés.
«Il faut adapter notre système administratif à travers des mécanismes de
communication à distance et la généralisation des réunions par visioconférence
pour régler les problèmes urgents», soutient-il. Il a insisté sur la levée de
50% des obstacles, notamment économique, d’ici la fin de l’année en cours.
La rentrée sociale est un autre défi. Le Premier ministre a évoqué le phénomène
de la série des feux de forêt enregistrés ces dernières semaines, exhortant les
walis à préserver le patrimoine forestier par la prévention et l’anticipation.
«Ces incendies ont un impact également sur l’environnement social et économique
», dit-il.
Covid-19 : 72% des employés ont bénéficié d’un congé payé
Il a relevé un recul des mouvements de protestation et des grèves depuis le
début du mois de mars en raison de la crise sanitaire. Une enquête du ministère
du Travail portant sur un échantillon de 3.660 entreprises employant 440.471
travailleurs dans différentes filières d’activité a fait ressortir plusieurs
indicateurs.
72% des travailleurs ont bénéficié d’un congé payé, 1,6% se sont retrouvés en
chômage technique. 75,6% des entreprises ont vu une baisse de leur activité,
alors que 44% ont enregistré un retard dans le versement des salaires. En
outre, 0,8 % des travailleurs ont fait l’objet de congé sans solde, 7,5% en
régime de travail partiel, 12% sont concernés par une fermeture provisoire de
leurs entreprises et 1% par une fermeture définitive. Le Premier ministre a
instruit les walis à régler les problèmes et agir pour limiter les effets de la
crise, notamment sur les travailleurs.
Il n’y aura pas de nouvelles zones d’activité
Evoquant l’axe du développement socioéconomique, le Premier ministre a soutenu
que le développement passe par l’exploitation du foncier industriel. «Nous
n’avons même pas une vision claire dans ce domaine», déplore-t-il. En réponse
aux walis qui ont recommandé la création de nouvelles zones d’activité, le
Premier ministre a rejeté cette idée, car il faut d’abord gérer les zones
existantes qui sont confrontées à plusieurs problèmes, notamment le raccordement
au réseau d’électricité.
«Tout doit être électrifié avant la fin de l’année en passant par les zones
d’ombre, les zones industrielles et les zones rurales», dit-il. Il a insisté
sur l’activation de la commission interministérielle et des commissions locales
chargées du raccordement des zones industrielles et des autres espaces
d’investissement à l’électricité ainsi que la commission interministérielle
pour le raccordement des exploitations agricoles.
En s’adressant au ministre de la Pêche, Sid-Ahmed Ferroukhi, le Premier
ministre a indiqué qu' «il faut en finir avec la concentration des activités
industrielles sur la bande du littoral», plaidant pour la révision de la carte
territoriale afin de dégager des assiettes qui serviront à l’implantation des zones
industrielles et d’activité dans les Hauts plateaux et le Sud».
Il a donné instruction pour mettre en place dès jeudi, des commissions
régionales mixtes entre les walis et les deux ministères délégués chargés de la
Micro-entreprise et des incubateurs et des Start-up, pour expliquer aux jeunes
les opportunités de financement disponibles avec le renforcement des mécanismes
d'accompagnement. «La PME n’est plus l’ANSEJ. On a donné de l’argent aux jeunes
dont certains n’ont pas créé des entreprises et ont gaspillé l’argent public.
Nous avons changé la stratégie et la vision. L’Etat a mis en place des
mécanismes de financement pour appuyer la nouvelle stratégie", dit-il.
Mise en place d’un plan d’urgence de numérisation au niveau
local
Evoquant l’axe de la numérisation, le Premier ministre a constaté que «cela
fait 20 ans qu’on en parle». Il a souligné l’impératif de la numérisation de la
gestion de l’administration à haut niveau. «On utilise toujours le papier. Il
faut numériser la gestion au niveau du gouvernement et l’administration locale
et aller vers le e-government», préconise-t-il.
Le Premier ministre a insisté sur la numérisation de l’administration douanière
et celle des impôts. «C’est le moyen efficace pour lutter contre la corruption
et assurer la transparence. Il y a des obstacles car il s’agit d’atteinte aux
grands intérêts mais il faut sortir l’Algérie de la Issaba (bande) du passé»,
insiste-t-il. Il a ordonné aux walis la mise en place d'un plan d'urgence de
numérisation au niveau local. A propos des statistiques, le Premier ministre a
demandé une feuille de route du secteur. «Nous sommes très en retard dans ce
domaine», dit-il, appelant à la création d'une instance nationale de collecte
de l’information statistique. M. Djerad a relevé le manque d’une image
claire sur les statistiques. «Des décisions approximatives ont été prises sur
la base de statistiques imprécises, ce qui a engendré des erreurs dans
l’élaboration des politiques et visions d’où l’impératif de mettre en œuvre une
nouvelle politique de statistiques», lance M. Djerad qui a insisté sur la
formation dans ce domaine.
La feuille de route dans ce domaine, précise le Premier ministre, prévoit
l’activation du Conseil national des statistiques, la révision du texte
règlementaire relatif au système statistique, la mise en œuvre d'un numéro
d'identification commun aux instances et entreprises avec le renforcement de
réseau des statistiques à travers la création de cellules, services et sections
au niveau local.
«Ce n’est plus la planification impérative », dit-il. Il a annoncé que la
révision du texte règlementaire du système statistique est imminente. «Les
textes seront prêts durant le mois en cours», précise-t-il.
Les principales orientations du Premier ministre
Le Premier ministre a souligné qu’il est temps d’aller vers la rationalisation
des dépenses publiques et la rigueur dans la gestion des affaires de l’Etat et
éviter toute forme de gaspillage. «Nous sommes des spécialistes du gaspillage.
Nous sommes tous concernés», citant le recours abusif aux travaux de
réaménagement des trottoirs.
Ce n’est pas possible. Je ne tolère plus la mauvaise gestion», dira le
Premier ministre.
Il a notamment plaidé pour la coordination entre les partenaires
socioéconomiques dans la mise en œuvre des orientations du Président de la
République.
Il a indiqué que l’entreprise est le moteur de l’économie nationale.
«L’administration ne doit pas monopoliser la décision économique.
L’administration est modératrice. L’objectif est l’amélioration du cadre de vie
des citoyens. L’Etat est là pour vous soutenir», mentionne-t-il à l'adresse des
walis.
Relevant un manque de collaboration entre les différentes parties, le Premier
ministre a indiqué qu'«il ne faut plus trouver d’excuses et dire que c’est un
problème administratif ou financier. Il faut plutôt faire des prévisions et une
fois sur le terrain, il faut juste passer à l’application ».
Le Premier ministre a plaidé également pour l’écoute du citoyen dans la prise
en charge de ses préoccupations. «Il faut accorder un intérêt particulier aux
régions du Sud et des Hauts Plateaux car il y a des disparités sociales. Il
faut que ces régions bénéficient de projets en priorité. Elles étaient exclues
à cause du régionalisme et pour des calculs politiques», assure-t-il.
Le Premier ministre a également instruit les walis pour la levée des entraves
bureaucratiques et pour encourager les investisseurs. L’édification de la
nouvelle République passe par la transparence, la démocratie réelle et la
moralisation de la vie politique et la lutte implacable de la corruption et les
corrompus. «Les corrompus sévissent toujours. La justice doit sévir».
L’Etat de droit est le pilier de la République. On ne peut pas bâtir une
économie ni construire une démocratie sans l’application de la loi qui est la
base de l’Algérie nouvelle», dit-t-il.
Une charte d’éthique pour la prévention du conflit d’intérêt
En outre, M. Djerad a assuré que l’Algérie a tous les moyens et les capacités
pour moderniser de l’Etat et restructurer l’administration à travers la
numérisation. Il a appelé au lancement du projet de réformes du système de
gouvernance fort et moderne pour une rupture totale avec les pratiques du passé
qui ont conduit à des dérives graves et inacceptables.
Le Premier ministre est formel : «La désignation dans les postes sera soumise
seulement à la qualification et le mérite.»
«Pour occuper des postes de responsabilité, il faut répondre aux critères de la
compétence, l’intégrité, le mérite et les mécanismes d’évaluation. Tous ceux
qui constituent un obstacle volontairement au développement au niveau local
feront l’objet d'enquêtes», met en garde M. Djerad.
Il a également exhorté les walis à la mise en place des mécanismes de contrôle
pour la gestion saine des deniers publics.
M. Djerad a annoncé qu’une charte morale et d’éthique pour les
fonctionnaires sera élaborée la semaine prochaine par le Gouvernement. «Cette
charte est un outil de prévention, notamment du conflit d’intérêt», assure le
Premier ministre.